Dalila MAHDJOUB 

 
Photographies (détails), Revue Vacarme 89 / Habiter Marseille, 2020, p. 39
 
 
VOICE 2020
Dessin vectoriel
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Tous les passeports ne se valent pas ; ils ne garantissent pas les mêmes droits à celles et ceux qui les détiennent. Avec son passeport, un Français peut se rendre dans 186 pays sans se soucier de demander une autorisation. Un Algérien, lui, est limité à 50 destinations, dont aucune en Europe ou en Amérique du Nord. Certains Algériens ont néanmoins la possibilité de circuler, car leurs ressources — notamment leur capital économique ou leur capital éducatif — leur permettent de s’affranchir des frontières. D’autres sont privés du droit à la mobilité, car ils sont perçus comme des migrants indésirables. Migrer, en marge de l’ordre légal, c’est contester l’inégalité et l’asymétrie des frontières que les politiques migratoires érigent.

En Algérie, l’émigration des « brûleurs » de frontières — ceux qui tentent de partir sans passeport ni visa, au péril de leur vie — d’abord envisagée comme une fuite vers le mythique eldorado, est de plus en plus souvent perçue comme un acte politique ; une forme de contestation d’un ordre socio-économique considéré comme injuste et d’un ordre politique jugé illégitime. La manière dont les chants et les slogans du Hirak s’emparent des « brûleurs » pour articuler une parole contestataire en témoigne. Migrer, c’est parfois voter avec ses pieds. Les lignes de démarcation entre les différentes réactions possibles au mécontentement, notamment l’émigration (exit) et la contestation (voice), se brouillent.

Texte écrit par Farida Souiah, chercheuse en sciences politiques, qui a travaillé sur les harragas et la politique
des visas en Algérie.
Revue Vacarme 89 / Habiter Marseille, 2020, p. 37

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