Arnaud MAGUET 

Les films du monde (Scopitone edit) 2008
Film / movie : Richard Prompt
Musique / music : Arnaud Maguet & Richard Prompt
Dispositif / machine : Monoquini
Films N/B sonores sur Scopitone, 36 sélections de 1'40"
B/W movies with sound on a Scopitone machine
Vue de l'exposition / exhibition Mais qu’est-il arrivé à cette musique ?, Villa Arson, Nice
Photographie Jean Brasille
 
 

Il arrive que la réalité soit trop complexe pour la transmission orale.
La légende la recrée sous une forme qui lui permet de courir le monde.

ALPHA-60 in Alphaville (J.L.Godard, 1965)

Dans sa base arrière, depuis fort longtemps, R.P. guette à l’affût de l’instant précis à prélever dans le flux mass-médiatique. Dans sa mémoire Bétamax, il compile, les uns à la suite des autres les fragments de ce qu’on voudrait parfois nous faire prendre pour la vie. Artisanalement, il reforme son propre flux, le modèle, séquence après séquence, sans repentir possible. Une fois la cassette remplie, une autre suit pour poursuivre ce méta-film, petit monstre né du grand qui ne raconte que son propre processus.
Le Scopitone n’est plus ce qu’il était. Il n’a pu survivre aux outrages du temps qu’au prix d’une éviscération intégrale de ses entrailles pelliculaires. Cyborg bancal mis tant bien que mal au goût du jour numérique, il n’a plus le cœur à divertir. Le yéyé est mort et il le sait, fini le temps des copains – morts les copains. Il ne fera plus danser, il le sait aussi. Flanqué dans les vestiges d’un troquet fantôme, il ne peut que proposer aux rares visiteurs de prendre les choses en main et de remonter ce film qu’ils ne connaissent pas mais qui leur appartient forcément déjà un peu. Accélérations du montage laborieux original signé R.P., leurs cut-ups seront tout aussi légitimes et arbitraires que le sien. Ils seront juste moins persistants et réfléchis, c’est ainsi quand le procédé se démocratise pour que tout le monde puisse jouer, les armes s’émoussent. A.M.


Sometimes reality is too complex for oral transmission.
Legend recreates it in a shape that enables it to race around the world.

ALPHA-60 in Alphaville (J.L. Godard, 1965)

In his home base, for quite a long time R.P. has been lying in wait for the precise moment to select in the flow of mass-media. In his Betamax memory, he is forever gathering fragments of what one sometimes tries to pass off for life. Like a craftsman he reshapes his own flow, remodels it, sequence after sequence, without any possibility of correcting it. Once the tape is full, another tape follows to continue this meta-film, a small monster born from the giant one, that only tells its own process.
The Scopitone is not what it used to be. It only survived the ravages of time by totally sacrificing its filmic entrails. A lopsided cyborg, updated at great pains to today’s digital standards, it no longer feels up to entertaining. Pop music of the sixties is dead and it knows it, the time for buddies is past, buddies are dead. It will no longer make anyone dance, and it also knows it. Chucked into what’s left of a ghost café, it can only ask the rare visitors to take things in hand, and to rewind this unknown film, but which necessarily somewhat already belongs to them. Their cut-ups, like an acceleration of R.P.’s original and painstaking editing, will be just as legitimate and arbitrary as its own. They will just be less persistent and thought out, or that is how the process becomes democratic so that everyone can play, the weapons are blunted.

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