Josée SICARD 

Originaire d'une famille de la moyenne bourgeoisie de la banlieue parisienne, Josée Sicard étudie les arts à la Sorbonneet plus tard obtient un master à Sciences Po Grenoble. Elevée àMaisons Laffitte, elle s'échappe à 17ans du foyer familial pouraller étudier à Rome. Elle séjournera 17 ans sur la Côte d'Azur oùelle fonda avec Raoul Hebreard le Centre régional d'art présent.Ce séjour fut assurément riche en enseignements qu'elle sut plustard utiliser au mieux, Elle obtient avec son installation vidéo «leGrand Uni-Verse», le premier prix de la deuxième biennale desArts Visuels de l'est du Québec. Cette artiste, en même tempstrès libérale et méthodique, partage sa vie entre la culture etl' art. Elle occupe depuis 1989 des postes de responsabilitésculturelles dans la fonction publique.
En 1994 elle épouse,un 11 septembre, Gilles Teisseire, jeune militant politique, ex galeriste. Ils ont deux enfants Rafaëlle(1993) et Joachim (1994), Après quelques mois d'essais et detâtonnement, elle connut sa première réussite en 1993, avec «Nu descendant l'escalier». En 1993 elle était aux prémicesd'un travail qui l'a obligée, bon gré mal gré, à revoir tous sesschémas de pensée. Elle persuade Gilles, puis ses enfants, sesamis, les membres présents de sa famille et quelques étrangers de travailler pour microbeing. Elle commence un long travaild'enregistrement du réel. Depuis 1995, elle vit une existencepar mobile interposé «microbeing». Elle écrit, dans le n°5 laFabrique: «Mon ambition est de pixeliser ma vie à travers les bitset les trous noirs...». C'est sans doute en 1999 après sa rencontreavec Patrick Faigenbaum qu'elle se détache des conventions etconvenances qui l'encombraient, et accepte son coeur juif, songoût immodéré de l'épique et du sublime.A la vue de ses premières oeuvres les critiques ne l'épargnèrentpas: ils ne reconnurent pas les prémices d'une oeuvre et luireprochèrent ses imperfections techniques, en particulierun manque de netteté qui était pourtant tout a fait délibéré.En 2000 totalement convertie, elle commença égalementune série de portraits réalisés avec peu de recul, sans décor.
Toute sa concentration se porta sur ce qui transpirait autourde microbeing. Au début des années 2001, elle se mit àphotographier, vidéographier des scènes qu'elle reconstituaità partir de l'actualité, de l'histoire de l'art, des disputes etjoies familiales.... En 2003 elle embarqua tout son matériel etaccompagna Pascal Montrouge à Saint Denis de la Réunion oùelle réalisa la fin de chez Lilith.
Ce sont les hasards de sa vie qui irriguent son champs artistique.Microbeing est une activité hantée par le doute qui produit desimages comme des vestiges laissés aux hommes du futur...Microbeing témoigne d'une époque en crise de confiance généralisée où l'on voit fleurir, la religiosité personnelle, associéeau désespoir.
Yayoi Cohen Yokohama le 24/12/2004




Microbeing volume 1,2,3 : 1993- 2003
Une existence par mobile interposé.


J'écrivais, l'été 1995, dans la Fabrique , journal périodique à parution aléatoire, dirigé par Jean Klépal : “depuis trois ans, je privilégie le support visuel pour diffuser et le rapport humain pour communiquer. Fini les abstractions théoriques du début, ce sont les hasards de la vie qui irriguent mon champ artistique. Mon ambition est de pixeliser ma vie à travers les bits et les trous noirs...”
En été 2001 j'écris: “ un jour je me suis réveillée et telle “Une Couleur Tombée du Ciel “ tout étaitdevenu CYBER.. “
J'avais mis 6 ans pour comprendre...

Les tribulations d'une familleen quête d'elle-même !

