Vues de l'exposition Couper le vent en trois, Palais de Tokyo, 2022
Alcôve 1, Le bal des cornouilles
Commissariat Adélaïde Blanc
Photographies Aurélien Mole |
Cuisson dans un four Noborigama.
Près de La Borne, un village qui rassemble près de quatre-vingt potiers, Caroline Iltis Nussbaumer réalise des pots et des amphores en grès et les cuit dans son four à bois de type noborigama. Ces fours japonais sont construits sur un plan incliné pour améliorer le tirage et permettent de cuire de grandes quantités de poterie à haute température. Ils sont construits en brique réfractaire et recouverts de torchis. Le sien s’étend sur une dizaine de mètres et ses 9m2 abritent trois chambres, chacune étant destinée à un certain type d’objets, car la quantité de bois brûlée diffère dans chacune d’entre elles. Cette technique de cuisson colore les céramiques de manière aléatoire : chaque face sera différente selon le passage de la flamme et la réception des cendres.
Au rythme de deux fois par an environ, cette cuisson dure généralement une semaine pendant laquelle les équipes de jour et de nuit se relaient pour alimenter la bête. Toutes les cinq minutes, elles nourrissent le feu de bûches d’un mètre, jusqu’à ce que la température atteigne les 1300°C. Ce sont des moments collectifs au cours desquels, au-delà des cuiseurs et des cuiseuses, ami-es et voisin-es accompagnent l’équipage durant cette traversée immobile. Chacun-e entoure le four d’attentions et de sobriquets, aimanté-e par la chaleur et les palabres qui s’en dégagent.
Les pièces présentées dans l’exposition résultent de la troisième cuisson réalisée par Caroline Iltis Nussbaumer et Hélène Bertin, du 7 au 12 mars 2022, à Neuilly-en-Sancerre. Elles ont été accompagnées de près par Hervé Rousseau, et aidées des cuiseurs et cuiseuses Camille Ferry, Marie Géhin, Bertrand Iltis, François Junot, Chantal Magne et Mélanie Mingues. Pour cette cuisson, dix-huit stères de bois ont été brûlées. |
Le bal des cornouilles
Hélène Bertin rassemble quatre-vingt-dix anatomies végétales aux multiples qualités sculpturales issues de l’herbier de l’Université Lyon 1. Ces agrandissements de fleurs à différents stades de leur épanouissement ont été réalisés au XIXe siècle pour l’enseignement de la botanique. Fabriqués en papier mâché, recouverts de papier et peints à la main, ils sont conçus pour être examinés, manipulés et démontés. La sélection réunie ici par l’artiste comprend des modèles Brendel et Auzoux que certaines universités recommencent à utiliser malgré la fermeture des laboratoires de botanique.
Hélène Bertin complante ces reproductions de fleurs avec une plante fictive chargée de différentes variétés de fruits. Ces derniers empruntent leurs formes et leurs textures à des fruits rares observés par l’artiste dans des jardins botaniques, des pépinières et des ouvrages de pomologie. Mûries au feu de bois pendant six jours et cinq nuits dans un four noborigama, auprès des pièces de la potière Caroline Iltis Nussbaumer, les porcelaines se sont chargées aléatoirement en couleurs par le passage des flammes et la projection de cendre. Hélène Bertin sonde la richesse du sol et nous conte une expérience reliée à l’élément terre et à ses transformations.
La serre du XIXe siècle, en partie restaurée à l’occasion de l’exposition, appartient à un maraîcher voisin de l’artiste, également collectionneur d’herbiers et d’instruments agricoles. À son retour dans le Vaucluse, l’architecture horticole accueillera des événements culturels et des temps de transmission sur le vivant. Des outils en bois façonnés par un jardinier de la forêt et deux discrètes cuillères accompagnent ce récit du travail de la terre œuvrant pour une culture nourricière.
Adélaïde Blanc
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