Alice GUITTARD 

1989-2015
Les Lettres, Allée Jacques Laloë, Ivry-sur-Seine, France, 2022
Un immeuble, Une œuvre
Polycités / Linkcity / Nexity / AFL
ANMA AGence Nicolas Michelin
Tolila & Gilliland
 
Le projet immobilier Les Lettres d’Ivry fait référence, à travers la conservation des arches en béton au passé industriel du site avec la présence marquante des usines SKF d’une part mais également à l’imprimerie du journal Le Monde qui, durant vingt-sept années, de 1989 à 2015, occupa le site.
Alice Guittard a souhaité rendre hommage à cette imprimerie en intégrant vingt-sept marqueteries de pierre représentant des Unes de presse avec un élément marquant par année. Abordant des sujets autant écologiques que politiques, culturels, scientifiques mais aussi sociaux et économiques, ces œuvres minérales représentant des mains qui ouvrent des journaux apparaissent comme les vestiges d’un temps où le papier régnait encore sur la diffusion de l’information et offre une parenthèse d’histoire aux passants.
 
 
 
         
   
         
 
 
         
 
 
         
 
 
         
 
 
         
 
 
         
 
 
         
 
 
         
 

Entretien avec Anabelle ledoux
1/ Votre intervention semble lier le site à son histoire passée et son histoire à venir. Quelle a été votre démarche ?
Le projet pensé pour Les Lettres est indéniablement lié à son histoire passée par l’implantation de l’imprimerie qui servit à imprimer le journal Le Monde durant 27 années, de 1989 à 2015. C’est une parenthèse dans l’histoire du célèbre journal mais il me semblait important de marquer cette présence et cette activité qui ont sans doute donné une âme au quartier et ont fait travailler de nombreuses personnes à cette époque. J’ai aimé m’imaginer les souvenirs de ces personnes témoins de ces Unes qui ont marqué l’imaginaire collectif. Les arches, qui constituaient les structures qui abritaient les rotatives d’impression ont été conservées lors de la transformation du site et deviennent alors la mémoire d’un temps révolu où le papier régnait sur la diffusion mondiale de l’information. J’ai donc souhaité représenter 27 œuvres, soit une par année, comme les stigmates de ce lieu.

2/ Comment avez-vous sélectionné les faits marquants illustrés à travers votre oeuvre ?
Attribuer un événement pour chaque année est déjà un exercice auquel je m’adonne depuis que je suis enfant. Bien évidemment, la liste est très personnelle et caractéristique mais il y a des années qui renvoient de manière évidente à un souvenir collectif — comme 1989, 2001 ou encore 2015.
J’ai donc en premier lieu réalisé une liste de 1989 à 2015 de mémoire, puis j’ai ensuite parcouru les archives du journal pour m’aider sur les années à côté desquelles je n’avais rien pu inscrire. Étant native de 1986, il m’était évidemment difficile de choisir des événements marquants avant celui de 2001. Une fois la liste terminée je l’ai proposée à l’équipe de la Mairie d’Ivry, qui après quelques retours, a validé la proposition finale. J’ai également essayé d’aborder des thèmes variés, autant culturels que politiques, mais aussi scientifiques, écologiques, sociaux, économiques et bien sûr poétiques.

3/ Quelles sont les techniques et matériaux mobilisées pour la réalisation de cette histoire en plusieurs actes ?
Il y a d’abord eu cette idée de comment présenter les événements et l’idée de mains tenant les journaux a été évidente. En effet, à l’heure où l’information circule de plus en plus par le digital, cela faisait sens de représenter l’objet papier, le journal, qui peut-être bientôt ne sera plus qu’un lointain souvenir — notez que les tablettes en pierre, elles, ont totalement disparu par exemple avec l’arrivée du papyrus. J’ai donc réalisé à chaque fois l’inclusion de l’évènement. Après vectorisation, j’ai du ensuite penser aux pierres. Je me suis donc rendue chez différents fournisseurs afin de sourcer les minéraux dont j’avais besoin car il me fallait une palette allant du noir au blanc en passant par du vert, du bleu, du jaune, du orange, du marron, du rose ainsi que des gris, des beiges... Ces pierres — des marbres, des quartzites, des onyx, des granits — proviennent de différentes parties du monde — Italie, France, Portugal, Syrie, Brésil, Inde — et vont donc être amenées à cohabiter dans une même œuvre pour l’éternité. Les pierres sont découpées à l’aide d’un jet d’eau très haute pression avant d’être retravaillées, assemblées, collées, poncées et polies dans mon atelier. Il y a en tout 590 différentes pièces dans les 27 œuvres du projet, c’est comme un immense puzzle.

4/ Quand et comment révélerez vous votre oeuvre aux habitants ?
Avec l’équipe de maîtrise d’ouvrage, Nexity, Linkcity et Polycités, nous avons d’abord pensé à l’inclusion des colonnes de béton n’était pas possible tout simplement à cause du risque de gel — en effet l’eau pouvait s’infiltrer et avec le froid la pièce aurait pu tomber. J’ai donc pensé à un système d’accroche où l’œuvre est contrecollée sur de l’ardoise naturelle. L’ardoise est une roche métamorphique qui est aussi légère que solide et de plus elle est connue pour sa résistance et sa longévité. Ces 27 œuvres se dévoileront selon un parcours chronologique sur les colonnes du site et nous aurons le plaisir de les découvrir au courant du mois de septembre lors de l’inauguration du projet Les Lettres.

 
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