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| À partir de pratiques relevant du dessin assisté par ordinateur, de la sculpture et de l'installation, Alain Domagala travaille en substance les définitions et les qualifications de l'espace. Qu'il soit matière ou esprit, physique ou mental, palpable ou immatériel, objectal ou figuré, concret ou abstrait, l'artiste façonne cet espace dans une dynamique architecturologique fondée sur une double interrogation de l'espace géométrique et de l'espace architectural. En son sein les formes réelles et imaginaires se côtoient, dialoguent, s'éprouvent et se mêlent dans une perspective psychophysique, c'est-à-dire associant le quantifiable au sensible. À l'appui d'une recherche plastique ancrée sur les notions de modèle, d'échelle et d'archétype, indexée sur des objets et des éléments architecturaux, l'exposition Demeures synchrones, au titre équivoque, manifeste une perméabilité, une relation dialogique des espaces au sein d'un territoire étendu, augmenté. La démarche multi-scalaire ici mise en oeuvre permet de se mouvoir dans les représentations et les présentations, de conquérir effectivement les étendues figurées et, réciproquement ou parallèlement, de se projeter dans les volumes et les aménagements comme on le fait dans les images. Si l'artiste puise volontiers dans les formes et les types empruntés au bâti et à l'habitat, qu'ils relèvent de l'immobilier ou du mobilier, il les défait finalement de leur vocation initiale, fonctionnelle et utilitaire, pour révéler plutôt leur potentiel métaphorique et symbolique, ce dont témoignent en premier lieu les intitulés retenus pour désigner les oeuvres. Ce recours est particulièrement emblématique à travers la figure de l'escalier, dont Alain Domagala fait un usage récurrent, presque obsessionnel2. Symbole de la progression, de l'ascension et de la transfiguration, l'escalier matérialise le passage d'un espace à un autre, du dedans au dehors, du bas vers le haut et inversement, sous la forme d'une unité transitoire, non habitable, relayant l'espace mental et la physicalité.
Extrait du texte Demeures synchrones Edouard Monnet et Elsa Roussel 2015
L'ordinateur repensé La sensibilité ou l'intelligence en dessin se manifeste, souvent et simplement, par le temps que passe la main à tenir un crayon ou une plume ou au fait que la mine casse sous l'effort ou que la plume se tarisse d'encre. J'ai eu du mal à me rendre compte que la machine informatique puisse se plier à la rusticité des deux outils précités. J'ai du me forcer à comprendre que c'était l'artiste seul qui transformait, qui transcendait l'instrument fut-il mécanique ou électronique. Qu'il y eut une magie optique comparable au geste de dessiner transcrit, c'est à dire le projeté et le rendu, m'a été porté à l'évidence par les oeuvres d'Alain Domagala. L'artiste peut traduire l'émotion par l'ordinateur parce qu'il lui transmet celle ci et non le contraire puisque c'est lui qui le manipule comme s'il s'agissait d'un crayon. J'ai mis un certain temps à sentir moi même pourquoi j'éprouvais les mêmes sentiments que l'on ressent devant une école siennoise à regarder ces dessins informatiques : culture et influences apparaissent aussi bien que dans un lavis si un artiste sait les laisser voir et comprendre. L'outil moderne répond aux mêmes exigences que l'ancien : il faut l'avoir manipulé souvent pour le rendre docile sans pour autant le rendre facile. Le geste répété d'Hokusaï et de quelques autres ressemble singulièrement à un ordinateur qui n'aurait pas encore été inventé.
Bernard Plasse
Un certain nombre d'artistes aujourd'hui envisage leur proposition en tentant de perturber, d'éclater le clivage entre espace réel d'expérience et espace imaginaire symbolique. Le travail d'Alain Domagala pointe précisément les décalages entre une représentation normative, comme celle de la cartographie ou le dessin scientifique, (un peu désuet dans certains cas) et la transposition imaginaire que tout à chacun peut en faire. Il s'agit bien d'interroger et de fait d'introduire une ambivalence volontaire entre objet, installation, design,maquette, sculpture pour créer des environnements qui sont propices à la mise en circulation de la rencontre entre espace mental et espace concret. Domagala se pose à l'interstice, à la jonction d'un rêve conscient et d'un ancrage au monde réel.
