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| Delighted DRAMA
« L'apparaissant aura, pour un moment seulement, donné accès à ce bas-lieu, quelque chose qui évoquerait l'envers ou mieux l'enfer du monde visible .» (1)
Les vidéos de Franck Lesbros sont hétéronomes d'une pratique sculpturale, qui les précèdent : à partir de maquettes composant une unité de lieu se déplie un vocabulaire de micro-formes plastiques au service d'un décor miniature mouvant que la caméra viendra capter par la réalisation d'un dispositif de tournage résolument artisanal. Entres autres roues de rollers, circuits de petits trains, mandarins de perceuses désaxés servant aux travellings avant ou circulaires, l'artiste bricole dans un esprit Home Laboratory et Do It Your Self. L'économie de moyens dont il fait sans cesse usage est corollaire d'un geste plastique et d'une capture vidéographique fondés sur le terrain de l'expérimentation : les images résultantes des diverses manoeuvres qu'il opère en live au sein des maquettes, tel un machiniste, traduisent une attitude heuristique issue de l'expérience processuelle et hasardeuse des enchaînements formels obtenus au gré de ses commandes manuelles. Trafiqueur Low-Fi, investigateur d'actions filmiques, façonneur de matières sonores et plastiques, l'artiste agence des inter-mondes psychophysiques, avec un certain sens du drame. Au croisement d'une esthétique de la catastrophe, du choc et de l'effroi, il bâtit des images mentales issues de la psychologie des profondeurs du cauchemar, des souvenirs-écrans que fomentent les peurs infantiles, vestiges de l'épouvante, demeures enkystées de l'affre, présage du shadow, flashback incontrôlés, hallucinations intempestives, etc. Ces rémanences spasmiques dérivés de l'inconscient collectif se ré-animent par la matérialisation d'un espace plastique se faisant le terrain de jeu de ces diverses manifestations archétypales.
À titre inaugural, la vidéo Voidscape, annonce une grammaire picturale empruntant des codes cinématographiques inhérents à l'expressionnisme allemand et de Georges Méliès. L'image montre progressivement par coupes alternées un déchaînement atmosphérique frappant un paysage naïf. Le déséquilibre des formes, la lumière travaillée en clair obscur, les perspectives altérées, les cuts et ruptures continuelles traités à l'image d'une syncope visuelle, renvoient conjointement à une réalité oblique et distordue, de sorte que le décors devienne directement le topos des méandres internes. Les paysages dystopiques qu'il crée sont toujours des prétextes au plaisir d'injecter des accidents et insérer des matériaux ou de les déformer, en altérer l'intégrité aux fins d'occasionner métamorphoses et épuisements de la matière, comme une perte annonçant l'avant-goût du pire. A cet égard la vidéo : Candy Cane, manifeste sans doute un délice de la décomposition. La ville sucrée, toute droite sortie d'un parfum d'enfance, laisse place à une ruine sirupeuse, un All-over visqueux, une vanité liquéfiée, l'image se substituant peu à peu en une peinture gluante telle une mélasse picturale. L'artiste aime à déplacer les registres propres de la sculpture, peinture et cinéma, en décloisonnant les genres par des séries d'unité de lieu et un ensemble de gestes desquels émergent des phénomènes plastiques apparaissants, à l'instar de The White Cube Sentence. La vidéo ouvre une mise en abyme de l'espace muséal comme générateur de formes, à l'intérieur duquel s'épuise une série de gestes obsédés, soutenus par un son frénétique évoquant les coups d'un maillet de juge comme si l'on assistait à la juridiction de l'activité artistique. L'approche musicale systématique des vidéos, puisant souvent dans les infras basses, quand elle n'est pas réalisée en collaboration avec différents musiciens, participe d'une sensation inconfortable de présence et de poids façonnant des récits de distorsion et d'affolement d'images refoulées hantées par de sourds mugissements. Le bourdonnement visuel se fait alors l'expression d'une conscience intérieure et fait état d'une survivance sauvage d'événements disparus. Les mouvements de la caméra subjective -quand il s'agit d'un seul plan séquence (Radiant crossing, Round Rock Symphony) -les jeux de modulation d'ombres, les chutes d'inserts et ou déplacements de décors, contiennent toujours une présence qui se substitue au corps absent. Les lumières fouillantes comme les animations de portes (Camoscura), les avancées autant que les arrêts de la caméra déroulant de façon somnanbulesque un paysage Dantesque (Radiant crossing, Round Rock Symphony), présagent l'omniprésence d'une âme nocive prête à réactiver nos plus chères angoisses et transformer notre effroi en un plaisir esthétique et existentialiste non dénué d'une pointe de cruauté...
Elsa Roussel
(1) Georges Didi-Huberman,, L'image survivante histoire de l'art et temps des fantômes selon Aby Warburg, 2002
Si la production artistique de Franck Lesbros est essentiellement vidéo, à certains égards pourtant on pourrait dire qu'elle s'approche d'une forme hybride entre l'installation et la sculpture. Ses films prennent pour décors d'ingénieuses maquettes qui telles des marionnettes sont activées durant les tournages. Elles sont les principales protagonistes d'une action « atmosphérique » troublante appuyée par un montage précis. Les volumes s'activent au fur et à mesure de la narration, d'économes effets spéciaux se succèdent, ils composent un univers poétique dont le vocabulaire emprunte directement au langage cinématographique. Quand il parle de son travail, Franck Lesbros concilie Ed Wood et Samuel Beckett, il évoque ses tournages comme des aventures à la fois écrites et empiriques durant lesquels tout ou presque peut arriver, ce qui donne immanquablement à ces vidéos la fraicheur de l'expérimentation.
Guillaume Mansart
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Techniques et matériaux
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Vidéo Installation Bricolage Dessin Papier Colle et ciseaux Eau feu vent et autres éléments incontrôlables | |
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Mots Index
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Image en mouvements Cadre Séquence Montage Cut ou fondu Poësie Regard Trouble | |
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repères artistiques
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Beckett Kafka Surréalisme Malevich Caravage Ucello Huygue Abramovic Wall Crewdson Tarkovski Melies Kubrick Kurosawa etc... | |
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