Mary PUPET 

La PMB est une institution artistique et conceptuelle qui émet des billets en Monnaie de singe®, des œuvres en soi qui interrogent notre rapport à l’argent et, plus généralement, à la valeur. C’est aussi le pivot d’un micro-système, un petit monde imaginé permettant une prise de conscience et de nouvelles sources de débat.
La PMB fédère aujourd’hui des œuvres et des projets autour de la notion de valeur et des concepts qui lui sont associés tels que la propriété, l’échange, mais aussi le don.
 
La Galerie Porte Avion occupée par la Pupet’s Monkey Bank, Juin 2014
 

Monnaie de singe® 50 monkeys 2011
Quatre éditions limitées 125 exemplaires, 9,2 × 21 cm

Impression à données variables sur papier lecture optique, quatre procédés anti-contrefaçon

 
Monnaie de singe® 500 monkeys
Dessin à l’encre sur impression numérique numérotée signée, 12 × 27 cm
 
 
 
 

Jean-Jacques Le Berre
Qu'est-ce qui t'a amené à créer de la monnaie alors qu'en 2011 tu travaillais sur les mots?

Mary Pupet
Oui, il y a trois ans, je peignais des mots du management, des oxymores, des anglicismes que je transposais sur des machines à sous. J'en inventais aussi, parfois, mais le dernier travail était une enseigne où il était écrit «Mucho dinero». Et comme toute «fin de série», ma dernière pièce annonce toujours la suite… Là, c'était vraiment prémonitoire.
Dans les jours qui ont suivi, je suis tombée sur un article à propos de la monnaie complémentaire, il s'agissait plus précisément de monnaies fondantes. J'ai trouvé ça amusant, comme appellation. La monnaie fondante est une monnaie qui se dévalue avec le temps, elle est conçue pour ne pas être thésaurisée mais pour favoriser les échanges commerciaux. Moi qui travaillais sur les oxymores, j'ai immédiatement réagi et j'ai décidé d'en créer une. D'ailleurs, sur mes premiers billets il était inscrit que cette monnaie perdrait 1% de sa valeur chaque mois. Très vite, j'ai abandonné cette idée car entre temps le concept était devenu beaucoup plus complexe.

Effectivement, si on t'écoute ce projet embrasse beaucoup de choses à la fois et dépasse le simple rapport à l'argent. Tu parles de territoire propre, d'auto-identification…

L'idée de m'introduire chez les fabricants du document officiel était très grisante. D'ailleurs, ces gens-là n'arrivaient pas à comprendre pourquoi je les sollicitais, soupçonnant même mon approche. La visée de mon projet n'était pas tant la réalisation technique des billets. C’était très stimulant de travailler sur une marge de manoeuvre. Chacun peut faire sa monnaie, le droit de tirage sur la richesse collective appartient à la collectivité.
Parallèlement, j'ai aussitôt créé la Pupet's Monkey Bank car la monnaie ne pouvait pas rester une œuvre isolée, ce projet ouvrait la voie à une institution artistique conceptuelle.

Quelles sont les opérations de la Pupet's Monkey Bank que tu présentes ici?


Symboliquement, la Pupet's Monkey Bank a acheté des droits de propriété. J'expose ces droits. Ils peuvent être cédés, à condition que soient respectées les intentions de ma démarche artistique. Un contrat sera établi lors de la cession des droits.
Une mallette remplie de bouteilles contenant des billets sera également exposée pour présenter une action consistant à jeter les bouteilles dans le Lac Léman en direction de la Suisse.
J'ai souhaité disperser des messages dans la galerie, il y en a dans des phrases robotiques et dans des dessins.

Ton micro système est-il une utopie?

L'utopie a deux sens. Généralement, on emploie ce terme pour parler de façon plutôt négative de quelque chose d'impossible. Mais c'est également utilisé pour évoquer un idéal.
Ça remonte à très loin. Au XVIIIe il existait un grand nombre de colonies utopistes, puis il y a eu les courants fouriéristes, les colonies pirates, les Hippies, les zones autonomes… Le concept de la Pupet's Monkey Bank peut faire référence à toutes les initiatives du genre, aux micro-systèmes créés aux marges des monopoles.
En 2011, on était en pleine crise bancaire. On a bien vu que le système bancaire pouvait s'écrouler du jour au lendemain. Malgré sa force d'efficacité et son utilité sur le plan monétaire et des échanges), il a prouvé qu'il n'avait pas de capacité à rebondir. Une monoculture n'est pas fiable, il faut introduire une plus grande densité d'inter connectivité.

Est-ce pour cela que tu as écrit «du paradigme de la rareté au paradigme de l'abondance»?


En partie… c’est une hypothèse, une manière de voir les choses d’un autre point de vue.

Tout comme «The World Is Yours»?


Oui, j'ai beaucoup travaillé sur des représentations de la montagne. Pour chacune d'elle, j'ai choisi une montagne de 4000 hectares, propriété de la Caisse d'Epargne. Il n'y a pas une revendication derrière ce choix. Néanmoins, c'était tellement symbolique de choisir une montagne française appartenant à une banque plutôt que n'importe quelle montagne. Curieusement, celle-ci avait été cédée à des capitaux belges rapatriés du Congo. Toute une histoire!

While money is dancing est une œuvre imposante et étrange. S'agit-il des armoiries de la banque?


La Pupet's Monkey Bank n'a pas d'armoiries mais j'ai pensé cette pièce comme une force dans l'exposition. Bien qu'elle soit en forme de soleil, elle est très austère. Je voulais vraiment lui donner cette gravité-là en opposition à l'excès de convivialité. La convivialité masque bien souvent une grande dureté.

Entretien réalisé par Jean-Jacques Le Berre à l'occasion de l'exposition de Mary Pupet, «Pupet's Monkey Bank», à la galerie Porte Avion.

 
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