Plancher Flottant III 2018
Bois, parquet, papier peint, environ 3,30 x 3,80 x 1,10 m
Installation in situ pour le Salon de Montrouge
« Un étage qui s'est trompé d'étage, un parquet en lévitation qui nous oblige à réévaluer notre place dans l'espace; le projet in situ de Clémentine Carsberg, dé-situe les limites spatiales de la réalité en une proposition qui se veut double. À la fois très formel, ce plancher pourrait n'être apprécié que pour la beauté du geste, mais cela n'est pas tout, car il réside entre ces planches une force absurde digne de Samuel Beckett. »
Plancher Flottant III 2018
Détail
En prenant au maximum ses distance avec l’espace du white cube, Clémentine Carsberg construit, imagine et recompose des espaces familiers, domestiques ou monumentaux. Il s’agit pour l’artiste de permettre au spectateur un autre regard sur le décoratif et l’ornement afin de rendre possible la singulière appréciation d’une architecture et de ses sous-entendus. Comme l’explique Anaël Marion dans son texte rédigé pour le catalogue De vestiges en vertiges : « elle fait véritablement entrer (le motif) sur scène pour l’amener à témoigner. » C’est en effet ce que propose l’artiste en 2017 lors de sa carte blanche au Pavillon Vendôme à Aix en Provence. En travaillant sur un jeu d’« anachronismes spatiaux » elle nous propose une plongée dans l’architecture et la décoration classique de l’hôtel particulier aixois par le biais du contemporain.
Ce faisant, l’artiste semble isoler de l’extérieur les regardeurs qui habitent ses œuvres. Elle nous immerge par le revers de la tenture, là où l’on peut voir les « coulisses » et ce qui est littéralement ob-scène (hors scène). L’image des planchers et parquets flottants que l’artiste réalise au sein du centre d’art 3bisF à Aix et de la galerie HO à Marseille font apparaître un univers pictural par la contorsion de notre corps, sa réduction de l’autre côté du miroir faisant écho aux pérégrinations d’Alice dans un pays aux ambivalentes merveilles. L’artiste produit pour l’occasion une enclave, pareille a un lieu de retraite ou de suspension du temps alors détaché du flot du quotidien.
Cet isolement se retrouve dans l’usage que l’artiste fait de l’objet comme du matériaux pour décomposer/recomposer l’espace. Ainsi on retrouve dans l’œuvre Les portes à portes, visible dans une chambre de l’hôtel particulier provençal, ce retour de l’objet par son accumulation. En encollant sur les murs de la pièce treize portes de tailles et d’apparences similaires à celle qui permet de s’extraire du lieu, l’artiste perturbe notre perception de la salle par l’objet même qui nous permet de sortir. À partir de cet objet transitif d’entrée ou de sortie comme par la forte symbolique du chemin qu’il trace, elle vient produire un effet décoratif, englobant et déroutant. Autre motif cher à Lewis Carroll la porte n’est pas cette fois-ci trop grande ou trop petite mais elle se trouve être en trop grand nombre. Il y aurait alors dans les interventions de Clémentine Carsberg une volonté de replier l’objet et le modèle sur son usage même, à l’image d’une pratique qui permet de signaler (et de déranger) un espace familier par la singularité de l’ambigu.
Texte de Léo Guy-Denarcy pour le catalogue du Salon de Montrouge 2018
Plancher flottant 2017
Installation in situ pour la galerie HO - Marseille
Bois, environ 4 x 4,50 x 1,20 m
Pour son intervention à la galerie HO, l'artiste propose une autre pièce, une pièce en plus, une pièce à la surface inconnue, un étage qui se serait perdu en route, un peu de travers, beaucoup. Un parquet plongeant dans le sol qui nous offre un nouveau point de vue et nous invite à pratiquer l'espace autrement.
"Sur le lieu d’exposition, la recherche que j’engage, est un travail de construction, d’installation in situ, de sculpture. L’intérieur domestique, la maison, l’architecture et les formes qui leurs sont propres, meublent mes espaces dans un élan d’économie. Le revêtement mural et la prégnance des motifs privilégient le souvenir visuel et permettent aux assemblages de se fondre dans le décor à la recherche d’un confort dans l’étonnement. L’échelle 1 propose aux interventions de s’agripper au réel tout en rasant les murs sur la pointe des pieds.
Pour l'espace de l'histoire de l'oeil, la réflexion s’est faite en plusieurs temps. Il y a eu le constat des différences de niveaux. Une sensation de toujours monter. Dans la réalité, lorsque l’on traverse le lieu, il y a d’abord une petite marche à l’entrée, ensuite 2-3 marches au niveau du comptoir, puis une petite qui descend pour passer à la véranda et enfin un rebord de porte-fenêtre coulissante pour atteindre la cour.
Il se passe des choses au niveau de nos pieds : des entraves. La proposition fut donc d’accentuer ces différences de niveaux, en en ajoutant un. Faire un plancher flottant. Un étage au mauvais niveau. Comme une image décalée sur une pellicule. Comme un ascenseur arrêté entre deux étages. Il s’agit de mettre l’accent sur des poésies de l’espace comme si l’architecture prenait des libertés."