CHYPRE OU LES DÉGÂTS
DU NATIONALISME
La république de Chypre, intégrée en 2004 dans l'Union européenne, est dans une situation très particulière. Géographiquement, l'île de Chypre est très orientale, éloignée de la Grèce et de ses îles (400 km de Rhodes), et proche de la Turquie (80 km) ou du Liban. Ancienne colonie britannique indépendante depuis 1960, c'est un territoire très complexe malgré sa petite étendue (moins de 10 000 km2). Car si, officiellement, il n'existe qu'une république de Chypre qui couvre toute l'île, sa souveraineté effective ne s'étend que sur les deux tiers sud, le nord étant, selon le point de vue duquel on se place, « sous occupation turque » ou la « République turque de Chypre du nord (RTCN) ». Pour compliquer les choses, le territoire du nord n'est pas reconnu internationalement, sauf par la Turquie, et l'autorité qui s'y exerce n'existe pas du point de vue de la diplomatie. De facto, la République de Chypre ne peut y étendre son autorité. De jure pourtant, depuis 2004, c'est toute l'île (et non seulement la partie sud) qui fait partie de l'Union. Aussi, du point de vue du droit international, un territoire de l'Union européenne est occupé militairement par une puissance étrangère, la Turquie.
Comment en est-on arrivé là ?
L'île n'a jamais appartenu à la Grèce moderne. De culture grecque depuis l'antiquité, de confession majoritairement orthodoxe, elle a été longtemps byzantine. Elle est passée en 1192 sous la souveraineté d'une famille de Croisés, les Lusignan, puis, en 1489, sous celle de la république de Venise. Les Turcs ottomans, conquérants de l'île en 1571, ne l'ont donc pas prise à la Grèce ! C'est à partir de cette date que l'île est devenue bi-religieuse et bi-communautaire, les Ottomans y installant une population musulmane venue du continent, qui n'a jamais formé plus du quart de la population totale.
En 1878, Chypre a été cédée à la Grande-Bretagne, et proclamée colonie de la Couronne en 1925. La pré-histoire mouvementée de la république de Chypre commence donc par une lutte anti-coloniale appuyée de l'extérieur par le nationalisme irrédentiste grec, qui voyait en l'île un dernier territoire hellène à intégrer au royaume de Grèce.
Celui-ci s'était constitué en un long processus. En 1830, lors de l'indépendance, il n'incluait qu'un tiers de la population orthodoxe de l'Empire ottoman. Le projet national grec, dit « Grande idée (Megali Idea) » prévoyait de les rassembler en une Union (enosis) incluant Constantinople, la côte de la mer Noire, les îles de l'Egée et Chypre. Dans le contexte ottoman et post-ottoman, le critère religieux était essentiel dans la définition de la « nation » : était considéré comme « grec » tout orthodoxe même turcophone, et comme « turc » tout musulman même grécophone. Cette conception de la nation était admise à Chypre, et a été renforcée par l'administration britannique qui recensait la population selon le critère de la religion, mais sous les dénominations de « Turc » et « Grec ». Elle continue aujourd'hui d'influencer les mentalités.
Durant la période britannique, et surtout à partir de 1923 (création de la république de Turquie), l'influence des nationalismes turc et grec a été très forte sur les deux communautés de l'île. L'enseignement, notamment, était pris en charge par chacune des « mères-patries ». Pour contrer le nationalisme hellène, efficacement soutenu par l'Eglise orthodoxe, les Britanniques ont favorisé les musulmans en les intégrant dans l'administration et la police. Ainsi, alors que l'idée d'enosis (union avec la Grèce) croissait parmi les « Grecs » de l'île, le mouvement enosiste était réprimé par des policiers auxiliaires « turcs » : en résultat de la politique Diviser pour régner, le fossé entre les deux communautés s'approfondissait.
Les musulmans de l'île estimaient qu'il avaient tout à craindre d'une union avec la Grèce. En effet, lorsque la Crète avait été annexée au royaume de Grèce en 1912, l'importante minorité musulmane fut expulsée. Les « Turco-Crétois » durent se réfugier en Anatolie, en Syrie, à Chypre, et la plupart des lieux de mémoire musulmans (mosquées, cimetières...) furent détruits. La mémoire de ce traumatisme était encore très vive quelques décennies plus tard parmi les musulmans de Chypre.
