Disparaître un peu
"Avec pensionnaires" est un ensemble de dessins que Didier Petit a directement réalisé au crayon surs les murs de la galerie.
Sur la surface blanche des parois affleurent des morceaux de corps humains qui animent la galerie d'une étrange présence fantomatique.
Tronqués nets, un buste, plus loin un bras, une paire de pieds, puis une paire de mains semblent flotter dans l'espace
Dès lors comment expliquer le trouble qu'opèrent sur nous ces soigneuses reproductions anatomique ? Quelles tensions animent ces dessins dont l'académisme apparent pourrait renvoyer, en première lecture, au cabinet de dessin, à l'étude des canons de beauté classiques et à l'apprentissage de l'art par la copie appliquée du corps humain ?
Ces morceaux de corps sont les reproductions fidèles de photographies extraites d'un précis de dermatologie.
Un glissement ambigu s'opère alors entre l'utilisation classique du médium qui voudrait sublimer le corps et la volonté scientifique et factuelle de l'imagerie médicale reproduite ici.
Voilà que le secret de ces dessins nous est en partie livré.
A y regarder de plus près, ce qui vient matérialiser ces morceaux de corps sur cette peau de mur, ce qui permet à la pointe de crayon d'en déterminer les contours, sont les dermatoses, la décomposition que la maladie a dessiné sur la chair.
Un aller-retour dialectique entre le phénomène d'incarnation du dessin sur le mur (son existence en tant que représentation) et ce qui le rattache au corps modèle, un corps malade et décrépi, voué à sa disparition, vient jouer la confusion.
Pour réaliser ces fragiles dessins eux-mêmes appelés à disparaître comme autant de Vanités, Didier Petit a travaillé seul dans la galerie durant trois semaines.
S'il a intitulé cette série "Avec pensionnaires", c'est pour mieux rendre compte de cette démarche d'assimilation au lieu qui l'accueille et de son travail de projection.
Projection des images par l'appareil diapo sur le mur écran.
Mais projection également physique et mentale de l'artiste dans le lieu.
Etre dedans physiquement et se dédoubler sur les murs.
Sans produire systématiquement un travail in situ, Didier Petit s'attache depuis 1989 à la vaste constitution d'un dictionnaire subjectif à travers une oeuvre en devenir qu'il nomme "Les murs de ma chambre".
Catherine Pinatel
Pour l'exposition Disparaître un peu présentée par [S]extant et plus à la galerie RLBQ en mai 2003
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Avec pensionnaires (torse) 2003
Crayon sur mur
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Avec pensionnaires (bras) 2003
Crayon sur mur
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Avec pensionnaires (mains) 2003
Crayon sur mur
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Avec pensionnaires (pied) 2003
Crayon sur mur
Installation à la Galerie RLBQ, Marseille
Photographies Anne Loubet
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