Vues de l’exposition personnelle Tous tes gestes sont des oiseaux Le Port Des Créateurs, Toulon, France, 2023-2024
Tous tes gestes sont des oiseaux
Texte de Julien Carbone, directeur du Port Des Créateurs, 2023
Le travail artistique de Léo Fourdrinier nous ramène à nos instincts les plus primitifs, à notre part animale. Il célèbre la connexion entre l’humanité et la gestuelle animale.
L’artiste nous plonge dans les méandres de la mythologie et met en évidence la représentation de l’oiseau en tant qu’animal totem. Il nous invite à explorer l’hybridation entre l’Homme, le règne animal et le monde chimérique, en accordant une attention particulière à la figure de l’ange. Cette fusion entre l’humain, l’animal et la chimère questionne les frontières entre réalité et imagination. L’ange émerge alors comme une chimère céleste, symbole de transcendance…lire la suite
Le travail artistique de Léo Fourdrinier nous ramène à nos instincts les plus primitifs, à notre part animale. Il célèbre la connexion entre l’humanité et la gestuelle animale.
L’artiste nous plonge dans les méandres de la mythologie et met en évidence la représentation de l’oiseau en tant qu’animal totem. Il nous invite à explorer l’hybridation entre l’Homme, le règne animal et le monde chimérique, en accordant une attention particulière à la figure de l’ange. Cette fusion entre l’humain, l’animal et la chimère questionne les frontières entre réalité et imagination. L’ange émerge alors comme une chimère céleste, symbole de transcendance.
La connexion avec autrui peut être établie par le biais d’une parade amoureuse qui nous laisse entrevoir, au-delà du mouvement, la possibilité d’une connexion spirituelle avec notre environnement. L’idée même de se livrer au monde, de s’ouvrir à l’autre, aux croyances et aux divinités, est présente. La fracture temporelle devient le fil conducteur entre les rituels amoureux et religieux, créant ainsi un dialogue entre le passé, le présent et le futur.
L’émergence de l’idolâtrie se manifeste à travers l’amour pour une personne, la divinité et surtout la Nature. En tant qu’êtres humains, nous en sommes les créateurs, en déposant en offrandes les différents éléments qui se retrouvent dans l’œuvre « The beginning of temporality » qui exprime le mouvement du cœur, ou encore dans « Le masque et le vertige » qui renvoient à la théorisation du jeu selon Roger Callois. Selon Callois, le jeu est une activité présente non seulement chez les humains, mais aussi dans le règne animal, il compare en ce sens des activités ludiques humaines à des comportements d’animaux.
L’œuf, symbole de l’origine de toutes choses, aussi bien dans la fusion de deux êtres que dans les croyances les plus mystiques, replace chaque individu dans le cycle infini d’un recommencement éternel. Dans la section rituelle, chaque geste devient un rituel, une célébration du sacré. L’œuf cosmique emblème de la renaissance et la régénération interpelle les mythes d’Hercule, Diomède et la Genèse, nous rappelant ainsi le commencement de toute création.
Explorez le mythe de Prométhée et plongez dans la perception illimitée de la relation, symbolisée par le feu sacré, qui représente un amour parfait et infini. Le simulacre se manifeste à travers cette infinie connexion amoureuse. De nouveaux dieux modernes émergent dans notre monde, offrant un aperçu d'un avenir façonné par la technologie, la consommation et le mouvement, imitant les gestes animaux et les environnements immatériels. Baudrillard nous invite à réfléchir sur le lien entre le simulacre et la simulation, où les oiseaux et les drones, dans « #free reality (1) », renvoient à une réalité sonore qui transcende le tangible.
Dans « The endless goodbye (Prométhéus) », explorez la non-finitude de la relation à l’autre et l'idée d'un amour parfait, à travers un périple ponctué de réflexions profondes sur l'équilibre. Chaque plume, chaque geste participe à la danse universelle de la cœxistence harmonieuse globale. « Tous tes gestes sont des oiseaux » s'oppose aux forces telluriques.
Dans sa réflexion sur le visible et l'invisible, Merleau-Ponty explique que le visible/la Nature /le logos « doit être présenté sans aucun compromis avec l’humanisme, ni d’ailleurs avec le naturalisme, ni enfin avec la théologie - Il s’agit précisément de montrer que la philosophie ne peut plus penser suivant ce clivage : Dieu, l’Homme, les créatures.
La Vénus de Milo est une célèbre statue en marbre représentant la déesse grecque de l’amour Aphrodite retrouvée dans l'île grecque de Milos en avril 1820, sans ses bras. C'est une œuvre originale de l'époque hellénistique, créée vers 150-130 av. J.-C. Son exposition au musée du Louvre en 1821 a fait sensation : c'était la première statue venue de Grèce dans les collections et la première à être montrée incomplète. L’œuvre originale, entourée de mystère, est ici partiellement reproduite en plâtre et placée dans un véritable nid d’oiseau éclairé par un néon, dans un dispositif rappelant le diorama. Avec « The beginning of temporality », Léo Fourdrinier imagine les origines de la Vénus, à son éclosion, où la forme du néon évoque son premier battement de cœur.