Extrait d'un texte d'Estelle Pagès in catalogue d'exposition Mijares et Domagala sont sur un bateau, Acte, 1999
À en croire Aristote, il y aurait du singe dans le caméléon. Ceci dit, rien à voir avec la génétique, même si cette dernière produit également des ressemblances. Il est sans doute risqué d'en tirer des conclusions et pourtant je m'y emploie. C'est faute de mieux qu'Aristote aurait utilisé l'analogie comme mode de description du Vivant et ainsi crée une nouvelle taxinomie animale. Un esprit raisonnable peut-il admettre l'emploi d'un moyen aussi peu fiable pour établir une vérité? L'ouvrage du Stagirite est sans doute plus qu'une simple méthode pour ranger des tiroirs. L'Histoire des animaux ne participe plus que pour une faible part dans notre vérité scientifique moderne. Elle est sans doute comme de nombreuses consoeurs passées de mode, d'une grande valeur poétique. Chercher des ressemblances entre les choses qui nous entourent est sans doute le premier réflexe que nous ayons pour appréhender le monde et tenter de nous l'expliquer. Est-ce la morphologie même de notre matière cérébrale qui contraint la pensée à fonctionner de cette façon? Il me plaît de le croire. Utilisée pour illustrer quelque article vantant les mérites d'une puce, en nous plaçant d'égal à égal, l'analogie nous fait franchir d'un bond un gratte-ciel. Ces absurdités semblent avoir des vertus pédagogiques indéniables. C'est dans ces conditions que l'analogie m'intéresse. Lorsqu'elle est là pour représenter et induire, avec la logique du langage, des images et des formes plus ou moins absurdes. Mon travail est là, tentant de révéler ou d'établir de nouvelles connexions, de confronter, d'hybrider, de jouer du raccourci pour ainsi faire du familier de l'étrange. L'opération produite, par ces biais, ne fait qu'ajouter une case entre deux préexistantes. Elle fabrique de l'indéterminé. Cette situation intermédiaire me paraît des plus inconfortable pour la pensée mais je m'attache à retrouver une sorte de climat de confiance entre le spectateur et l'aberration qui lui fait face. Dans un premier temps, l'univers du musée, en particulier celui d'Histoire Naturelle était tout indiqué pour accueillir et valider ces monstres. La question de la présentation s'est affirmée au point de les faire disparaître et de laisser la place au mobilier qui les contenait jusque là. Ce dernier n'a jamais été anodin et léger comme devrait l'être celui d'un musée pour marquer l'importance de ce qu'il renferme. La vitrine propose un champ limité pour percevoir ce qu'elle contient, elle n'offre en somme qu'une sorte d'intermédiaire entre l'image de l'objet et l'objet. Il me semble aujourd'hui important de marquer la frontière entre l'image et l'objet, entre l'image que produit le langage et l'objet physique sous lequel elle prend corps. Accentuer le décalage entre l'espace mental et l'espace réel. La question reste celle de la représentation du monde et des interprétations que l'on peut en avoir, mais elle a tout naturellement glissé vers un environnement qui nous est plus proche, celui d'un quotidien, beaucoup plus inquiétant.
Alain Domagala
En géométrie, pour définir un espace, il faut trois points. Une des pièces présentée par Domagala est justement composée de trois éléments fabriqués à l'échelle "un" à partir de cagettes devenues unité de construction: une poubelle, un banc public et un module comprenant un toboggan et une cabane; tous trois posés sur un sol également composé de cagettes. Le décalage entre ce qui est représenté et le matériau utilisé rend la pièce extrêmement troublante: impossible de marcher sur ce sol trop fragile ou d'emprunter ce toboggan qui ne glisse pas ! Comme souvent dans les installations de Domagala, deux espaces entrent en collision et fusionnent : le jardin public et le marché où il a récupéré les cagettes, situé juste devant la maison de résidence. Domagala utilise le parallèle qui s'établit entre le travail des "gens du marché" qui oeuvrent sous ses yeux et son propre travail à l'intérieur de la maison. Cette oeuvre nous parle de jeu de construction, de lieu d'échange, questionne les rapports entre la réalité et l'image que nous en façonnons et réussit le tour de force de concentrer toutes ces notions en une forme concise, intelligible et visuellement appétissante d'autant plus que tout est mis en oeuvre pour nous tenir physiquement à l'écart, dans une distance propre à l'imaginaire.
Extrait de Les ambivalences d'Alain Domagala, texte de Géraldine Basset paru dans TAKTIK en octobre 2000.