Microbeing décrie le monde réel mais cette réalité est devenue artificielle. . En 1993 j'étais aux prémices d'un travail qui m'a obligée, bon gré mal gré, à revoir tous mes schémas de pensée.
Dans l'univers Microbeing il n'y a plus de temps clair, la frontière entre vie publique et privée est effacée. Cette perte passe par la langue en premier lieu. Les acteurs de Microbeing s'expriment ou sont utilisés le plus souvent sous couvert d'anonymat et d'avatar.
Mon quotidien est externalisé par stockage et archivage numérique, et mes images restent comme des vestiges laissés aux hommes du futur...
Microbeing témoigne d'une époque en crise de confiance généralisée où l'on voit fleurir, la religiosité personnelle, associée au désespoir.
Walter Benjamin écrivait “Ce que le romantisme partage avec le judaïsme, c'est un regard critique sur le monde « moderne au sens large ; loin d'avoir été délivré par l'avènement du christianisme, ce monde attend encore sa transformation radicale”.
La facilité de communiquer ne conduit pas forcément les hommes et les femmes à mieux se comprendre. La mise en évidence des différences qui les animent peut conduire à plus d'intolérance. Il faut donc agir sur les conditions de cette cohabitation.
Pour comprendre comment les modèles peuvent s'universaliser, il ne suffit pas d'invoquer la force des pressions et contraintes économiques imposées par les marchés, les grandes entreprises et les organisations internationales. Il faut prendre en compte les effets symboliques qui s'appuient sur la paresse, la passivité d'esprit, le scientisme ou le snobisme ou tout simplement le conservatisme.
Dans les images numériques de Microbeing les frontières normales entre le passé, le présent et le futur sont abolies. J'utilise aussi bien les voies de la vérité que celles du mensonge...
Je choisis, le récit contre le discours et elles m'engagent à l'ère de la reproductibilité comme autant de façon de peindre. Je ne suis qu'une conteuse d'histoires qui recycle des « instants donnés » et des micro- histoires de soi. Je prends le pouls de mon époque marquée par la banalisation , par l'obsession du corps, la peur de mourir, la médicalisation, les virus réels et virtuels, la perte du soi, par des expériences déconcertantes comme le clonage.
Le choix de la frontalité est une posture critique, parfois ironique, afin d'obtenir l'adhésion du spectateur et de le pousser à l'attention.
Mes installations vidéo Microbeing accompagnement les images car elles me semblent plus significatives dans la construction de soi que l'image fixe : le monde s'écoute plus qu'il ne se regarde.
Microbeing est une « réalité transitoire » qui veut que le réel n'ait jamais été qu'une succession d'impressions floues, immatérielles, à la frontière des songes et du virtuel.
Microbeing est hanté par le doute, Les images Microbeing sont minimales car la profusion de l'information conduit à la dilution. Elles inventent des “communautés tribus”sans frontière, d'un genre nouveau.
Microbeing joue sur la juxtaposition simultanée du temps réel et du temps différé. l'art de la conversation s'est substitué à l'exposition.
Il s'agit d' une activité d'observation, même si nos voyages se font dans la solitude de notre chambre.
José Sicard




Entretien avec Wilfrid Yayoi-Cohen
WYC: “Cet archivage, cette capitalisation esthétique des données, n'est-elle pas en fait le simple reflet de l'éthique dominante du consumérisme. Il en ressort une production équivoque. Tes mises scène, dénoncent ou montrent elles simplement une réalité qui perd sa matérialité pour incarner une virtualité qui fait office de réel...”
JS : “Mes images transforment la peinture en image peinte, elles ne montrent plus, elles regardent. Elles regardent celui qui les regarde. Elles n'imposent rien, elles proposent un dialogue autre que les langages ordinaires. Elles donnent à voir ce que nous ne voyons pas ou plus.
WYC : Il ne s'agit donc pas seulement de montrer au spectateur les modalités selon lesquelles les stéréotypes agissent, dominent et soumettent, mais aussi mener une critique de la représentation à partir de la différenciation. Elles affirment, à l'heure des nouvelles technologies et du virtuel, la valeur d'usage de l'image comme une façon de regarder le monde et de saisir le réel dans tous ses états.
WJS : Microbeing est mon capital mémoire qui saisit en vol les milliers de morceaux éclatés de ma vie de famille. Elles peuvent surgir de partout et investir tous les supports, papier, écrans, et tous les médias, presse, télévision, Web. Microbeing est devenu en 10 ans, le support idéal de tous mes combats et de toutes mes fictions Les images choisies, suspendent le mouvement et prennent date lorsqu'elles sont exposées.
WYC : Elles se prennent sur un mode immédiat et intime.
JS : Le montage et la sélection des images sont comme un élément magique du quotidien. On ne compte plus les caméras qui nous surveillent et les écrans qui nous rassurent. Il ne s'agit pas de narcissisme mais “la revendication légitime de l'homme d'aujourd'hui de voir son image reproduite” décrite par Walter Benjamin .
WYC : Le corps comme source de conflits, de désirs, de désordres ou d'échanges, entre ordre social et expression de soi. Le corps est devenu le seul médium libre d'échanges sexuels et sociaux, qui même s'il se vend et meurt, ne perd pas son caractère auratique. Le corps habillé ou nu représente une véritable préoccupation...
JS : Je parle d'un monde où les temples bouddhistes sont envahis par Mickey, où les jouets d'enfants ont perdu leur innocence. Aurons nous plusieurs mamelles pour nourrir notre nombreuse progéniture planétaire transgénique ! Resterons nous collés à cette sphère bien ronde, comme les scarabées grouillants. Pourrons nous enfin sortir des cuisines de nos villes pour partager un repas cybergastronomique ou serons nous condamnés à voir le ciel, attablés, à nos téléviseurs.....
Comment allons nous nous affronter, nous séduire, nous provoquer, nous éliminer ou nous parler, l'actuelle crise d'identité que nous traversons est sans doute l'un des versants de la crise de l'altérité qui est le rejet de l'autre.




