Edificios parados 2010-2012
Photographies argentiques, dimensions variables
Des villes aux apparences nouvelles se dressent, résultant de la spéculation et du jeu des promoteurs immobiliers. Ces structures squelettiques convoquent un imaginaire du chaos, ce nouvel ordre précaire urbain transforme la ville en un champ de bataille immobilier et urbanistique. La ville devient le lieu où l’architecture témoigne et affirme encore plus la fragile posture de l’homme face à la spéculation, face aux aléas du marché. Ces paysages ornés de bâtisses sont comme des métaphores sinistres et tragiques, une poésie de la désolation qui re-configure ces espaces du quotidien. Il y a dans ces paysages quelque chose de la catastrophe, une impression de tragédie humaine qui se joue devant nos yeux ; le rythme est brisé, un faux accord sonne de manière stridente et les bâtisseurs ont désertés les lieux. La spéculation immobilière a creusé dans les villes du vide, ou plutôt a construit des ruines en béton gris et en brique rouge. Souvent ces bâtisses se situent à la proche lisière de la ville plus ancienne sans que cela ne soit une règle stricte ; la banlieue toute proche est le terrain propice au plan d’aménagement.
La photographie m’a permis d’enregistrer ces temps de latence, d’immobilisme conjoncturel. Après avoir longuement abordé le chantier de construction dans mes travaux antérieurs comme une forme en mutation, un espace-temps du travail manouvrier, dans cette proposition je donne à voir un élan stoppé, une entre- prise humaine sans figure. Nous y observons une architecture échancrée, des vues qui constatent des états factuels de la crise en Espagne. J’ai eu deux approches sur ce travail qui sont d’une part des images distantes qui englobent l’édifice dans sa totalité et d’autre part des compositions plus serré des vues partielles de l’immeuble que la limite du cadrage cerne. C’est par contrainte et envie de découper la surface pour la rejouer, une partie des images se répète et se retrouve dans l’autre, mais une ligne fractionne la représentation du réel, cette cassure se transforme en un raccord mouvement raté qui explicite l’intensité de ce marasme. Notre regard navigue dans ces photographies où l’architecture des villes se réduit à la structure, à un corps fébrile et précaire qui subira les vicissitudes du temps. |