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| If we're to believe Aristotle, there's monkey in the chameleon. That said, it has nothing to do with genetics, even though the latter also produces resemblances. It is undoubtedly risky to draw conclusions and yet I give it a go. It's for lack of something better that Aristotle used analogy as a means to describe the living, thus creating a new animal taxonomy. Can a reasonable mind allow the use of such dubious means to establish truth ? Stagirite's work is undoubtedly more than a simple method for organizing one's drawers. Animal history participation in our modern scientific truth is by now insignificant. It is undoubtedly like so many colleagues gone out of fashion, of a great poetic value. Seeking resemblances in the things that surround us is undoubtedly the first reflex we have to not understand the world and attempt to explain it to ourselves. Is it the very morphology of our cerebral matter that limits thought to working in this manner ? I enjoy believing so. Used to illustrate some article boasting the merits of a flea, by placing us on equal ground, the analogy allows us to leap tall buildings in a single bound. These absurdities seem to have undeniable pedagogical virtues. It is under such conditions that the analogy interests me. When it's there to represent and induce, using the logic of language, more or less absurd forms and images. That's where my work resides, trying to reveal or establish new connections, to confront, hybridize, and make use of shortcuts to render the familiar strange. The operation produced, using these means, serves only to add a category between two pre-existent ones. It fabricates indeterminacy. This intermediate situation appears to me as most uncomfortable for thought but I dedicate myself to finding a climate of trust between the spectator and the aberration facing him. Initially, the world of the museum, particularly the Natural History kind, was perfectly designated to host and validate these monsters. The question of presentation affirmed itself to the point of causing them to disappear and granting priority to the furniture used to contain them up until then. The latter has never been anodyne and light the way a museum's should be to mark the importance of that which it contains. The display case proposes a limited field to perceive what it contains. It offers, all in all, only an intermediate between the image of the object and the object. It seems important to me today to mark the frontier between the image and the object, between the image language produces and the physical object through which it is embodied. Accentuate the gap between mental space and real space. The question remains one concerning the representation of the world and the interpretations possible of it, but it has quite naturally slid towards an environment close to us, that of the everyday, much more unsettling.
Alain Domagala
A certain number of artists today envision their proposition by attempting to disturb, to explode the gap between real experiential space and imaginary symbolic space. Alain Domagala's work precisely indicates the shifts between normative representation, as in cartography or scientific drawing, (a bit outdated in some cases) and the imaginary transposition that each and everyone can make of it. It is well indeed a matter of question and therefore introducing a voluntary ambivalence between object, installation, design, model, and sculpture to create environments propitious to the circulation and the meeting between mental space and concrete space. Domagala waits at the interstice, at the junction between a conscious dream and a foothold in the real world.
Excerpt from a text by Estelle Pagès in the exhibition catalog Mijares et Domagala sont sur un bateau, Acte, 1999
In geometry, three points are needed to define a space. One of the pieces presented by Domagala is composed precisely of three elements fabricated "life-size" using fruit crates become building blocks: a waste can, a park bench and a module consisting of a slide and a cabin; all three laid out on a floor also made up of fruit crates. The gap between that represented and the material used renders the piece extremely disturbing: impossible to walk on this too fragile floor or use the slide which doesn't slide ! As is often the case in Domagala's installations, two spaces collide and fuse : the public garden and the marketplace where he gathered the fruit crates, located just opposite the residency. Domagala uses the parallel establishing itself between the work done by the "market people" who open his eyes and his own work at home. This work speaks of a construction game, a place of exchange, questions the relations between reality and the image we fashion of it and accomplishes a tour-de-force by concentrating all these notions in one concise, intelligible, and visually appetizing form, all the more if one considers that everything is done to keep us physically at bay, in a space proper to the imaginary.
Excerpt from Les ambivalences d'Alain Domagala, text by Géraldine Basset appearing in TAKTIK in October 2000.
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Techniques et matériaux
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dessin (ordinateur - manuel) construction (bois - peinture - plâtre - divers matériaux : récupérations) drawing (computer - manual) construction (wood - paint - plaster - various materials : salvaged materials) | |
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Mots Index
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analogies paysages / landscapes design modèle / models sciences ) poésie-ambivalence-polysémie-collage( sciences ) poetry-ambivalence-polysemy-collage( ) stratification ( ) construction-architecture ( ) maquette-échelles ( ) model-scale ( ) représentations ( | |
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champs de références
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Aristote, Histoire des animaux, La Politique
Aristotle, Animal history, Politics
Jorge Luis Borges
Michel Butor, Portrait de l'artiste en jeune singe
Lewis Carroll, Logique sans peine / Logic made easy
Roger Caillois
Leibniz, La monadologie / Monadology
Francis Ponge...
( La vie ) / (Life )
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repères artistiques
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Joseph Beuys Marcel Broodthaers Calzolari Marcel Duchamp Robert Filliou René Magritte Mijares Claude Parmiggiani | |
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