L'art et la vie sont un éternel combat d'espace-temps à remplir.
Lorsque j'ai commencé ma carrière dans les années 75, penser la diffusion de son travail était aussi important que la production, c'est donc tout naturellement que j'ai fondé un lieu de production et de diffusion géré par et pour des artistes, que nous avons successivement nommé, Groupe de communication, Médiastock, puis le CRAP (Centre Régional Art Présent). Nos partenaires étaient les Espaces d'artistes comme, Calibre 33 is it Art ?, CAIRN, Wonder Product, Mixage, nos lieux d'échanges, Matane, Nuremberg, Paris, Nice, Marseille... Des centaines d'initiatives d'artistes se sont multipliées créant un réseau parallèle. A l'époque je pratiquais la vidéo, la performance, l'installation.
Dans les années 80, les concepts de nomadisme ethnique et culturel, le multimédia, sont venus télescoper la notion téléologique d'avant-garde. En même temps, en dix ans, le circuit de diffusion de l'art contemporain s'est structuré à partir des écoles d'art, des FRAC, des centres d'art, alors que le marché s'effondrait entraînant la fermeture de nombreuses galeries de Province.
Vers 1990 l'apparition et la vulgarisation des technologies de la communication, ont remis en jeu la notion de diffusion de l'art. Quel est la valeur de l'art dans la "mondialisation-fragmentée" de la marchandises et de l'information. Y a-t-il une continuité esthétique ou une rupture épistémologique dans ce cyberespace. Révolution ou évolution et si nous n'avions plus le choix !!!
Depuis 1994, je pixelise des moments de vie quotidienne ...
Josée Sicard, 2001
Art and life are an eternal space-time combat to occupy. When I began my career around 1975, conceiving the distribution of one's work was as important as the porduction. It was thus natural for me to found a production and distribution studio managed by and for artists, which we successively named Groupe de communication, Médiastock, then the CRAP (Centre Régional Art Présent). Are partners were artist run spaces such as Calibre 33 is it Art ?, CAIRN, Wonder Product, Mixage, place with which we exchanged, Matane, Nuremberg, Paris, Nice, Marseille... Hundreds of artists' initiatives came about createing a parallel network. At the time I did video, performance, and installation. In the 80's concepts of ethnic and cultural nomadism, and multimedia, came to magnified the teleological notion of the avant-garde. At the same time, in ten years, contemporary art's distribution circuit structured itself starting form the art schools, FRACs, art centres, while the market collapsed, entailing the closing of countless galleries in the Provinces. Around 1990 the appearance and the vulgarization of communication technologies, reactivated the notion of art distribution. What is art's value in in "fragmented-globalization" of merchandise and information? Is there an esthetic continuity or ab epistemological rupture in this cyberspace. Revolution or evolution as if we had the choice !!!
Since 1994 I pixelize moments from daily life...
Josée Sicard, 2001

Techniques et matériaux


le numérique (photo et vidéo) / digital (photo and video)
Mots Index


image / image
temps / time
messianisme / messianism
vie quotidienne / daily life
champs de références


Walter Benjamin
Georges Didi Hubermann
Marcel Proust
Albert Cohen
repères artistiques


Cyberespace
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Cindy Sherman
Patrick Faigenbaum
Nan Goldin
Matthew Barney
Wim Delvoye
Jan Fabre