L’art d’écrire en patte de mouche
Quand on parle d’une écriture en patte de mouche, on dénonce le caractère extrêmement fin et petit, donc difficilement lisible des mots.
Cette expression qui rappelle la petitesse des membres inférieurs de la mouche pourrait-elle aussi évoquer la possibilité d’une écriture produite par les pattes des mouches elles-mêmes ?
Enfermé dans la prison de la Santé, Guillaume apollinaire raconte comment : “Une mouche sur le papier à pas menus/ Parcourt mes lignes inégales ....”
Dans La mouche, Katherine Mansfield (1888-1923) décrit comment une mouche, tombée dans un encrier, détourne un homme de ses pensées. La mouche de Christian Oster (Loin d’Odile, 1998) arpente les lignes de son journal intime.
Didier Petit “écrit les mouches” avec un crayon à la mine de plomb. Comme un enlumineur cloitré dans sa cellule, il va expérimenter le temps qui passe.
Dessinant une à une ces petites mouches à la taille réelle, il emploie ces signes comme autant de hiéroglyphes. Mais le texte est d’abord illisible, voire invisible.
En effet, à plusieurs mètres de l’oeuvre, on ne remarque rien d’autre qu’un rectangle sombre, trompe-l’oeil d’un monochrome.
A mesure que l’on s’approche, on distingue ailes, pattes et trompes entremêlées.
Cet all-over, résultat d’une véritable performance physique est une gigantesque concentration de diptères.
Ephémère comme les mouches, l’oeuvre ne vit qu’avec l’exposition, environ trois semaines.
Vanité du travail accompli. Vanité de la vie.
Véritable encyclopédiste, Petit a également dessiné des papillons, collecté des visages marocains. Décrit ailleurs comme un “astronome” sait-il que la mouche est une petite constellation australe découverte par Jakob Bartsch (1600-1633) au sud de la croix du sud et dont l’étoile la plus brillante est de magnitude 3 ?
Peut-être que les ” blancs” laissées par les zones non dessinées au milieu de ce ciel chargé et noir de mouches indiquent des étoiles encore inconnues ....
« L’art d’écrire en patte de mouche » David Cascaro : “Des mouches”
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