La situation allait en s'aggravant : la Grande-Bretagne augmentait son emprise sur l'île, affirmant en 1954 qu'elle ne serait « jamais » indépendante ; l'Eglise orthodoxe chypriote s’impliquait de plus en plus dans le mouvement nationaliste grec, y compris par un soutien à l'EOKA (Organisation nationale des combattants chypriotes), mouvement armé de résistance créé en 1955, purement grec, chauvin et réactionnaire, qui ne faisait aucune place aux musulmans et réclamait l'enosis.
Les affrontements entre l'EOKA et les Britanniques ont commencé en avril 1955, faisant forcément des victimes parmi les policiers musulmans, occasion rêvée par les nationalistes de Turquie pour envenimer les choses : en septembre 1955, un immense pogrom était organisé contre les orthodoxes à Istanbul. Dès 1957, les musulmans chypriotes, puissamment soutenus voire manipulés par les mouvements nationalistes turcs, formulaient la revendication du partage (taksim) de l'île entre les deux communautés et fondaient la TMT (Organisation turque de résistance), tout aussi chauvine et réactionnaire que l'EOKA.
Les deux organisations mettaient alors en place un contrôle totalitaire de la population, avec formation et entraînement militaire de la jeunesse, attentats, violences, élimination des opposants et dissidents. Chaque communauté s'arc-boutait sur sa « mère-patrie », son idéologie, ses fêtes et commémorations nationales, sa propagande. Dès 1958 les populations, souvent contraintes par leurs propres organisations, se repliaient sur elles-mêmes ; toute relation avec « les autres », même sportives, furent interdites. La prétendue impossibilité de vivre côte-à-côte devint un élément fondamental du dogme, et l’on s’appliqua des deux côtés à faire en sorte que la vie commune devienne effectivement impossible.
Les violences intercommunautaires ont commencé en 1958 ; elles provoquèrent la mort d'une centaine de personnes. En juin, l'administration britannique partageait la capitale, Nicosie, en deux secteurs, par une « Ligne verte », selon le tracé qui existe toujours. Entre-temps, des négociations faisaient avancer chez les Britanniques l'idée d'une indépendance très relative, qui sauvegardait les intérêts de la puissance coloniale. En février 1959, à Zurich puis à Londres, étaient signés des accords entre entre le Royaume-Uni et les représentants des deux communautés, jetant les bases d'une république bi-communautaire, et prévoyant le maintien de deux bases britanniques souveraines, la présence de contingents militaires grecs et turcs, et la tutelle de trois « puissances garantes », le Royaume-uni, la Grèce et la Turquie.
La constitution adoptée, sans doute la plus compliquée du monde et inapplicable dans les faits, codifiait l’existence de deux communautés définies par leur religion. Les notions de citoyenneté et d’intérêt commun y étaient ignorées. Dans tous les rouages de l’État, il n’existait pas une seule fonction dont le titulaire puisse se prétendre le représentant de tous les Chypriotes ; le président de la république devait être élu seulement par les orthodoxes, et le vice-président seulement par les musulmans. Jamais les suffrages de Chypriotes turcs et grecs, même au niveau villageois, ne pouvaient se joindre pour désigner un même candidat. Il existait même une justice particulière à chaque communauté. Il n'y avait même pas d'hymne national, et l'usage des drapeaux turc et grec, ainsi que la célébration des fêtes nationales turque et grecque, étaient autorisés par la constitution qui, dans ses grandes lignes, est toujours celle de la république de Chypre.
Dans ce petit espace, deux ultra-nationalismes soutenus par des puissances étrangères comptaient faire de l’indépendance une simple étape vers l’union avec la Grèce (enosis) pour les uns, ou le partage (taksim) pour les autres. La république de Chypre fut proclamée le 16 août 1960, avec un curieux président, archevêque et patriarche de l'Eglise orthodoxe chypriote, Mgr Makarios III, symbole de la confusion entre nation et religion. Entre les communautés, l’indépendance de l'île n’avait rien changé, et l’affrontement allait se renforcer jusqu’au paroxysme.