Huitième des douze Travaux, l'affrontement avec le roi Diomède, fils du dieu guerrier Mars, dirige Hercule vers la Thrace. Le souverain y possédait quatre juments anthropophages. Tout étranger pénétrant dans le royaume de Diomède était mis à mort par l'autocrate et son corps utilisé comme nourriture pour les chevaux royaux. Hercule tua le souverain en livrant son corps en pâture aux animaux carnivores. Cette scène de lutte a été représentée au XVIe siècle par le sculpteur Vincenzo de Rossi et est conservée au Palazzo Vecchio à Florence. On y voit Hercule qui saisit Diomède avec la tête en bas, prêt à le jeter dans l’auge des juments tandis que ce dernier essaie de s’agripper à Hercule, l’une de ses mains enserrant le sexe du héros. Par un assemblage surréaliste, Léo Fourdrinier retravaille cette scène en se focalisant sur l’érotisme des corps, interrogeant ainsi le spectateur sur le contexte des images et du patrimoine dans la société contemporaine.
Dans la mythologie grecque, Hercule incarne le courage et la persévérance. Au terme de ses douze travaux, il conquiert l'immortalité
Les œuvres de la série « amour » sont des tentatives de représentation d’un sentiment amoureux. Les deux visages ont été moulés et reproduits en plâtre à partir d’une statue d’ Antinoüs (IIe siècle apr. J.-C.) jeune homme connu comme favori et amant de l’empereur romain Hadrien. Divinisé par ceui-ci, Antinoüs est représenté par un grand nombre d’œuvres d’art qui en font l’un des visages les plus célèbres de l’Antiquité. De l’union des deux visages jaillit une composition florale, colorée et immobile, comme l’impression d’une éclosion éternelle.
Dans la mythologie grecque, Antiope est la reine des Amazones, peuple de femmes guerrières à l'origine d'une société matriarcale. Elle fut l'épouse de Thésée et ainsi la seule Amazone connue pour s'être mariée. Il existe plusieurs versions expliquant sa relation avec Thésée : selon une des versions, Thésée, roi d'Athènes et compagnon d'Hercule lors de la bataille de Thémiscyre, durant le neuvième de ses douze travaux, enleva Antiope et la ramena chez lui. Selon Philochore, Hercule donna Antiope à Thésée comme part du butin. Selon Pausanias le Périégète, Antiope tomba amoureuse de Thésée et quitta volontairement les Amazones. L’œuvre pose un regard critique sur les récits de l’Histoire et ses représentations, fortement développées du fait que les Athéniens aient voulu glorifier leur cité et leur fondateur.
À partir d’une photographie de la sculpture en marbre « Hébé endormie » de Albert-Ernest Carrier-Belleuse commandée par l’état français en 1869, Léo Fourdrinier s’intéresse à la circulation et au réemploi de la mythologie grecque comme outil de propagande dans l’Histoire. Dans la mythologie grecque, Hébé, fille de Zeus et de son épouse Héra, a pour fonction de servir aux dieux de l'Olympe le nectar et l'ambroisie qui leur assurent l’immortalité. Carrier-Belleuse a représentait la jeune déesse paisiblement endormie, blottie sous l’aile protectrice de son père, le roi des dieux, qui a pris la forme d'un aigle majestueux. Cet oiseau étant aussi un emblème impérial, on peut voir dans la sculpture de Carrier-Belleuse une allégorie du Second Empire protégeant la France.
L’œuvre est une réinterprétation d’une nature morte « Flower Still Life with Bird's Nest » (1718) peinte par Jan van Huysum, principal peintre hollandais de pièces florales au XVIIIe siècle. Par le collage et le remaniement pictural de certains éléments présents dans l’œuvre originale, Léo Fourdrinier rend compte du caractère sélectif et partiel de la mémoire, qui accompagne la fragilité de l’existence représentée dans la genre de la nature morte.
Si les œuvres de Léo Fourdrinier agissent comme les spectres d’une époque révolue, comme des présences fantomatiques, elles sont aussi des prémonitions et des alertes, elles rendent visibles les maux de notre siècle. Dans Simplexity (From Him to Eternity) (2021) dont le titre emprunte au concept de « simplexité » (la simplexité est l’art de rendre accessibles des notions complexes) et au titre de Nick Cave, le corps a quasiment disparu. Le câble d’un chargeur d’IPhone côtoie un œuf posé dans la main d’un bras sculpté. Un socle monumental - ou un vaisseau spatial - renforce la dystopie de la pièce, l’érige en tant qu’oracle d’une société future.
Mythologie contemporaine, la moto incarne, tel un vaisseau ou un totem, le désir, la volonté, l’humilité et la liberté. Également associée au voyage en binôme, la moto est indissociable d’un imaginaire amoureux, où l’expérience sensorielle se vit à deux. Les assemblages de Léo Fourdinier mêlent le corps mécanique de la moto à la lumière colorée pour symboliser la circulation des émotions universelles à travers les siècles et les dimensions. « Vision of infinity » incarne l’attraction entre deux êtres et la puissance du sentiment amoureux.
