L'Huile et L'Eau
Palais de Tokyo, 2020 |
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Ces dernières années, Nicolas Daubanes s’est particulièrement intéressé aux lieux et aux situations, d’enferment et de coercition. Puisant dans différentes anecdotes historiques, il y observe la manière dont l’intelligence humaine parvient à s’adapter et répondre aux cadres oppressifs. Des techniques de sabotage mises en oeuvre par les résistants sous l’occupation aux recettes de cuisine qui s’échangent entre détenus, tout dans ce travail vient nourrir un répertoire d’idées et de gestes qui s’incarnent dans l’espace d’exposition comme autant d’hypothèses plastiques. Mais davantage encore que ces moyens de résilience poétique, c’est la société dans son ensemble qui est envisagée comme une structure normalisante, à laquelle se heurtent les aspirations individuelles. Comme expression de ce conflit, Nicolas Daubanes a intitulé son exposition « L’Huile et l’Eau » - deux liquides non miscibles, qui finissent toujours par se rejeter. Reliant différentes oeuvres entre elles autour de l’idée d’insurrection, le
projet est incarné par la voix du rappeur marseillais Akhénaton. Membre du groupe IAM, il prête son timbre à la lecture de textes choisis avec l’artiste, portant les témoignages d’hommes et de femmes confronté.e.s à des expériences de vies contraintes. Au sol, empruntant un procédé de sabotage employé par les résistants, des dalles de béton mélangées à du sucre s’effritent à mesure que les visiteurs circulent. Sur les murs, deux dessins à la limaille de fer semblent se liquéfier. L’un représente l’Hôtel de Ville de Paris, incendié pendant la Commune (1871) et l’autre, retourné, le Palais de Justice. « Aucun bâtiment n’est innocent » disait l’artiste dans une exposition précédente. Deux sculptures, enfin, accompagnent cet environnement : un réfrigérateur embroché, rappelant à nouveau un geste des résistants à l’occupation allemande qui consistait à geler des poutres de bois afin qu’elles se brisent, et un collier de dents, usées à la manière d’une lame de guillotine. |
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Vue de l'exposition L'Huile et l'Eau, Palais de Tokyo, Paris, 2020
Photographie Marc Domage |
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Hotel de Ville, 1871, 2020
Poudre d'acier aimantée, dessin mural, 350cmx750cm
Vue de l'exposition L'Huile et l'Eau, Palais de Tokyo, Paris, 2020
Photographie Marc Domage |
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Le premier Hôtel de Ville de Paris fut édifié en lieu et place de l’ancienne “Maison aux Piliers” d’Etienne Marcel, premier centre des institutions municipales de Paris à compter de 1357.
Achevé en 1628 sous le règne de Louis XIII, ce Palais fut un lieu politique important. Il abrita entre autres le Comité de Salut public entre 1792 et 1794, ainsi que le gouvernement provisoire de Lafayette après la chute de Charles X en 1830. Le 28 mars 1871, après la défaite de Napoléon III contre la Prusse, le peuple de Paris s’insurge contre le régime et envahit l’Hôtel de Ville. C’est le début de la Commune. Les insurgés en furent rapidement chassés. Cependant, durant la semaine sanglante (22-28 Mai), un certain nombres de monuments Parisiens seront délibérément incendiés par les Communards et en particulier tout ceux qui possédaient un rapport avec l’image du pouvoir. Ce fut le cas de l’Hôtel de Ville qui brûla le 24 Mai. Avec cet incendie, les archives et la bibliothèque de l’hôtel de ville partiront également en fumée. Les deux collections d’État civil parisien antérieures à 1860 seront également perdues à jamais: la première demeurait dans l’hôtel de ville et la deuxième dans le palais de justice (qui fut également incendié). Suite à cet incendie, l’Hôtel de Ville de Paris était détruit à un point tel que ses ruines ne pouvaient pas être utilisées pour la reconstruction. C’est donc un monument entièrement nouveau qui fut élevé de 1874 à 1882. |
http://www.paris-unplugged.fr/1871-lincendie-de-lhotel-de-ville/ |
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Vue de l'exposition L'Huile et l'Eau, Palais de Tokyo, Paris, 2020
Photographie Marc Domage |
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We are men, I am a man, 2020
Béton, sucre, dimensions variables
Collaboration avec le rappeur Akhénaton
Vue de l'exposition L'Huile et l'Eau, Palais de Tokyo, Paris, 2020
Photographie Marc Domage |