La constitution étant inapplicable, la crise définitive survint en 1963, par un ultimatum de Makarios qui exigeait une diminution du poids des Turcs dans la vie politique. Le 23 décembre, dit « Noël sanglant », les milices de l'EOKA attaquaient les quartiers turcs de Nicosie et de nombreux villages musulmans, et des affrontements violents se poursuivaient jusqu'en été 1964. Les musulmans se repliaient, poussés par la violence mais aussi par leurs organisations, dans une quarantaine d'enclaves transformées en camps retranchés, disséminées dans toute l'île. L'ONU envoyait alors un contingent de Casques bleus (UNIFICYP), toujours présent dans l'île.
Chypre devint un pays d'apartheid ; les enclaves musulmanes étaient coupées du monde, misérables, surpeuplées, la population travaillée et entrainée par les activistes nationalistes turcs et des officiers venus du continent. À ceux qui sortaient des enclaves pour aller au travail, au marché ou à leurs champs, la police et les milices grecques imposaient des contrôles accompagnés de vexations, menaces, confiscations. Chaque communauté était prisonnière de ses propres miliciens et de son idéologie. Les partisans de la réconciliation étaient rejetés comme traîtres, parfois assassinés.
La fièvre obsidionale, la suspicion, le contrôle de la TMT et des militaires turcs avaient créé un état d’esprit particulier. Outre les contrôles et les dangers réels, y compris de mort, les Chypriotes des deux camps ont ressenti une blessure morale infligée par la morgue de l’adversaire. Les Chypriotes turcs ont vécu plusieurs années isolés et menacés, malgré les efforts de l'UNIFICYP. Il y eut des centaines de morts, des deux côtés. Cette première étape de la partition (1964-1974) a profondément creusé le fossé entre les communautés. La réconciliation devenait de plus en plus difficile, et les deux systèmes de pensée inconciliables.
Le problème chypriote se nourrit des malheurs et des rancoeurs du passé. Les dirigeants chypriotes turcs estiment qu'en 1963 ils ont été empêchés de participer au pouvoir ; les Chypriotes grecs pensent, eux, que les Turcs ont fait volontairement sécession. L'ONU a sans doute fait une erreur en considérant que le gouvernement légal était celui de la communauté orthodoxe, mais le reste du monde a suivi.
Malgré tout, sous l'égide de l'ONU, des pourparlers intercommunautaires travaillaient à une solution. Mais la dictature militaire, en place à Athènes depuis 1967, favorisa la création d'un mouvement fasciste dans l'île, l'EOKA-B, qui prit le pouvoir par un coup d'Etat le 15 juillet 1974, renversant Makarios, mettant à la tête de l'Etat un homme qui se vantait d'être un « tueur de Turcs », Nikos Sampson. A nouveau, des combats entre Turcs et Grecs firent une centaine de victimes.
Les traités d'indépendance de 1960 avaient conféré aux « puissances garantes » un droit d'intervention sous certaines conditions. Le gouvernement turc estime alors que le moment est venu et le 20 juillet 1974, l'armée turque débarque au nord de l'île. Les putschistes sont renversés, et par contre-coup la dictature grecque s'effondre à Athènes. Mais l'armée turque ne se contente pas de rétablir la situation antérieure, comme le prescrivait le traité de 1959 ; elle crée une zone d'occupation turque couvrant le tiers nord de l'île, jusqu'à une double ligne de cessez-le-feu qui coupe l'île et la capitale en deux. La « Ligne verte » s'étend désormais à toute l'île, infranchissable jusqu'en 2003 ; c'est en réalité une zone-tampon large par endroits de plusieurs kilomètres. Les Turcs expulsent la majorité de la population grecque orthodoxe du nord (environ 200 000 personnes). Au cours du mois d'août 1974, de chaque côté, des massacres sont perpétrés.
Selon les critères des stratèges, ce fut un « conflit de faible intensité » provoquant la mort d’un millier de personnes de 1955 à 1974, de plusieurs milliers - 6 000 selon certaines sources - durant l’été 1974, et la disparition de 1611 Chypriotes grecs. C’est effectivement peu par rapport aux autres conflits survenus dans la région même. Mais 1974 établit une double coupure durable.
