Caroline TRUCCO 

 
 
Mback 2017
Installations vidéo et sonore (tirage vinyle 190 x 130 cm, vidéo 5 min, son, 4 masques en bois)
Vues de l’exposition Moving Frontiers : do and undo/ faire et défaire, Espace Doual’art, Cameroun 2017. Dans le cadre de la triennale SUD 2017.
 
L’installation Mback évoque la guerre d’indépendance du Cameroun, sa mémoire occultée et la pérennité des valeurs de l’Union des populations du Cameroun (UPC), à la suite d’une étude que l’artiste a menée à Douala. Un processus d’enquête de terrain a été mis en place, en lien avec le mouvement upéciste : rencontres avec des militants, journalistes, anciens résistants, activistes. Progressivement l’artiste s’est penchée sur deux aspects/spécificités de la lutte : les chants de résistance et les objets de protection ou croyances ritualisées utilisées contre la répression coloniale française.
D’une part, des pièces en bois à l’esthétique bamiléké, sculptées par des artisans à Foumban, rappellent un des foyers majeurs de l’UPC à l’Ouest du Cameroun. La découpe brute du matériau renvoie à un état de l’entre deux : une histoire balbutiante qui peine à éclore, une reconnaissance étouffée de l’action des indépendantistes et du crime colonial. Du son émerge de ces visages, cliquetis d’outils d’artisans qui perforent le bois et texte poétique s’entremêlent. Des fragments de l’ouvrage d’Idriss Souley, datant de 1978, nous sont chuchotés : « L’heure est venue de lancer notre cri à la face du monde, du seul cri ma foi que même le ciel serait injuste de nous refuser, Indépendance Indépendance... » D’autre part, l’installation Mback s’inspire d’un rituel Bassa qui a pour but de réconcilier les ancêtres et leurs descendants. Celui-ci a notamment été réalisé à Eséka sur la tombe d’Um Nyobe (leader décapité) pour éloigner la transmission d’un traumatisme lié à une mort violente (assassinat perpétré par l’armée coloniale française).
La vidéo relate différentes actions : munie d’une radio portative, l’artiste a diffusé dans Eséka un chant de résistance Bassa datant de 1970 en hommage au Mpodol (surnom du leader Um Nyobe qui signifie le porte parole). Des habitants, interpelés et sensibles au chant diffusé sont venus le réactiver sur la tombe avec l’artiste. Une gerbe de Simgang, écorce de bois rouge aux vertus médicinales et mystiques utilisée par les résistants, a été sculptée et déposée sur la pierre tombale du leader. Des drapeaux aux crabes noirs sur fond rouge ont été déposés dans la forêt du pays Bassa, un des lieux mémoriels de la lutte.
La résistance continue et les consciences ouvertes des héritiers des deux bords s’unissent, héritant de l’affirmation d’Um Nyobe « Nous ne confondons pas le peuple de france avec le colonialisme français. »
 
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