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| « De plus en plus, je me sens comme une musicienne qui oeuvre avec différents groupes (d'ailleurs, je me suis mise au tambourin) », m'a écrit récemment Hélène Bertin. Ce n'est pas une simple métaphore ; c'est résolument une méthode qui est aussi un mode de vie : nomade, disponible à la rencontre, recherchant l'échange, fait de curiosités et de bifurcations, conscient de l'ineffable et de la longue durée.
Créer en musicienne pour Hélène Bertin, c'est identifier la bonne formation pour mener à bien chacun de ses projets, trouver le meilleur écosystème pour rendre palpable les moments de recherche et de production, se poser la question des publics devant lesquels jouer et interpréter sa propre partition ou celles des voix qu'elle souhaite transmettre. En soliste ou en duo, elle mène projets expérimentaux et recherches approfondies sur des sujets précis. En petite formation, elle édite des livres, s'insère dans des modes de production locaux, anime des ateliers. Avec certains orchestres, elle mène des projets ambitieux qui, toujours, se souviennent de l'apport de chaque instrumentiste (Tu m'accompagneras à la plage, Crac Occitanie, Sète, 2019 ; Couper le vent en trois, Palais de Tokyo, Paris, 2022). Créer en musicienne, c'est également une manière de ne pas toujours être à la manoeuvre, mais de s'insérer régulièrement dans des collectifs, des communautés, des moments partagés, ritualisés.
Depuis le mitan des années 2010 et sa double formation – d'un côté, l'École des Beaux-Arts de Lyon et l'École nationale supérieure d'arts de Paris-Cergy ; de l'autre, le compagnonnage décisif avec l'artiste-artisane Valentine Schlegel, à qui elle a consacré un ouvrage remarqué (Valentine Schlegel, je dors, je travaille, 2017) –, Hélène Bertin développe un travail de sculpture et de céramique où elle active une régénération des savoir- faire et des représentations « traditionnelles », où elle redynamise les notions du progrès et de l'ancestral, où elle travaille le présent et le futur à partir d'un passé remobilisé sans être idéalisé. Et cela, en partant toujours des objets et des modes de production eux-mêmes, des émotions qui leur sont associés, des énergies mises en commun dont ils sont chargés, des passions dont ils révèlent les effets. Si le village de Cucuron (Luberon) où elle vit demeure son principal atelier – un lieu situé où le fait d'être artiste dans le champ social et culturel revêt une importance aiguë –, l'ensemble des résidences sur le long cours qu'elle effectue, des ateliers amicaux de passage, des paysages qu'elle traverse donne forme à un espace en perpétuel mouvement où la cueillette, la liberté et la rencontre sont des motifs primordiaux, nécessaires.
Volontairement non standard, les formes des céramiques, sculptures en bois et pièces textiles créés par Hélène Bertin, le plus souvent en petite quantité, témoignent de son intérêt pour le temps de la production ; elles portent les traces des intuitions, des accidents, de ces choses qui nous échappent. Ses oeuvres expriment un potentiel magique, sans être des objets de désir. Elles jouent de leur aspect quotidien, sans être banales. Elles transmettent des histoires fascinantes, sans être intimidantes. Inspirées des mondes artisanaux, paysans, ancestraux, elles s'imposent à nous sans être imposantes. Comme un refrain qui nous accompagnerait au jour le jour, au son du tambourin.
Clément Dirié, en dialogue avec Hélène Bertin
Conversation avec Clément Dirié Exposition Horizones, 23e Prix Fondation Pernod Ricard, 2022 Lire
Conversation avec Vanessa Dziuba Collection revue n°6, 2019 Traduction Soozy Rios Bellenot Lire
Hélène Bertin :"Valentine m'a incité à être plus libre" Podcast Par les temps qui courent, Marie Richeux, France Culture, 2019 Écouter
Une belle à l'eau dormante, par Hélène Bertin Podcast Les Carnets de la création, Aude Lavigne, France Culture, 2017 Écouter
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