Une coupure géographique en deux territoires, auxquels il faut rajouter la superficie incluse entre les deux lignes de cessez-le-feu, non négligeable puisqu'elle inclut plusieurs villages et l'aéroport de Nicosie ; un quatrième territoire, celui des bases souveraines britanniques (250 km2) est exclu de la république de Chypre.
C'est également une coupure temporelle. Pour les Chypriotes grecs, cette année 1974 est celle de « l'invasion », le début du malheur ; les récits de la « question chypriote » produits de ce côté commencent souvent à cette date seulement, comme s'il n'y avait pas eu de problème antérieurement. Du côté turc, on considère au contraire qu'il s'agit de la libération d'un peuple, de la naissance d'une nation, de la fin des problèmes. C'est pourquoi toute approche sincère de la question chypriote doit absolument prendre en compte ce qui se passe avant et après cette date.
En août 1975, les accords de Vienne ont organisé les derniers échanges de population. Les quelques milliers d'orthodoxes restés au nord sont partis pour le sud, sous la pression de l'administration turque qui a fermé les écoles grecques : il ne reste aujourd'hui au nord que trois villages grecs orthodoxes et trois villages maronites, également de langue grecque. Le nombre de musulmans restés au sud est infime. Ce double mouvement d’exode a été vécu très difficilement par chaque communauté. Les orthodoxes, qui fuyaient au sud avec l’espoir d’un retour, ont dû y rester, en situation de réfugiés dans leur propre pays. Vingt mille ont migré à l’étranger. Aujourd'hui encore, beaucoup continuent de revendiquer la récupération de leurs biens et de leurs domiciles, alors que ceux-ci ont été attribués aux musulmans venus du sud.
En 1975, le territoire occupé a pris les apparences d’une entité autonome, « l’État fédéré turc de Chypre » (février 1975) avant de se proclamer « République turque de Chypre du nord » (RTCN) en 1983, reconnue seulement par la Turquie. Non seulement les populations étaient séparées, mais les contacts ont été presque impossibles jusqu'à l'ouverture de la Ligne verte en avril 2003. A cette date, les anciens voisins, d'anciens amis ont pu se revoir dans une grande émotion. La douleur des affrontements, celle des déplacements n'avaient pas été oubliées, mais au cours des mois qui ont suivi l'ouverture de 2003, on n'a signalé aucun règlement de comptes, aucun incident. Cela augurait favorablement la perspective du référendum organisé par l'ONU sur la base du « plan Annan », en avril 2004 ; les retrouvailles allaient-elles permettre la réconciliation et la réunification ? Malheureusement, si les Chypriotes turcs ont voté à 65 % pour le plan de paix, leurs compatriotes du sud l'ont rejeté à 75 %. Le plan Annan était nul et non avenu, et c'est divisée que l'île de Chypre est entrée, une semaine plus tard, dans l'Union européenne et, en 2008, intégrait la zone euro.
Après 1974, la volonté des Chypriotes grecs, et les circonstances, leur ont permis de surmonter économiquement l’épreuve ; psychologiquement, cependant, la plaie n’est pas fermée. Quant aux Chypriotes turcs, ils ont dû vivre dans un provisoire interminable et décourageant. Comme ils étaient censés être les vainqueurs, ils n’avaient même pas le droit de se plaindre. En réalité, le rejet du référendum par les Chypriotes grecs les a soulagés, car l'éternel provisoire dans lequel ils vivaient depuis 1974 se fermait, ils pouvaient désormais s'établir, investir et s'investir. Devenus eux aussi citoyens de l'Union européenne, ils pouvaient voyager et ne plus dépendre exclusivement de la Turquie. Depuis, la situation de partition s'est figée et a été rendue quasiment irréversible par l'installation au nord de colons turcs venus du continent, qui sont probablement plus nombreux que les Chypriotes d'origine, et dont beaucoup maintenant sont nés à Chypre et s'y sentent chez eux. Les autorités du Nord ont également procédé à des ventes massives de biens grecs à des promoteurs immobiliers étrangers, turcs du continent, russes, israéliens. Que faire en cas de réunification ? La restitution rigoureuse des biens d'avant 1974 provoquerait une nouvelle vague d'expulsions et de nouveaux malheurs1. La Turquie, elle, refuse toujours de retirer ses troupes d'occupation estimées à 30 000 hommes, stationnées dans une trentaine de camps.
