Julien CLAUSS 

Stimuline 2009
Performance audio-tactile
Interfaces équipées de transducteurs, câbles, centrales de distribution, système sonore, bouchons d'orailles
Durée 40 minutes
Projet réalisé avec Lynn Pook

Trentes personnes sont équipées de petits haut-parleurs vibrants disposés des pieds à la tête. Muni de bouchons d’oreilles, ils sentent les vibrations se déplacer à la surface de leurs corps en même temps qu’ils les entendent par conduction osseuse. Le concert associe sensations tactiles et sonores pour proposer une expérience de l’espace qui place l’auditeur à l’interface de l’architecture et de son propre intérieur.

 
Stimuline 2009
Performance audio-tactile
 
 

Maxence Grugier, Entretien avec Lynn Pook & Julien Clauss, in « Musiques et cultures digitales », n°52, mai 2009 (extraits).

Installations, performances, scénographie, musique électronique, Lynn Pook et Julien Clauss utilisent l'art et la technologie pour interroger notre époque et notre accès au monde par le biais des médias. (...)

Comment et quand est née votre collaboration ?

Julien CLauss : En 2004, Lynn présentait À Fleur de Peau, à Paris, et débutait le travail sur Pause. À cette période, je jouais beaucoup sur un système octophonique circulaire. Je lui ai proposé d'essayer mes sons avec mes outils de spatialisation sur son système. Le système audio-tactile m'a séduit par la connexion directe qu'il propose avec l'auditeur et par sa dimension très spatiale.

Lynn Pook : Julien avait abandonné les sciences des matériaux pour s'adonner à la formation et la déformation des sons dans l'espace. Pas mal d'autres musiciens croisés au cours de festivals avaient déjà eu envie d'essayer, mais aucun n'était passé à l'acte. La première séance de travail a été très probante et comme j'étais sur la production de ce qui allait devenir Pause, je l'ai invité à collaborer sur cette pièce. Les outils de spatialisation développés par Julien ont énormément simplifié le processus de composition, et son univers sonore matiériste allant de l'ambient au noise a enrichi l'univers très minimal et presque austère de mes compositions dédiées à la peau plus qu'aux oreilles.

Lynn, ton travail tourne généralement autour des thèmes du corps dans ses dimensions sociétale, politique et scientifique, mais tu te penches également souvent sur le corps comme médium, comme récepteur. C'est particulièrement le cas pour ton travail sur la musique. D'où viennent ces « obsessions »… ?

LP : (...) Le corps est un objet central de mon travail de plasticienne. De l'observation des particularités corporelles des individus, des postures, mais aussi des comportements qui régissent les relations interpersonnelles : notre relation au monde et en particulier à l'art est née d'une pratique qui intègre intimement le spectateur dans l'oeuvre. Mes travaux me conduisent à m'immiscer dans le domaine du toucher, un sens culturellement soumis à des règles sociales restrictives et complexes. Cet aspect culmine avec les projets audio-tactiles développés depuis 2003, dans lesquels la distance entre le spectateur et l'objet est abolie et l'individu est investi comme lieu et matière d'une sculpture temporelle.

Julien, comment se concrétise la pratique de ton art musical (acousmatique, électroacoustique, électronique) dans tes activités avec Lynn ?

JC : Je travaille essentiellement sur des formes sonores assez statiques avec la volonté que le son soit porté par l'espace autant que par le temps. Ce qui me place dans une position quelque part entre la sculpture et la composition musicale : comment orienter l'écoute pour la sortir de ses penchants musicaux afin que les formes, les structures et les espaces sonores créés accèdent à une autonomie propre ? Je développe des structures sonores qui ne s'organisent pas sur des successions d'événements, mais sur des densités, des variations progressives, des disruptions qui ont vraisemblablement quelque chose de climatique ou de paysager. J'ai accordé les différents outils de spatialisation que j'utilise habituellement aux systèmes audio-tactiles, qui fonctionnent avec 14 à 16 canaux sur le corps, et maintenant 5 canaux en plus dans la salle pour Stimuline. Comme pour mes autres projets sonores, je diffuse, mixe et traite des sons avec la possibilité de créer en direct une trajectoire ou une position pour chaque son.

Justement, pouvez-vous nous présenter votre performance audio-tactile, Stimuline ? Nous raconter sa genèse, de ses premiers pas à son état actuel ?

JC : Alors que nous étions encore dans la création de Pause, nous avons évoqué une version de concert qui nous permettrait de quitter les formats courts des installations audio-tactiles et d'explorer plus en longueur les particularités surprenantes de ce mode de diffusion. La matérialisation du lien entre le musicien et le public nous intriguait aussi. Dans un concert, c'est l'air qui conduit la vibration des haut-parleurs à chacun des auditeurs. Dans Stimuline, l'air est remplacé par des câbles, connectés à l'auditeur via une interface corporelle équipée de transducteurs. Le lien est visible et la structure du réseau apparaît clairement. (...) Dans Stimuline, les spectateurs équipés et connectés participent à la scénographie... L'idée est de réaliser des propositions in situ qui explorent et confrontent par le son l'architecture du lieu et l'espace du corps. (...)

LP : Depuis la première installation en 2003, il est apparu que l'expérience audio-tactile commence dès l'accueil du public avec l'équipement individuel des auditeurs. Pour Stimuline, nous avons opté pour une interface corporelle qui laisse de la liberté de mouvement au public, et surtout la possibilité de varier la position d'écoute en cours de concerts. Debout, la surface de contact est réduite avec le sol et la perception du corps se fait en 3 dimensions, tandis que couché tout
devient plan, mais il est plus facile de s'abandonner. (…) »

 
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