Martine DERAIN 

Martine Derain, artiste et éditrice, aime travailler en amitié et en collectif. Depuis ses premières créations en France, en Palestine ou au Maroc, elle noue récits d'histoires collectives et espace public. Les livres qu'elle publie au sein des éditions commune, qu'elle a fondées en 2010, comme les films dont elle est aujourd'hui la « conteuse », sont des fables documentées dont les lignes narratives entremêlent art et politique, urbanisme et poésie. La mise en récit d'archives trouvées ou confiées, institutionnelles ou personnelles – fonds constitués au cours de longs compagnonnages avec des lieux ou des êtres – y tient une place essentielle.
Sur l'autre versant de la création, elle se préoccupe d'administrer (prendre soin, en français ancien) des lieux de création et de production : elle a partagé l'expérience de la Compagnie (art contemporain), elle accompagne aujourd'hui celle du Polygone étoilé, dédié au cinéma non-aligné.





Paul-Emmanuel Odin, La méthode Derain
Texte de présentation - conférence de Martine Derain à l'école des Beaux Arts d'Aix-en-Provence le 23 mars 2009

Y-a-t-il une méthode "Martine Derain" ? Ou plutôt, en quoi le travail de Martine Derain soulève-t-il avec précision, entre art et politique, des questions de méthodes ? Déjà, ce questionnement, où se glissent l'imprévu, le jeu de l'artiste avec les codes, les pouvoirs, avec des petits bouts souvent dérisoires mais peut-être d'autant plus vivants et plus redoutables, dépasse d'un cran qualitatif les simples évidences de beaucoup d'interventions artistiques pseudo-politiques, qui s'en tiennent trop souvent à une critique post-politique, parfois jusqu'au cynisme le plus odieux. C'est déjà se situer au niveau de friction, de confrontation violente, entre un réel et ce qu'on en dit, dans des tensions réciproques, asymétriques. C'est déjà serrer les enjeux d'une situation avec sa complexité humaine, et la mettre en relation avec le sens qui lui est donné. Le politique a à voir avec l'institution de la parole, sa répartition dans la société, les fonctions terribles de la parole.

D'où, toujours, et d'abord, et chaque fois, à partir d'une intuition, d'une rencontre, un travail implacable de documentation, et d'analyse, et ensuite un prendre-parti, une prise de position assumée, et ensuite, l'invention d'une forme, que cela soit pour l'idée formidable des tickets modifiés en passeur insaisissable de la ligne de bus entre Ramallah et Jérusalem, pour une intervention pérenne à l'intérieur d'un nouveau foyer Sonacotra (en collaboration avec Dalila Mahdjoub), pour la revue murale et urbaine Numéro (en collaboration avec Laure Maternati), ou pour un document sous forme de livre autour du parc abandonné de La Source du Lyon à Casablanca, jusqu'au militantisme au sein de Un Centre Ville Pour Tous autour de la rue de la République à Marseille qui lance l'artiste dans une nouvelle expérience éditoriale.

Il y a finalement toujours quelque chose de la psychanalyse institutionnelle dans le travail de Martine Derain, au sens elle utilise un seul moteur, un désir qu'il faut dire moins politique que politisé. Loin d'être accablé par un tel projet dans sa rigueur, nous sentons au contraire que l'audace de sa raison libère notre légèreté, notre vie, ses interstices.



Techniques et matériaux


Tous matériaux selon le projet (papier imprimé, béton, verre, bois, photographie, vidéo...)