Toutefois, les efforts de réconciliation ont été facilités par l'ouverture de 2003, les contacts sont désormais incessants grâce aux efforts de la société civile des deux parties, qui a constitué de nombreuses associations bi-communautaires.
La république de Chypre a été secouée en 2010-2012 par une crise fiscale et financière très grave qui a nécessité une politique d'austérité entraînant une forte baisse du niveau de vie, le quadruplement du taux de chômage et la paupérisation d'une partie de la population. Il est possible que beaucoup de Chypriotes aient vu une solution à leurs problèmes dans une politique de réunification. En effet, depuis 2015, la République de Chypre et le territoire du Nord sont dirigés par des leaders qui y sont très favorables, Nikos Anastasiadis et Mustafa Akinci. Nombreux sont ceux qui estiment qu'il s'agit d'une « fenêtre d'opportunité » pour l'avenir de l'île. Mais le retour à la situation d'avant 1974, ou d'avant 1963, est impossible. La réunification ne se fera sans doute jamais que sous la forme d'une confédération bi-communautaire et bi-territoriale.
1 Karl Jaspers, évoquant les revendications des Allemands expulsés de Pologne en 1945, écrivait en 1960 : « C’est horrible. Mais partout où [un
déplacement de population] s’est produit, il n’a jamais été possible de défaire ce qui avait été fait. Sur le sol ainsi ravi, d’autres, dans l’intervalle, acquièrent leur droit de cité. On ne pourrait rétablir la situation qu’au prix d’un nouveau forfait. [...] De telles paroles semblent dures et celui qui les prononce paraît sans coeur. [...] Cela est injuste. Mais il est mauvais pour tous de susciter de fausses espérances et de les entretenir. Cela égare l’esprit et ne peut avoir que de nouvelles conséquences fâcheuses. » (Karl Jaspers, Liberté et réunification, Paris, Critérion, 1990, pp. 56-58. Traduction de Freitheit und Wiedervereinigung über Aufgaben deutscher Politik, Munich, Piper, 1960 ; première édition française : Gallimard, 1962). |
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CYPRUS OR THE WRECKAGE
OF NATIONALISM
The Republic of Cyprus, which joined the European Union in 2004, is in a strange situation. In geographic terms, Cyprus is very much in the Eastern Mediterranean, a long way from Greece and its islands (400 km from Rhodes) but close to Turkey (80km) and Lebanon. Formerly a British colony, it gained its independence in 1960. Despite its small size (less than 10,000 sq km) it is a very complex place. Even though, officially, there is but one Republic of Cyprus, which extends over the entire island, its sovereignty is only really effective in the southern two-thirds of the island, the north being “The Turkish Republic of Northern Cyprus” or “under Turkish occupation”, depending on where you stand. To complicate matters, the northern territory does not have international recognition, except from Turkey, and the ruling power there does not have diplomatic status. De facto, the Republic of Cyprus cannot extend its authority there. De jure, however, the entire island, not just the southern part, has been a member of the EU since 2004. Under international law, therefore, the territory of a member of the European Union has been under military occupation by a foreign power, Turkey.
How did this come about?
The island was never part of modern Greece, even though it has been Greek in culture since ancient times, most of its inhabitants are Greek Orthodox, and it was part of the Byzantine Empire for a long time. In 1192, however, it passed under the sovereignty of the Lusignan, a Crusader family, and in 1489 came under the rule of the Venetian Republic. So when the Ottoman Turks conquered the island in 1571, they did not take it from Greece! That year was also when there started to be two religions and two communities on the island, as the Ottomans settled a Muslim community there from the mainland. Yet Muslims never amounted to more than a quarter of the population.
