John DENEUVE 

Artiste multi pluridisciplinaire, John Deneuve, née en 1976, vit et travaille à Marseille.
Elle développe un univers plastique protéiforme, installations, vidéos, objets, peintures et performances. Elle se plait à pointer le non-sens, à introduire le désordre dans des situations organisées du collectif. Elle parodie la plupart du temps les clichés, les néologismes de la communication ou le non sens qui passe par la création de dessins, de situations et de textes généralement mi-distanciés, mi-ironiques.
Son travail questionne l'injonction à la norme.
Elle met en scène le quotidien et le banal en essayant d'ouvrir le champ à une nouvelle compréhension commune, une perspective, une issue où la situation prend alors plusieurs sens. Un processus exutoire face à la complexité de rendre compte de la réalité ou du quotidien, avec la conscience perverse de ne pas pouvoir en rendre compte..
A la frontière de différentes catégories esthétiques, elle explore le code des genres pour ques- tionner les pièges de la pensée unique. Sa pensée évolue en étant à l'écoute des nouvelles définitions du genre, du nouveau féminisme, l'intégration des personnes minorées et des personnes en situation de handicap.
John tente de déconstruire. Elle veut s'affranchir des normes.
Son travail opère par déplacement dans une tentative de désacralisation, ou de sacralisation absurde ce qui revient au même. Le spectateur est invité à trouver une issue à un spectacle qui l'intranquilise et crée un espace désorienté, proche de l'absurde.





Florian Gaité
"Contre-performances. À propos de John Deneuve,
Myriam Omar Awadi et Nicolas Puyjalon.", 2024
Texte produit par le Réseau documents d'artistes, en partenariat avec le Quotidien de l'art


Sous un pseudo qui marque sa résistance à l'identification, John Deneuve agit en anti-héroïne en habits de lycra ou de lumière qui fait d'un escabeau un agrès de fortune qu'elle ne gravit jamais vraiment, ou alors sans grâce, ni souplesse. Désublimées, ses performances donnent à son art, qui ne prétend pas s'élever, l'image d'une gymnastique sans visée orthopédique ou spectaculaire. Expressions d'une « esthétique du handicap », marqueur oublié de la modernité selon Tobin Siebers, elles déconstruisent les représentations idéalisées du corps compétitif et de l'artiste virtuose portées par une énergie franche et volontaire. Sans peur du ridicule, toute en gesticulations, Wonder-John Deneuve a l'attitude comme la vertèbre déplacées, elle signe la revanche des malhabiles qu'on appelle les « bras-cassés ».

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Céline Ghisleri
"PARTY GIRL !", 2017

Dans le travail de John Deneuve tout laisse à penser que la valeur esprit a disparu au profit des objets de la consommation la plus vulgaire, des comportements les plus dénués de sens, voire d'une « idiocratie » généralisée, de ce que Stiegler dénonce souvent comme la « bêtise systémique »... D'ailleurs les oeuvres de John Deneuve qu'elles soient sculptures ou performatives évoquent souvent les arts primitifs et la transe, c'est-à-dire des émanations de nous qui ne relèvent ni de la réflexion ni de l'intellectualisation mais de l'intuition et du lâcher prise, d'une relation directe entre le corps et le monde qui ne passe pas par l'esprit... Pourtant, derrière l'ensemble des formes produites par l'artiste, se cache un regard conscient (politique
et philosophique) de ce monde duquel elle extirpe les objets qu'elle détourne, et qui nous amènent à la conclusion que tout se déglingue...

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Emmanuel Lambion
"John Deneuve", 2013

John Deneuve joue avec les codes et les modes du star system et de la société du spectacle afin de mettre en scène de façon ambiguë, entre parodie et adhésion, son pouvoir de séduction.
Les vecteurs thématiques et opérationnels auxquels elle recourt, souvent dans le hors champ et le rire, mais non sans malaise, sont, de façon récurrente, l'enfance et le sexe.
Son art est un art de collision, un art liminal de dépassement des genres et des barrières convenues. Deneuve nous pose et se pose la question des limites, entre art et non-art, entre bon goût et mauvais goût, entre références codifiées et transgressions assumées. Son art est liminal : toujours sur le fil et à la frontière de différents genres et catégories esthétiques, entre ce que l'on qualifie usuellement d'esthétiquement correct et ce qui ne l'est plus, il est toujours à la limite du basculement.

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Antoine Marchand
"Badly drawn stuffs", extrait de "Parade Nuptiale",
in catalogue John Deneuve, Images en Manoeuvres éditions, 2011

