Charlie VEROT 

ADOLESCENT JOKE
Mathilda Portoghese
Texte de l'exposition LOOK AWAY OR BE COMPLICIT IN THIS STUPID ADOLESCENT JOKE, Atelier Dédale, PAC 2023, Marseille


Now you can intellectually contemplate or masturbate about the felicity of the socalled “atonal”, but the important question here is : What is the effect ? What is it actually doing to me ? – Lydia Tár

Parfois, on regrette ce que l’on n’a pas (vraiment) connu, comme l’innocence de l’adolescence.

Liebeslied (chanson d’amour) ou Liebesleid (chagrin d’amour). Il n’y a qu’une lettre qui sépare un destin d’un autre, la félicité de la torpeur. Quand j’écoute cette valse adaptée au piano par Rachmaninoff, une rêverie chaude et tristoune, je me laisse envelopper de sa noble et viennoise mélancolie, et, débride par le chic de la situation, ma tristesse sans en rougir. Un peu comme une fourrure achetée pour braver l’hiver polonais, un peu comme ces luckies qui puent et qui ponctuent les fins de phrases de ronds de mains. À mes yeux, Charlie Verot incarne le cliché le plus sincère du peintre romantique, ou plutôt sa déclinaison contemporaine ; celle du jeune artiste bousculé hors des grandes villes trop onéreuses, et venu vivre en la cité phocéenne, de sa passion et d’eau fraîche anisée. Cette vision vous paraît fantasmée ? Pourtant, elle est ce qu’elle est, sans mentir ni embellir, un peu magnifique, un peu miteuse, essentialisant son existence en l’espace intérieur de sa peinture et de sa musique.

Let’s have a party, bande originale de son quotidien d’atelier, n’invite pas plus à la fête, que les courts extraits qui composent ce collage sonore, ne peuvent nous faire danser (à l’exception de Boney le squelette, pas mort d’ennui). Leurs précocités toutes masculines, en boucle, nous refusent plaisir et résolution, autant qu’elles nous tiennent curieuses et en haleine. Charlie s’inscrit dans un refus de la séduction, de l’attraction et du dénouement. Une résistance en lettres majuscules, grasses, formalisées au scotch sur la toile, qui est en réalité un NON qui dit oui, synonyme inattendu d’un « Je t’aime », d’une Liebeslied adressée à la peinture. À la fraîche et à l’huile, Charlie profite de son amour de jeunesse, un noir naïf et humide, dont il vient, en mouvements improvisés, dégrader les qualités.

On pourrait s’arrêter à sa peinture comme on se saisirait d’un T-shirt à message, pourtant rien dans son travail ne laisse place à la facilité, il aurait trop peur que cela ne rime avec superficialité. Ce refus du plaisir pop, jugé trop commode ou évident, se matérialise dans son travail par l’emprunt d’un sillonnement parallèle, tortueux, bad, et atonal. Celui des notes qui ne formeront jamais de gammes, celui du DIY, de l’apprentissage en autodidacte, celui du débrouille side. À rebours des normes et de la facilité, le side de l’émancipation est emprunté par ceux, qui, comme Charlie, s’expriment dans le plaisir et la dissonance. Alors, parfois, l’adolescence est plus qu’une époque (à) dépasser, elle est une condition d’existence.

 
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