In 1878, Cyprus was ceded to Great Britain and was proclaimed a Crown colony in 1925. The turbulent prehistory of the Republic of Cyprus thus started, with an anti-colonial struggle supported from the outside by irredentist Greek nationalism, which saw the island as one last piece of Hellenic territory to be incorportated into the Kingdom of Greece. That kingdom had undergone a long process of formation itself. When Greece gained its independence in 1830, only one-third of the Orthodox population in the Ottoman Empire lived there. The Greek national project, known as Megali Idea (The Great Idea), had the goal of bringing all ethnic Greek areas together in enosis (union) that would include Constantinople, the Black Sea coast, the Aegean islands and Cyprus. In the Ottoman and post-Ottoman context, the religious criterion was crucial in defining the “Nation”: everyone who was Orthodox was considered “Greek” even if he/she spoke Turkish, and everyone who was Muslim was considered “Turkish” even if he/she spoke Greek. This concept of the nation was introduced into Cyprus and strengthened by the British administration, which in its censuses listed the population by religious criteria, although naming them “Turkish” and “Greek”. This split continues to influence mentalities to this day.
During the British period, and especially after 1923, when Turkey became a republic, Turkish and Greek nationalism had a very strong influence on both island communities, to the point that the education of the young was split between the two “mother-countries”. To counter Hellenistic nationalism, which was supported very effectively by the Orthodox Church, the British gave preference to Muslims, employing them in the administration and the police. In this way, while the idea of enosis (union with Greece) spread among the “Greeks” on the island, the Enosis movement was suppressed by “Turkish” auxiliary police. As a result of the divide and rule policy, the rift between the two communities grew ever deeper.
The Muslims on the island thought they had everything to fear from union with Greece. In fact, when Crete was annexed by the Kingdom of Greece in 1912, its sizeable Muslim minority were expelled. Cretan Turks had to find refuge in Anatolia, Syria and Cyprus, and most of the Muslim memorial sites, such as mosques and cemeteries, were destroyed. The memory of this trauma was still very much alive among Muslims on Cyprus decades later.
The situation got worse and worse. Great Britain increased its dominance over the island, stating in 1954 that it would “never” gain independence. The Cypriot Orthodox Church became increasingly involved in the Greek nationalist movement, even supporting EOKA (the National Organization of Cypriot Fighters), a purely Greek, chauvinistic, reactionary armed resistance movement created in 1955, which had no place for Muslims and demanded enosis. Fighting between EOKA and the British began in April 1955, with Muslim policemen perforce becoming victims, an opportunity that was seized on by nationalists in Turkey to poison the situation still further. In September 1955 a huge pogrom was organized against Orthodox Christians in Istanbul. From 1957, Cypriot Muslims, who were strongly supported, indeed manipulated, by Turkish nationalist movements, revived their claim for partition (taksim) of the island between the two communities, and founded the TMT (Turkish Resistance Organization), which was every bit as chauvinistic and reactionary as EOKA.
The two movements then imposed a virtually totalitarian control over the population, with military training for the young, and attacks, violence and the elimination of opponents and dissidents. Each community propped itself up on its “mother country”, with its national ideology, festivals and commemorations, and propaganda. Starting in 1958 the two populations, often acting under the constraint of their respective organizations, turned in on themselves: all relations with “the others”, even on the sports field, were banned. The alleged impossibility of living side by side became a fundamental part of the dogma, and was applied on both sides so that life in common became effectively impossible.
Intercommunal violence erupted in 1958, causing the death of a hundred people. In June, the British administration divided the capital, Nicosia, into two sectors, along the “Green Line” that exists to this day. In the meantime, the negotiations then taking place gradually persuaded the British that a very limited kind of independence, one that would preserve colonial interests, was the best way out. In February 1959, agreements between the United Kingdom and representatives of the two communities were signed in Zurich and then in London, which laid the basis for a bi-communal republic and provided for the maintenance of two military bases under British sovereignty, the presence of Greek and Turkish military contingents, and a guarantee by three “guarantor powers” the United Kingdom, Greece and Turkey.
The constitution thereby adopted was probably the most complicated in the world and, given the facts on the ground, one that was impossible to impose. It codified the existence of two religiousbased communities, ignoring notions of citizenship and common interests. In all the wheels of the State, there was not a single function whose titular could claim to be the representative of every Cypriot. The president had to be elected by Orthodox Christians alone, and the vicepresident by Muslims. Greek and Turkish Cypriots could never combine their votes, even at village level, to support the same candidate. Each community had its own justice system. There was not even a national anthem, and the use of the Greek and Turkish flags, as well as the celebration of Greek and Turkish national holidays, were authorized by the constitution; this is still largely the case in the Republic of Cyprus.