À première vue, les dessins et peintures de John Deneuve paraissent assez décalés et anachroniques, voire pour certains complètement barrés. Tous, par leurs couleurs criardes, leurs formes basiques et les collisions d'éléments hétéroclites qui les constituent, rappellent en tout cas indéniablement les dessins réalisés par nos chères petites têtes blondes. Sortis tout droit de l'imagination de l'artiste, les différents personnages, formes ou situations couchés sur le papier oscillent entre bestiaire hirsute, exercice psychanalytique et nostalgie d'une époque révolue. On peut ainsi croiser un poussin coiffé d'un bonnet phrygien, une poule à trois – quatre ? – becs, des formes colorées sans queue ni tête – d'autres avec queue, mais pas de tête – ou des arbres pourvus de bras, pour ne citer que quelques exemples. Impossible de donner une signification unique à chaque dessin tant ils sont étranges et polymorphes. Quelques éléments récurrents permettent toutefois de lier l'ensemble, comme ces images qui évoquent les clowns de Bernard Buffet, mais aussi des formes qui font écho à l'abstraction lyrique de Wassily Kandinsky ou à l'orphisme cher à Robert Delaunay, et certains éléments géométriques qui rappellent les constructions géodésiques de Richard Buckminster Füller. Toutes ces références se confrontent dans un joyeux bordel et donnent naissance à des scènes pour le moins cocasses. Il serait toutefois malvenu de réduire ces travaux à leur simple aspect formel. En effet, si leur traitement fait clairement référence au monde de l'enfance, John Deneuve cherche par ce biais à dénoncer l'absurdité de nos sociétés contemporaines, qui ne laisse pas de place au doute ou aux atermoiements. À l'inverse, ici, c'est plutôt le règne de l'ambivalence, de la remise en cause et du questionnement permanent. Ce que nous avons devant les yeux ne se révèle pas immédiatement et, insidieusement, le doute finit par s'installer en nous. En projetant volontairement des éléments de l'enfance dans l'espace adulte, l'artiste instaure un climat d'« inquiétante étrangeté », une troublante instabilité. Cette désorientation est véritablement le coeur de son travail, et l'intrusion d'éléments du monde sexuel adulte – langues, formes allongées, voire phalliques... – participe également de cela, tout comme les titres de certaines séries – Parade nuptiale, Contamination par l'objet, Implants mammaires – brouillent les pistes, distordent la réalité et nous plongent dans son univers pour le moins singulier. Ces dessins s'inscrivent par ailleurs dans une démarche plus globale de l'artiste, qui n'hésite pas à user de cette dichotomie enfant/adulte pour transmettre les messages et les idées qu'elle souhaite défendre. On retrouve donc dans ses installations et objets de nombreux éléments liés à l'enfance, tels des jouets transformés, une manière de s'adresser à l'auditeur comme à un enfant et un traitement parfois infantilisant. Quant à son Programme de pré-intégration par le coloriage, il consiste à donner à colorier les logos de l'ANPE, de la CPAM ou de la CAF à des enfants, afin qu'ils puissent se familiariser dès leur plus jeune âge avec les administrations françaises auxquelles ils seront confrontés par la suite. Constat d'échec aussi lucide que déprimant sur les politiques sociales mises en place ces dernières années dans notre pays... En mêlant ainsi deux mondes antinomiques, l'artiste fait sienne les théories de Guy Debord sur le détournement : « L'interférence de deux mondes sentimentaux, la mise en présence de deux expressions indépendantes, dépassent leurs éléments primitifs pour donner une organisation synthétique d'une efficacité supérieure. Tout peut servir » . John Deneuve cherche dans sa pratique à mettre en relation des éléments qui n'ont a priori aucun lien, mais qu'elle manie subtilement pour mieux les pervertir et nous interpeller sur les méfaits de la pensée unique, de l'uniformisation et des pièges de la « société du spectacle ».





Alain Basso
"Le sacre du printemps",
in catalogue Résonance, Biennale d'art contemporain de Lyon, 2007

Il y a comme une inclinaison naturelle dans le travail de John Deneuve à travestir tout ce qui la touche, nous faisant partager la vision d'un monde ambivalent, mais luxuriant et généreux. Ce qui peut surprendre dans un premier temps, c'est l'absence de frein. Telle la nature, présente dans les préoccupations de l'artiste, la création ne peut mettre fin aux appels de son cycle. Pourtant, à travers ces assemblages, chutes de tissus, photos de magazines people, éléments de jeux de sociétés, sortis de tiroirs d'une commode aux mille ans d'enfance, on perçoit le véritable terrain de jeu héritier partiel de l'innocence. Pourrions-nous ne pas reconnaître le parcours miné pour cette partie qui ne se rejoue pas?
Alors, comment faire marche arrière ? ça serait une autre existence si on oubliait les angoisses progressivement ayant envahi l'âge de raison, la mort qui rode de plus en plus près autour des grands parents, la nécessité de fabriquer ses jouets même avec tout ce qui traine dans le salon ou l'atelier, le spectre de la lutte des classes invisible à une famille tant occupée à coudre, assembler, repriser et construire des formes utiles en combinant tissus et matières. Il y a peut-être le don : offrir secrètement ses jeux, son attention et son imaginaire ; être généreux à en oublier sa propre importance.



Techniques et matériaux


Peinture dessin Huile bic sur papier sur toile installation video/ Painting drawing oil, on canvas, on paper installation video
installation / installation
video / video
sons / sounds
Mots Index


non-sens, désordre
couleur, forme, géométrique
enfance, intime, jeu, participation
champs de références / repères artistiques


Joe Hideo McCarthy Jimmie Old Federico
The Michaux Fellini Residents Peel Blaise
Bruce Bourgeois Rouch Haack Blondie
Laurie Dirty Clowes Jacques Katsu Jean
Paul Meek Kenji Maurizio Stevenson Emma
Daniel Yayoi Bastard Tati Cendrars Jean
Misumi Gosha Shintaro Anderson Melted
Henri Louise Paul Durham Ian Cox Renoir
Cattelan Gianni Men Motti Louise Kusama