Nicolas DESPLATS 

2016
Acrylique sur toile, 55 x 38 cm
 
2016
Acrylique sur toile, 55 x 38 cm
 
2016
Acrylique sur toile, 55 x 38 cm
 
2016
Acrylique sur toile, 55 x 38 cm
 
Vue d'atelier
 
2016
Acrylique sur toile, 55 x 38 cm
 
2016
Acrylique sur toile, 55 x 38 cm
 
2016
Acrylique sur toile, 55 x 38 cm
 
Vue d'atelier
 
La peinture en fuite
A dire vrai, et bien que nous ne nous en rendions pas compte, tous les tableaux de Desplats sont blancs.
Quand bien même on y verrait quelque chose que l’on pourrait identifer - une montagne, un paysage, des arbres, un lac - il n’y a voir que dans l’instant. Cet instant dure peu. Revoyons-nous les tableaux le lendemain, tout est a recommencer. Ils se sont déguisés. Le détail en bas à gauche, qui nous séduisait tant, nous apparaît grossier, vulgaire, pour tout dire, moche. Dans son essence transitoire la peinture de Desplats est souvent moche, ainsi le veut-il. Elle s’intéresse à autre chose.
Elle est méchante aussi, impolie et prête à en découdre avec notre regard. Cela même dans les derniers travaux, semble-t-il plus séducteurs, plus conciliants. Ils mentent. C’est qu’elle n’en a rien à foutre d’être ici, et ne tardera pas à se tirer ailleurs. En attendant son heure, elle se laisse coincer dans l’espace du tableau.
Ainsi le projet de Desplats - puisque tout artiste est supposé en avoir un - serait de retenir la peinture jusqu’à sa prochaine et inéluctable fuite. Soit, il lui faut peindre et dans le même temps surtout ne pas. Pour ce faire il ne se légitime d’aucune autre source d’inspiration que de la pratique assidue du ratage. Il faut. Mais au moment où le pinceau, l’éponge ou le chiffon - c’est selon- approchent de la toile, à cet instant précis il ne faut surtout plus. Tout convenait et puis soudain plus rien ne tolérerait d’apparaître.
Il veut et ne veut pas que ça peigne. Aussi tout tableau commencé sera, effacé, gratté au tampon, lavé au pommeau, recouvert, abandonné, quelques fois plusieurs fois et souvent tout cela ensemble et à peine successivement.
Il peint ce qui ne doit pas être. Comme si la peinture était, en fait, interdite.
II peint comme nous défierions une voiture lancée à contre sens sur l’autoroute. Sinon que lui ne l’évite pas. Il peint jusqu’à la catastrophe. De plus, puisque manifestement cela ne suffit pas, chaque toile fait partie d’un ensemble dont la croissance est exponentielle : chaque toile appartient à une série, dont il est difficile de l’exfiltrer, série elle-même qui se soumettra à la dure loi de l’installation et à la torture des tasseaux, quelques spécimen photographiés et exagérément agrandis, seront enfermés dans une cage afin d’exposition pastorale. Comme si l’œuvre, loin du tableau, loin de l’image ne pouvait se concevoir que dans le mouvement incessant des transformations de ses composants. Desplats bouddhiste? Conceptuel?
Pourtant ce qu’entreprend Desplats à chaque étape de son geste, c’est paradoxalement d’abolir l’image, pour que n’insiste - temporairement - que le tableau, son essence, qui renoncerait à être une image. Et qui, partant, renoncerait aussi à être un objet d’art. Qu’est-ce alors? La vie qui passe en désignant quelque chose d’absent, quelque chose de blanc.
François-Michel Pesenti - Avril 2015
 
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