So in this small geographical area, two ultra-nationalistic movements supported by foreign powers set about turning the country’s independence into a step towards union with Greece (enosis) for one side and partition (taksim) for the other. The Republic of Cyprus was proclaimed on 16 August 1960, its president the curious figure of Archbishop Makarios III, the Patriarch of the Cypriot Orthodox Church, a veritable symbol of the confusion between nation and religion. The independence of the island did nothing to change the situation between the communities, and confrontation would intensify until it burst into paroxysm.
Since it was impossible to put the constitution into effect, the definitive crisis came in 1963, when Makarios issued an ultimatum demanding a reduction in the weight granted to the Turks in political life. On 23 December, Bloody Christmas, EOKA units attacked the Turkish quarters of Nicosia and many Muslim villages, and violent confrontations continued until the summer of 1964. Faced with the violence but also compelled by their own organizations, the Muslims withdrew into forty enclaves scattered across the island, which were transformed into fortified areas. The UN then deployed a peacekeeping force (UNFICYP), which is there to this day.
Cyprus thus became a land of apartheid. The impoverished, over-populated Muslim enclaves were cut off from the world, their people worked and trained by Turkish nationalist activists and officers from the mainland. Those who left the enclaves to go to work, to the market, to their fields were subjected to checks by the Greek police and militias, accompanied by threats, harassment and confiscations. Both communities were fenced in by their own militias and their own ideologies. Spokesmen for reconciliation were rejected as traitors and sometimes murdered.
The paranoia, suspiciousness and control of the TMT and the Turkish military had created a special frame of mind. Above and beyond the controls and the real dangers, including that of death, Cypriots on both sides felt they had been inflicted a moral injury by the arrogance of their enemy. Despite the efforts of the UNFICYP, Turkish Cypriots lived in isolation and under threat for years. There were hundreds of deaths on both sides.
Thus the first stage of partition (1964- 1974) deepened the rift between the two communities. Reconciliation became harder and harder, and the two systems of thought incompatible with each other. The “Cyprus problem” feeds on the misfortunes and rancour of the past. Turkish Cypriot leaders reckon that they were prevented from gaining their rightful share of power in 1963. Greek Cypriots think the Turks seceded of their own free will. It was probably an error on the part of the UN to regard the government of the Orthodox community as the legal government, but the rest of the world followed suit.
Despite everything, inter-community talks under the aegis of the UN were working towards a solution, but the military dictatorship that had ruled in Athens since 1967 supported the creation of a fascist movement on the island, EOKA-B, which seized power in a coup d’etat on 15 July 1974, overthrowing Makarios and installing as head of state Nikos Sampson, a man who boasted of being a “Turkkiller”. Fighting between Turks and Greeks broke out again, causing a hundred deaths. Under the 1960 independence treaties, the guarantor powers had the right to intervene under specific conditions. The Turkish government thought the time had come and on 20 July 1974 the Turkish army landed on the north of the island. The military coup was overthrown, which led to the collapse of the dictatorship in Athens. But the Turkish army wanted more than just to restore the prior situation, as the 1959 treaty provided. Instead, it created a Turkish occupation zone that covers the northern third of the island down to a double ceasefire line that divides the country and its capital in two. In this way the Green Line extends across the island, and until 2003 it could not be crossed. What there is in fact is a buffer zone that at certain places is several kilometres wide. The Turks then expelled the majority of the Greek Orthodox Cypriots from the north (about 200,000 people). The following month, in August 1974, there were massacres on both sides of the line. According to military criteria, this was a low-intensity conflict. It caused a thousand deaths from 1955 to 1974, several thousand (some sources say 6,000) during the summer of 1974, and the disappearance of 1,611 Greek Cypriots. The figures are low when compared to other conflicts in the region, but 1974 also brought about a lasting double slash. The first was geographic. Cyprus was cut into pieces: the two territories, then the third, the area between the two ceasefire lines, which is not unimportant as it includes a number of villages and Nicosia Airport, and finally a fourth, the 250 sq km of the bases under British sovereignty, which are not part of the Republic of Cyprus.
