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| SHAPESHIFTERS
ou en français, métamorphes : des êtres qui peuvent changer d'apparence. Figure présente dès la mythologie Antique, j'irais ceci dit plutôt la chercher dans la Science Fiction et la Fantasy pour parler du travail du Club Superette. Entités bizarres, objets qui ne sont pas ce qu'ils semblent être, malléabilité à la limite du dégoûtant. Mais au-delà de l'imaginaire que peut convoquer le terme, c'est sa « performativité » qui me semble faire sens : l'action de transformation. Chez le Club, elle est potentiellement infinie, sans cesse renouvelable et renouvelée – tout se modèle comme de la glaise.
Dans ce décor d'argile, de .png et d'articles de farces et attrapes, ce polymorphisme n'est bien évidemment pas qu'allusif. Il est à la fois processus de création, articulation entre les pièces et la forme, leur plasticité. Pas de médium de prédilection ni de hiérarchisation entre ceux-ci. Un gif animé low-tech cohabite avec une installation de dessins sur rhodoïds, un tee-shirt javellisé, une sculpture fumante... rien ne prend distinctement le pas. Plus encore, un seul et même objet peut faire partie d'une installation et peu de temps après en intégrer une autre, changeant au passage radicalement de statut. La toile d'araignée devient, le temps d'un concert, une scène pour le musicien. Rien n'est figé. Les objets évoluent, les images s'animent, circulent entre le papier et le scanner, l'écran et à nouveau le papier. Elles se tordent. Les sculptures sont molles, informes. Tout est poreux, se mélange, se transmue. C'est tantôt sérieux tantôt à l'arrache... en bref, le travail du Club Superette est drôlement et étrangement vivant.
Cette animation, ce bouillonnement ne sont pas pour autant signe de chaos. Ou alors si, mais un chaos sur le fil, en équilibre. Leur travail est autant exubérant qu'iels sont effacé·e·s – ça pique les yeux sur tumblr mais iels demeurent terriblement secret·e·s quand il s'agit d'en donner des informations. Le shapeshifter est mystérieux...
Figure folklo-pop, il allie formes connues et délires fantastiques, fait jouxter la crainte avec l'humour et l'émerveillement. Le travail du Club est là aussi : une apparente nonchalance pleine d'honnêteté, un alliage fascinant entre naïveté, obsessions et mesure.
Les formes et l'esthétique fantasmagoriques que le Club fabrique et convoque offrent toujours une expérience à échelle humaine. Ce n'est ni monumental, ni minuscule, ça s'appréhende par l'esprit autant que par le corps. Les objets peuvent être communs – une bûche, un vélo – et les gestes mis en place aisément reproductibles. L'action de scanner un dessin peut sembler désuète, si ce n'est qu'iels la reproduisent à l'infini, devenant accros à ce qu'iels ont transformé en machine à peindre, coller, photographier. Malgré tout ça, le mystère perdure. Ça s'échappe toujours un peu.
Puis enfin, et c'est peut-être par là qu'il fallait commencer, s'il y a quelque chose d'organique, humain et de généreux dans le travail du Club Superette, c'est bien parce que c'est un club. Un collectif de deux artistes, Marie et Mattéo, qui de projet en projet, de lieu en lieu, est lui aussi polymorphe, tantôt accompagné de musicien·ne·s et d'artistes. / « Et plus si affinités ».
Carine Klonowski feat. Club Superette 2014
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