Vincent BONNET 

Vincent Bonnet : Le parti pris de l'image

L'efficacité artistique, pour être notable, ne peut naître que d'un échange rigoureux entre l'action et la création ; elle doit développer les formes modes- tes qui correspondent mieux à son influence dans les communautés actives que le geste universel et prétentieux de l'oeuvre d'art. (1)

Si la photographie est mon médium privilégié de création, ma problématique est celle de l'image en général et de ses enjeux publics en particulier. Mon approche est un questionnement ininterrompu sur la puissance des ima- ges et leur banalisation : charges idéologiques, dimensions multiples, qualités spécifiques, usages variés, visibilités imposées, nécessités vitales, valeurs contrariées et affects impersonnels...

Ma pratique s'inscrit entre une approche documentaire d'enregistrement du réel et la construction rigoureuse d'images , souvent accompagnées d'actions de diffusion dans « l'espace public », avec des photographies imprimées en nombre sur des supports variés tels que la carte postale, le tract, l'affiche, le journal, le dépliant, l'affichette, la revue, le papillon, le flyer, le livre, l'autocol- lant, la pancarte etc. Ces actions représentent autant de manières d'investir ce que je nomme le champ médiatique, procurant ainsi à mes images une efficacité tangible.

La photographie, si photographie il y a, est déjà prise, déjà tirée, dans l'intérieur même des choses et des sites, et pour tous les points de l'espace. (2)

Mon travail figuratif s'élabore par des enquêtes qui mettent en jeu le réel, à travers des lieux, des corps, des objets et surtout des images. Je travaille toujours en situation — en immersion. J'aborde la création comme on pose expérimentalement un problème, entre approche conceptuelle et expérience concrète matérialiste.

Je cherche à instituer un écart, une ouverture qui rend possible l'existence d'une image (ou d'une série d'images) entre le cliché (survisibilité insidieuse) et le contrechamp (l'invisible inexistant parce que soustrait ou refoulé). Sans a priori, il s'agit toujours de voir, pour voir si il y a quelque chose à voir... puis donner à voir ce qui fait problème. Ainsi je cherche à instituer de nouvelles présences en image, dans un espace-temps inédit, négocié et partagé.

Mon projet au long cours est de constituer une archive vivante, un fonds d'ima- ges efficientes et critiques, que je cherche à inscrire dans le champ social et politique. Je cherche à opérer des sortie et des déplacements : de l'art vers l'action, de la bêtise vers la réflexion et de l'oeuvre vers le travail commun.

« Regarde de tous tes yeux, regarde » (3)



(1) Walter Benjamin, in Sens unique
(2) Henri Bergson, in Matière et Mémoire
(3) Jules Verne in Michel Strogoff)




Photographe, éditeur, artiste, iconoclaste, Vincent Bonnet s'intéresse à l'image, à ses conditions d'apparition, à ses territoires d'action, à ses usages vernaculaires et à ses enjeux de production. Conscient de la portée politique de l'occupation de « l'espace public » par des reproductions de toutes les espèces, il interroge les mécanismes de cette présence ubique et invasive. Dans son oeuvre, la multiplication et la propagation de masse élaborent un principe de travail qui prend corps à travers des formes éditoriales, imprimées et variées... Jouant de l'interférence et de l'immixtion, il met en place des stratégies reproduisant les modes de dissémination des images publiques. Ses oeuvres reprennent souvent les protocoles des campagnes publicitaires, elles jouent de certains de ses codes et appellent au questionnement par la saturation. Les actions qu'il mène représentent autant de manières d'investir, de façon éphémère et concrète, le champ social et politique, procurant à ses « oeuvres-images-actions » une efficacité problématique.

Guillaume Mansart
Techniques et matériaux


photographie
imprimerie et reprographie industrielle
scotch, colle, eau
Mots Index


image
public
probléme
document
action
travail
économie
littéralité
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