Florian SCHONERSTEDT 

Règles, protocoles, contraintes, programmes forment mon vocabulaire plastique. Une grande part de ma pratique est liée à l'acquisition de « matières premières ». Elle est à la fois un point d'arrivée et un point de départ. Je ne m'impose pas de limite aux récoltes de matière première : objets manufacturés, éléments végétaux, enregistrement d'actions ... c'est la contrainte et son application qui définissent le premier sens de la récolte ; l'archivage et le classement viennent le nourrir et l'enrichir. Je m'intéresse particulièrement aux formes et objets multiples qui sont souvent qualifiés d'insignifiants ou sans valeur, à l'opposé de l'unicum [1]. Ainsi je travaille régulièrement avec ce qui est mis au rebut et à destination de la poubelle. Tout en accomplissant un geste contraint, les découvertes ne manquent pas. La part d'inattendu est bien présente autant dans la règle que dans l'endroit où le processus est mis en oeuvre. Dans une démarche poreuse à ces découvertes, je nourris d'autres formes qui prennent corps, en lien (ou non) avec le projet initial. Ainsi j'aime à «faire avec ...» et en cela je cherche à conscientiser mon rapport au monde. La production d'une oeuvre, comme celle d'une marchandise, doit se placer dans le temps de l'anthropocène. Le souci environnemental apparait à tous les niveaux de ma pratique. Le « faire avec » devient une manière de rechercher de nouvelle forme avec le souci d'utiliser la matière en présence. Le plus souvent je mets en place des gestes simples et répétés. Ils deviennent un moyen d'arpenter une zone, un espace, un territoire. La recherche de l'exhaustivité dans la collecte donne à celle-ci une valeur de documentation du réel. Mes choix sont donc le plus souvent subordonnés à la règle que j'ai mis en place. Les lieux définis et les règles établies sont des moyens de faire transparaitre une part de la réalité dans un contexte précis. On peut donc parler d'art contextuel [2] pour une part de mon travail. C'est au sens propre de « l'échelle humaine » que j'envisage mon travail, gardant la portée de la main comme un axiome de ma pratique du « faire »[3]. La constitution de corpus d'« item/idem » s'apparente à des bases de données analogiques. Je les réinvestis notamment en les enregistrant de différentes manières : photos, scans ; scans 3d, prises de mesure... Loin d'un instant décisif je crée le plus souvent des images qui sont des documents. La répétition fait écho à ma pratique du cinéma d'animation, je l'utilise comme un prisme pour orienter mes choix. Et sa définition est vaste, ainsi la construction mentale d'un film d'animation peut aussi être vue comme une sculpture se déployant dans l'espace et non dans le temps. Les séquences animées que je produis peuvent me servir autant dans des installations que dans des films destinés à un visionnage en salle. Les accointances formelles de mes travaux avec les méthodes et protocoles scientifiques m'ont rapidement mené à travailler avec divers scientifiques et institutions (Chercheur en intelligence artificielle, archéologue...). La mise en place de projets transdisciplinaires s'est faite au gré des rencontres. Ainsi c'est le plus souvent une même « matière première » ou un même contexte que je vais utiliser dans une recherche plastique liée à celle du chercheur. L'éclectisme que je cultive dans ma pratique n'en reste pas moins guidé par une recherche dans le visible du plus petit dénominateur commun ou comment le sens naît du dénombrement. Entre l' infra-ordinaire [4] et l'infra-mince [5], ma pratique joue du semblable toujours unique.


[1] Un objet archéologique ou historique connu de nos jours à un seul exemplaire alors qu'il a pu être produit en plusieurs exemplaires.
[2] Paul Ardenne, Un art contextuel, Flamarion, collections Champs arts, 2002
[3] Tim Ingold, Faire, anthropologie, archéologie, art et architecture, Editions dehors, 2017
[4] George Perec, l'infra-ordinaire, Seuil, collections La Librairie du XXIe siècle, 1989
[5] Marcel Duchamp, Duchamp du signe, p305, Flamarion, collections Champs arts, 1975





© Simone Simon




Marion Zilio
"Couper les flux et bifurquer", 2023

Autodidacte, ayant baigné toute sa vie dans l'art grâce à son père sculpteur, Florian Schönerstedt cherche en permanence à mesurer les modifications tenues qu'un geste artistique anodin peut avoir sur son quotidien. Ainsi s'impose-t-il tous les ans, du 1er janvier au 31 décembre, un protocole contraignant afin de couper le flux d'un ordinaire bien huilé et de « voir ce que ça fait ». [...]

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Paul Ardenne
"Florian Schönerstedt Un pied dans la réalité, un autre dans la virtualité"
Publié à l'occasion de l'exposition et de l'édition du catalogue de l'exposition Exposition Exhaustive à la galerie Eva Vautier, 2023

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L'oeuvre plastique de Florian Schönestedt naît de deux univers ordinairement séparés : le réel, le virtuel. Ces deux univers, en celle-ci, se lient, s'emboîtent, finissant par n'en faire plus qu'un. Une magie ? Une fumisterie ? Pas dans ce cas. La création telle que l'envisage l'artiste niçois marche sur deux jambes appareillées l'une à l'autre, l'une matérielle, l'autre immatérielle.
Matière, immatière ? Florian Schönestedt ou comment ne pas choisir. Ou comment agréger, fusionner, rendre solidaire ce qui d'ordinaire occupe deux champs séparés. [...]

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Maurice Fréchuret
"Florian Schönerstedt Archéologue du quotidien"
Publié dans le catalogue de l'exposition Méta-archéologie, 2019

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[...] Archéologue du quotidien, Florian Schönerstedt construit une oeuvre qui s'inscrit dans une filiation déjà riche des apports des artistes qui ont su porter un regard sur ce réel déclassé dont les formes ont, un temps seulement et avant qu'elles ne deviennent éléments de rebus, suscité notre envie et enchanté notre regard. [...]

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