The second was in time. For Greek Cypriots, 1974 was the year of the invasion, the year their misfortunes began. The stories of the “Cyprus question” that was caused by this division often only start with this date, as if there had been no problem before. From the Turkish side, 1974 is regarded as the liberation of the people, the birth of a nation and the end of the problems. Which is why any honest approach to the Cyprus question absolutely has to take what happened before and after that date into account. The final population transfers were organized in August 1975 by the Vienna Accords. Under pressure from the Turkish administration, which had closed their schools, the few thousand Greek Orthodox Christians remaining in the north left for the south. Today there are only three Greek Orthodox villages and three Maronite (also Greek-speaking) villages left in the north. The number of Muslims left in the south is minute. Each of the two communities have found this two-sided exodus very hard to live with. The Orthodox communities, which fled to the south in the hope that one day they might return, have had to stay there, refugees in their own country. Twenty thousand of them have emigrated. Many are still taking action today to recover their property – their goods and homes – although these have been given to Muslims who came from the south.
In 1975, the occupied territory assumed the appearance of an autonomous entity, the “Turkish Federated State of Cyprus” (February 1975), before proclaiming itself in 1983 as the “Turkish Republic of Northern Cyprus”, which has only been recognized by Turkey. Until the Green Line was opened in April 2003, not only were the populations separated but contact was virtually impossible. Then it became possible for former neighbours and friends to see each other again. It was a very emotional time. The pain of the hostility and the moving had not been forgotten but over the months that followed the opening in 2003 there was no settling of accounts, no incidents recorded. Which augured well for the UN referendum based on the Annan Plan in April 2004. Would the findings make for reconciliation and reunification? Unfortunately, although 65% of Turkish Cypriots voted for the peace plan, their southern compatriots voted 75% against. The Annan Plan was null and void, and a week later the island of Cyprus entered the European Union. In 2008 it joined the Euro zone.
After 1974, thanks to the circumstances and their strong will, the Greek Cypriots succeeded in overcoming the test, at least economically; yet the wound remains open. The Turkish Cypriots, however, have had to live in an unending, demoralizing provisional state. Supposed as they are to be the victors, they do not even have the right to complain. In reality, the rejection of the referendum by the Greek Cypriots lightened their burden, as the provisional state they had lived in since 1974 came to an end and so they could set up, invest, and invest in themselves. Since they too had become citizens of the European Union, they could travel and no longer be totally dependent on Turkey. Since then, the partition of the country has become fixed and made virtually irreversible by the arrival in the north of masses of Turks from the mainland, probably more than were born in Cyprus; but many now have been born there and so they feel at home. The northern authorities have also carried out mass sales of Greek property to foreign real estate developers, mainland Turks, Russians, and Israelis. What to do if reunification comes? The systematic return of pre-1974 property would cause a new wave of expulsions and fresh misfortunes.1 As for Turkey, it refuses to withdraw its occupying force – estimated at 30,000 men – who are stationed in some thirty camps.
Nonetheless, reconciliation efforts have been facilitated by the opening in 2003: thanks to consocial efforts on both sides, who have set up many bi-communal associations, contacts are now permanent.
In 2010-2012, the Republic of Cyprus was shaken by a very serious financial and fiscal crisis that necessitated an austerity policy, which in turn led to a sharp drop in living standards, a 400% rise in the unemployment rate, and part of the population being reduced to poverty. It is possible that many Cypriots have seen a reunification policy as a solution to their problems. In fact, since 2015 the Republic of Cyprus and the northern territory have been governed by leaders, Nikos Anastasiades and Mustafa Ak?nc?, who look on it very favourably. Many people think this is a window of opportunity for the future of the island. But a return to the situation before 1974 – or before 1963 – is simply not possible. Reunification will probably only ever be achieved under the form of a bi-communal and bi-territorial confederation.
1 In 1960, evoking the claims made by Germans who had been expelled from Poland in 1945, Karl Jaspers wrote: “It’s horrible. But everywhere there has been [a population movement] it has never been possible to undo what had been done. In the meantime, on stolen soil, others acquire the freedom of the city. The situation could only be restored at the price of another forfeit. […] Such words seem hard and he who speaks them seems to be heartless. […] That is unjust. But it is wrong for anyone to raise false hopes and sustain them. That misleads the mind and can have only new, troublesome consequences.” (Karl Jaspers, Freitheit und Wiedervereinigung über Aufgaben deutscher Politik, Munich, Piper, 1960.) |
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