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Les textes lus par Akhenaton sont issus de différents contextes historiques. Certains sont liés à de grandes révoltes populaires ainsi qu’à différents moments de résistance ; d’autres s’apparentent à des réflexions plus générales sur la société. Tous rendent compte de la manière dont le désir de liberté continue de s’exprimer dans des situations contraintes. |
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Révolte des prisonniers d'Attica de 1971 |
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Mutinerie de la prison de Nancy, 15 janvier 1972 |
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Commune de Paris barricade de la Chaussée Ménilmontant |
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Vue de l'exposition L'Huile et l'Eau, Palais de Tokyo, Paris, 2020
Photographie Marc Domage |
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Ministère des finances, 1871 2020
Poudre d'acier aimantée, dessin mural, 300x300cm
Vue de l'exposition L'Huile et l'Eau, Palais de Tokyo, Paris, 2020
Photographie Marc Domage
Réalisé à l'envers sur une cimaise découpée puis retournée. |
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Paris a été un champ de bataille entre troupes versaillaises loyalistes et communards, du 21 au 28 mai 1871. En huit jours, les loyalistes ont repris la capitale dans le sang. Ici : la rue de Rivoli et le ministère des Finances, au coin de la rue du Luxembourg (aujourd'hui la rue Cambon). |
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Le sourire de la république, 2020
Résine dentaire, nylon, 60x40cm
Vue de l'exposition L'Huile et l'Eau, Palais de Tokyo, Paris, 2020
Photographie Marc Domage
Uniquement composé d’incisives humaines en résine dentaire, Le sourire de la république est un collier de dents, dont la forme reprend celle d’un couperet de guillotine. Dans un premier temps, les dents sont fabriquées de manière quasi-parfaites puis retravaillées, une à une, à l’aide d’une lame de cutter, venant casser, fendre et provoquer une usure semblable à celle de l’acier tranchant du couperet. Ici, l’usure esquissée s’inspire de celle du couperet de guillotine qui fut active place de Grève (actuelle place de l’Hotel-de-ville).
La machine à décapiter reçut de nombreuses appellations selon les périodes : le « rasoir national » pendant la révolution française ou encore le « massicot » au XXe siècle. Si cet outil existait encore sur le sol français, le surnom le « sourire de la république » lui irait à merveille, pour faire référence au non moins menaçant sourire affiché par certains politiques sur les photos officielles. |
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Anonyme, exécution capitale par décapitation, échafaud de la guillotine, gravure, 1794 |
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Vue de l'exposition L'Huile et l'Eau, Palais de Tokyo, Paris, 2020
Photographie Marc Domage |
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Des armes et du beurre, 2020
Congélateur, chêne, dimensions variables
Vue de l'exposition L'Huile et l'Eau, Palais de Tokyo, Paris, 2020
Photographie Marc Domage
L’installation se compose d’un congélateur embroché par un pilier en chêne. L’appareil électroménager, toujours en état de marche, permet de créer une zone de froid en température négative. La poutre de bois est trouée à plusieurs reprises : l’eau, déposée dans les trous, gèle ; la glace se dilate et vient briser les fibres du bois.
Cette installation fait référence aux gestes des résistants, qui, pendant la guerre, trouaient les piles de ponts en bois, au niveau précis de la surface de l’eau. L’hiver suivant, les piliers, fissurés puis fracturés par ce système de sabotage, cédaient sous le poids des véhicules qui traversaient la passerelle. Une stratégie à long terme, un sabotage lent et minutieux qui va à l’encontre de l’image que l’on peut avoir des sabotages explosifs et immédiats.
La rencontre entre la glace et le bois effectue un travail sourd et ingénieux, à la fois de fracturation et de maintien. Si l’on débranche le congélateur, la glace fond et la poutre se brise. La même machine détruit ainsi la solidité physique du bois mais lui sert dans un second temps de béquille nécessaire pour tenir debout. On se rapproche du concept de la « greffe» : l’association de deux éléments étrangers les rend à la fois fragiles et indissociables. |
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Voir aussi : https://blogs.mediapart.fr/guillaume-lasserre/ |
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