Vues de l'exposition Feria ARCO, 19-22 mai 2022, Lisbonne, Portugal |
Et si « tout » avait commencé en décembre 1968 ? Si l’inversement des chiffres de 68, qui correspond à l’année de naissance d’Alice, soit 1986, à Nice, n’était pas un hasard ? Si nos destins sont déjà tracés, est-il seulement possible de les contrarier ou de les désordonner ?
Alice Guittard aime les histoires personnelles, celles qui ne manquent jamais de livrer de précieux indices sur nos us et coutumes collectifs. Cet appétence pour le récit se retrouve dans les multiples références littéraires qui parcourent son oeuvre, (Ghérasim Luca, Jules Verne ou encore Albert Camus), mais également au travers de sa capacité à s’attacherà des territoires (Vanda, 2021), des objets (Bols-seins, 2019) ou des personnes (Filatureà la gondole, 2019) dont elle décèle toujours la charge narrative. C’est pourquoi l’artiste a décidé de présenter dans le cadre de la foire ARCO-Lisbonne, cette petite photographie en noir et blanc, trouvée à Nice il y a plus de 15 ans et conservée depuis avec fétichisme. Ce portrait d’inconnu, exposé aux côtés de la série DILEMA (2022), nous interpelle : est-il le visage manquant des figures de marbre ? Est-il le double historique d’un amour présent ? Est-il porte bonheur, comme tous ceux vendus dans cette boutique ésotérique de Lisbonne où Alice vit désormais en partie ? Certainement est-il un peu tout cela à la fois, mais sa présence n’est pas fortuite et apparait comme un véritable incipit à la série DILEMA.
Depuis 2016, Alice Guittard travaille le marbre et fait subir à ce matériau antique des transformations techniques aussi ambitieuses que particulièrement difficiles. Le titre de son premier solo show, échec—plaisir, dans cet ordre, (Galerie Double V, 2021, curateur: Thomas Havet), révélait d’ailleurs sa capacité à produire en réponse à des contraintes spécifiques. Les sept marqueteries de marbres de la série DILEMA, ont été produites au Portugal et réalisées à partir de dessins de l’artiste qui trouvent leur origine dans la lecture d’un tirage de tarot divinatoire qui lui a été faite. Elle retiendra l’idée selon laquelle un mouvement producteur/procréateur serait en route... Dilemme s’il en est pour une artiste femme.
En réponse aux images du tarot traditionnel, Alice Guittard a donc décidé de créer sa propre iconographie ; et c’est ainsi que l’Hermite lâche sa lampe alors même qu’une lune molle vient se rependre sur le sommet de La Maison Dieu... Avec ces nouvelles cartes, l’artiste affirme l’importance de la fuite, de l’erreur, du « en dehors », de l’incertain et du transitoire, le tout, assemblé dans le marbre. Autant d’idées qui jalonnent sa pratique et dont il émane un profond sentiment de liberté. C’est ce même déséquilibre qui transparait à travers son bougeoir en céramique, tortueux et à la limite du disfonctionnel, inspiré des cierges de prière fréquemment utilisés dans la ville de Fatima au Portugal. Enfin, la dernière oeuvre qui reprend un gimmick visuel cherà l’artiste, un corps féminin soulevant légèrement sa robe, apparait comme l’image même du dévoilement, une possible 23ème carte de tarot. Ces pièces semblent alors fonctionner comme des arcanes, affirmant autant qu’elles interrogent, reflétant autant qu’elles incarnent.
À la différence de sa pièce Arnarstapi, la théorie de la perte (2012) où elle partait explorer le centre d’un volcan en Islande, aujourd’hui Alice Guittard semble moins arpenter des terres lointaines que les espaces de nos croyances intimes et de nos espoirs déçus.
Alice avance, en pleine puissance, toujours en plein dilemme.
Margaux Bonopera |
Tirage de tarot du 21 mars 2022 par Ève la Nuit |
The Fool, 2022
Marbre & onyx, 45x70x2cm |
Ace of Cups 2022
Marbre, 45x70x2cm |
II of Swords, 2022
Marbre, 45x70x2cm |
The Hermit, 2022
Marbre & onyx, 45x70x2cm |
The Tower, 2022
Marbre, 45x70x2cm |
VIII of Wands, 2022
Marbre, 45x70x2cm |
The Star, 2022
Marbre & onyx, 45x70x2cm |