Carlos KUSNIR 

J'ai réalisé Superman il y a 14 ans.

Je me souviens que 2 sensations m'avaient envahies.
Ces deux sensations je les aies remplies d'images comme dans les rêves.
Il y avait mon père qui se rasait en chantonnant sur fond de disque le Coeur Héroïque de l'armée Soviétique, et puis il y avait aussi le souvenir de la honte et de la lâcheté dans des bagarres d'enfants.

J'allais d'une sensation à l'autre comme un ballon qui rebondit à chaque fois plus fort. Les taches de l'étude préliminaire sont devenues les traces de ces coups de ballon. Mais, à chaque fois que je me prenais aux simulacres de la peinture (comme par exemple l'illusion d'un ballon qui s'aplatissait) tout le tableau devenait figé et comme mort. En revanche, si moi, armé d'un
pinceau, fatigué, j'attaquais le tableau avec une rage d'autrefois, ça ne marchait pas non plus. Il fallait encore me prendre au tableau pour un tableau et seulement pour un tableau.
J'ai réalisé Superman une trentaine de fois et, dans la dernière, j'ai préparé 2 ou 3 jus de couleur et je l'ai peins en 15 minutes sur l'humide.

Du tableau, j'ai sorti comme on sort d'une noyade, avec cet objet flottant à côté de moi.

Carlos Kusnir, 2000




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Des allumettes, des façades et des tableaux.


Dans les ornements, je trouve des rythmes et des mélodies qui me parlent.

A Saint-Nazaire, on a construit des grandes structures en bois que j'ai remplies avec des motifs imprimés en sérigraphie.
Je les appelle des façades peut-être par commodité, mais en réalité, je ne pense pas seulement à la maison. La maison c'est l'anecdote, le détail au-dessous duquel il y a une présence. Je pense surtout à la présence qu'une image peut laisser. Comme quand nous regardons le visage de quelqu'un... la face. Je regarde souvent les peintures comme des visages.
Où sont-ils ces visages? Où les trouvons-nous?
Les façades que j'ai montrées dehors, sont des formes sans fond qui se mélangent au paysage. Elles sont obligées, condamnées à dialoguer avec le paysage. (Ce n'est pas une maladie, c'est son médicament!)
Ce n'est pas la même chose ni pour les esquisses ni pour les tableaux. C'est rare de se trouver avec un tableau par hasard. Pour un tableau nous prenons l'autobus, nous descendons du métro, et nous rentrons dans une galerie ou musée. Les façades, je voulais qu'elles s'interposent entre le piéton et le paysage, qu'elles attaquent le passant par surprise.
Dans les salles d'exposition nous regardons un tableau, puis un autre. Nous jetons un regard d'ensemble, et puis nous parlons de l'accrochage.
Et je me demande, (parce que nous parlons beaucoup des accrochages ) si nous ne cherchons pas par-là, à vivre une sensation d'ensemble, qui existe lorsque la peinture est liée à d'autres situations, à d'autres endroits.

Carlos Kusnir, 2001