Victoire BARBOT 

Victoire Barbot (née en 1988) à Dreux, artiste plasticienne diplômée de l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en 2014. Après ses études, elle continue ses recherches sur différents états possibles d'une même sculpture. Elle élabore des équilibres précaires avec des matériaux collectés qu'elle manipule. Souvent issus de l'industrie en voie de précarité, ils témoignent de la disparition, du temps et de la mémoire. Ses dernières oeuvres réfléchies depuis le prisme du dessin et de la peinture ré-emploient les papiers administratifs d'entreprises pour annoncer et dénoncer une industrie polluante, éclairant l'éco-responsabilité et la lutte face au gouffre. Depuis 2014,Victoire Barbot a participé à de nombreuses expositions en France, à l'international, et particulièrement au Mexique.








Au delà de l'usage de différents médiums, Victoire Barbot explore le pouvoir subjectif d'objets et de matières témoins d'un lieu ou d'une époque, d'un contexte souvent oublié que l'artiste révèle avec fragilité dans son oeuvre.
La sculpture n'agit pas dans la transformation de la matière mais bien par la cohabitation de différents éléments repérés et collectés au préalable. L'envie vient alors de les manipuler, de les disposer en tension, de les déposer en équilibre à tel point que le moindre choc viendrait détruire la construction savamment constituée par l'artiste. Toutefois, aucune place n'est laissée au hasard, les constructions sont planifiées et étudiées puis de nouveau sous la forme d'un dessin reprenant les détails de l'oeuvre mais également chacun de ses états. En effet, chaque sculpture existe sous une forme déployée mais également sous une forme rangée et se présente sous le titre générique de Misensemble. La Misemboite, conceptualisation de l'espace occupé par les différents segments constitutifs du volume, précède la dernière étape du protocole qu'est la Misaplat finale.

Irrésistiblement, l'importance du geste nourrit la création de l'oeuvre, la préparation de la toile pour le peintre se trouve expérimentée dans Grey Paintings [3 panels] 2016, Wall Painting 2017 et El quitasol II 2018. Ces expériences menant l'artiste à utiliser le corps et son échelle comme outil et étalon de mesure, influençant les dimensions de l'oeuvre ou de son accrochage. Ce geste proche de l'acte performatif se prolonge à nouveau dans l'installation de White and red painting 2017 au sein d'un terrain de Squash à Mexico. Le plan du terrain de jeu est synthétisé et réduit : couleurs et formes géométriques sont étirées sur le mur à la façon d'une toile sur un châssis. Par le biais de l'installation in situ, Victoire Barbot met en écho les règles du sport à celles qu'elle impose aux matériaux dans l'espace de monstration.

Depuis peu, l'artiste intègre la notion de série. L'installation Jean, 1 à 68 2018 prolifère dans l'espace par une démultiplication des mêmes matériaux : épis de blé, tubes en cuivre et cartes à jouer, mis en scène selon un plan précis au sol.
Le motif de l'épi de blé est également décliné dans l'oeuvre Jeannette 2018 qui déplace verticalement les éléments sculptés d'un bas relief façonné dans la mousse. La translation des éléments brouille le motif qui devient presqu'illisible mais s'illustre à la façon d'un totem dont l'iconographie nous serait encore inconnue.

L'univers visuel de l'artiste est généralement influencé par ses voyages et lieux de résidence utilisant tant son histoire personnelle que des symboles socio-culturels quotidiens ou populaires à l'instar du parasol coloré repéré dans les rues de Mexico.
Seis Ocho 2018, installation composée de 68 verres porteurs d'un motif devenu abstrait fait allusion à l'histoire tragique de l'année 1968 à México dont la révolte eu pour conséquence la mort de nombreux étudiants. Ce fait fut malheureusement passé sous silence au profit de l'ouverture des Jeux Olympiques et reste aujourd'hui encore un sujet sensible. Le motif reproduit par l'artiste sur chaque verre est issu des dessins utilisés pour annoncer l'événement sportif de 1968. Elle en évacue la représentation humaine, laissant apparaître les structures sportives réduites à une géométrie de formes et de couleurs.

L'oeuvre chez Victoire Barbot se livre donc par allusion et allégorie, elle révèle autant qu'elle dissimule, nous confrontant à la trace résiduelle d'une histoire universelle ou d'un questionnement intime du geste de l'artiste. Le volume dépasse la question de la sculpture, se déploie au sol ou au cimaise et structure l'espace.

Sophie Delhasse