Dans la mythologie grecque, Prométhée (en grec ancien Προμηθεύς / Prometheus, « le Prévoyant ») est un Titan.
Figure héritée du « transmetteur du feu », Prométhée est surtout connu pour avoir dérobé le feu sacré de l'Olympe pour en faire don aux humains. Courroucé par cet acte déloyal, Zeus le condamne à être attaché à un rocher sur le mont Caucase, son foie dévoré par l'Aigle du Caucase chaque jour, et repoussant la nuit. Le mythe de Prométhée est admis comme métaphore de l'apport de la connaissance aux hommes. Il est aussi évocateur de l'hybris (du grec ancien : ὕϐρις / húbris, est une notion grecque qui se traduit le plus souvent par « démesure ») la folle tentation de l'Homme de se mesurer aux dieux et ainsi de s'élever au-dessus de sa condition. À partir de ce mythe, Léo Fourdrinier use de son vocabulaire plastique ( la moto, le néon, la chimère ) pour donner corps au lien éternel qui unis Prométhée à son châtiment - l’aigle - ici abordé comme une séparation impossible entre deux êtres.
Dans toute son œuvre, l’artiste récupère, découpe, assemble et combine des objets et des images pour former un nouveau tout, à l’image d’un cadavre exquis antico-futuriste. Hercule, Atlas, janus et Aphrodite se retrouvent ainsi modélisés en 3D sur des fonds psychédéliques aux allures de frises ornementales byzantines, comme pour signifier l’image altérée et fantasmée que nous pouvons avoir de l’Antiquité. Par l’appropriation d’images de synthèse, Léo souligne l’espoir que suscite les nouvelles technologies dans la reconstitution, la conservation et la diffusion des œuvres archéologiques, et le plaisir apporté par une communauté de passionné.e.s qui mettent à contribution des outils pour (re)construire une histoire collective. La ruine est ici à lire comme une pensée désireuse d’un futur à ériger collectivement. Un futur qu’il sera nécessaire d’envisager en synergie avec la nature, mais aussi avec l’industriel, le digital et le minéral.
Joséphine Dupuy Chavanat
La pièce vidéo « #freereality (1) » présente une entité mystérieuse, modélisée en drone supportant un carillon à vent et un artefact archéologique, qui explore les notions de réalité et de représentation à travers l’étude de l’ouvrage « Simulacre et Simulation » (1981) de Jean Baudrillard. Il explore comment l’histoire de l’art, les médias et la technologie contribuent à la création de simulacres, érodant ainsi la distinction entre le réel et la représentation. L’œuvre aborde l’impact de cette simulation sur la perception, la vérité, et la nature de la réalité dans une société où les images et les signes prédominent.
Dans la continuité de l’œuvre Minds and senses purifed, ce néon fait référence au lieu où se trouverait le dieu Janus.
Placé en haut de l’échafaudage, il connecte l’espace terrestre et l’espace cosmique, et apporte aux œuvres une forme de narration poétique, en écho aux récits mythologiques des autres pièces.
L’œuvre est inspirée par l’essai « Les jeux et les hommes » (sous-titré Le masque et le vertige) du sociologue Roger Caillois publié en 1958. Dans son ouvrage, Caillois partage l’idée selon laquelle les jeux sont fondamentaux dans le développement de la civilisation. À partir d’une classification des jeux selon leur typologie, il développe une sociologie des jeux et soutient la thèse que de nombreux comportements sociaux découlent des rapports d’un individu aux jeux. Par ailleurs, Caillois affirme également que le jeu est une activité que l’on retrouve dans tout le règne animal, il compare en ce sens des activités ludiques humaines à des comportements d’animaux. La statue de lion se substitue ici au joueur de bowling, alors que les désirs de victoire et de chance sont matérialisés par la plume posée au sommet de la sculpture, comme la manifestation du sacré dans la vie sociale.
Reprenant le format et la typographie d’un sous-titrage de film à l’écran, « Love, I guess » reflette le spectateur et l’espace environnant en y apposant le dialogue « What’s the center of the world for you ? Love, I guess. » La potentielle narration ébauche une réflexion sur la valeur inestimable de l’amour.
Cette lithographie représente une massive sculpture en marbre blanc, « La Force brutale étouffant le Génie » réalisée par le sculpteur Cyprien Godebsky en 1888 et conservée au Musée d’Art de Toulon. Elle se compose de deux allégories incarnées par deux corps traités différemment: la Force est figurée sous les traits d’un homme et rappelle les héros grecs. Sa musculature est exagérée, la peau d'ours qu'elle porte accentue son caractère sauvage et animal, et les veines apparentes montrent sa nervosité. Le Génie, lui, est incarné par un homme ailé. Prisonnier des bras de la Force qui l'encerclent, il se débat vainement contre la brute; son bras tendu vers le ciel et son visage expriment le désespoir. L’image de la statue est collée sur une photographie de paysage de bord de mer à la plage de la Mitre (Toulon). Léo Fourdrinier connecte les allégories aux énergies naturelles de la mer, où douceur et violence s’alternent.