Driss AROUSSI 

 
Vues de l'exposition Chalucet, école Supérieure d'Art Toulon, commissaire Jean-Marc Avrilla

La vie d’un chantier est une parenthèse toujours extraordinaire, et sans doute encore davantage lorsqu’il s’agit de la construction d’une école des beaux-arts et d’un quartier entier d’une ville. La mémoire de la construction est collectée par les maîtres d’œuvres. Mais comment saisir la vie elle- même, les gestes des ouvriers, cet univers bruyant et poussiéreux ?
Driss Aroussi est un artiste qui connaît bien cet univers des chantiers pour y avoir consacré beaucoup de temps à prendre des portraits des ouvriers, à saisir des natures-mortes d’objets et d’outils que ces mêmes ouvriers avaient installés en n de journée pour les retrouver le lendemain matin. Il connaît aussi les gestes, ces gestes de force, répétés, épuisants, qui ne sauraient être sans le corps mêmes de ces travailleurs, mais dont l’intensité disparaît avec le temps. Ce travail de Sisyphe est précisément le sujet de l’une de ses dernières vidéos.
Cet artiste qui travaille selon les nécessités entre La Crau, Toulon et Marseille, s’intéresse à ces outils de chantier, à ces objets et à ces hommes, dans la continuité de ce qui l’a porté dans l’art, après ses études à l’École supérieure d’art d’Aix-en-Provence : il porte une attention particulière aux appareils et techniques photographiques, aux outils de sa propre activité, jusqu’à en faire une expérimentation matérielle poussée, renouant avec l’histoire des avant-gardes photographiques. On ne peut que songer ici au lien étroit et fort qui lie à partir du XIXe siècle le monde ouvrier et le monde industriel à l’art moderne, et à la place qu’ils tiennent aussi dans l’art contemporain.
Mais ce qui jaillit de ce travail aux formes multiples et contrastées, ce sont les traces des hommes et des femmes qu’il rencontre. Il y a bien sûr ces portraits droits, presque gées, de ces hommes en tenues de travail. Mais derrière ces assemblages d’objets, d’outils, de vêtements de travail, ce sont ces ouvriers qui apparaissent dans leur singularité.
C’est en considérant son travail et ses dimensions humaines que l’ESADTPM a choisi de commanditer à Driss Aroussi un travail photographique pour saisir la mémoire de ce temps extraordinaire de la construction de son nouveau bâtiment, saisir le portrait réaliste ou abstrait de celles et ceux qui ont contribué à élever ce qui est désormais notre lieu de travail. Un juste retour de l’art vers son origine. Une boucle pour remercier celles et ceux qui, par leur travail, leur énergie, leur sueur, ont élevé cette tour comme le symbole de ce que l’homme peut faire collectivement de mieux : offrir un lieu d’éducation et de formation aux générations qui viennent.
La présentation présente du travail réalisé pendant ces quatre dernières années annonce une exposition en 2021 qui sera consacrée à la totalité de la commande publique. Cette première sélection est accompagnée d’une vidéo intitulé Sisyphe montrant le travail physique contre la pierre d’un homme au milieu d’une montagne désertique, une méditation contemporaine sur la vie et le labeur quotidien.
Jean-Marc Avrilla, 2020
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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