Article (FR)
Besoins vs. Désirs
Daphné Albert, La Strada, 2020
Claire Migraine, commissaire de l'exposition Welcome to a land of needs & desires, et les trois artistes invité.e.s proposant, à St Paul, un voyage entre réel et fantasme révélant, avec une subtile ironie, notre monde sauvage où s'affrontent la nécessité du besoin et la superficialité des désirs... Un monde où l'immédiateté et les apparences sont le reflet d'une vacuité existentielle et sociale. C'est ainsi que le contrepoint est donné : les artistes, à contre-courant des images faciles, inscrivent leurs recherches dans une démarche esthétique réflexive, sensible et poétique, et portent un regard croisé sur leur rapport à l'histoire de l'art, le contexte de diffusion et de réception des œuvres. Leurs pratiques artistiques investissent un large champ de médiums – sculpture, peinture, collage, installation, performance – et se rassemblent ici autour des concepts d'ironie et d'ébranlement des hiérarchies. Les œuvres de Karim Gheloussi évoquent l'actualité géopolitique nationale et internationale, avec en filigrane la référence aux 'no man's land', ces cités industrielles et paupérisées...Une peinture aux allures de graff, aux couleurs du drapeau français et sur laquelle est inscrit 'Fils de rien', n'est pas sans rappeler le épris affiché des dirigeants vis-à-vis des classes populaires. L'artiste exhume les rebuts de la société industrielle pour recomposer autant de paysages mentaux qui interpellent sur le sens et le non-sens de notre modernité. Hazel Ann Watling a intitulé l'une des séries de peinture D'pak & Oprah, du titre d'une série américaine qui réduit la notion de désir au divertissement, au kitsch, en mode acidulé et mièvre, pop et paillettes... Se réappropriant les images numériques et les transposant sur la toile, l'artiste redonne une densité temporelle à des fragments du réel. S'instaure alors un trouble entre émerveillement et fascination. Sa peinture, dans la veine du mouvement Color-Field painting, absorbe le réel pour mieux le transcender, le recomposer. Enfin, Romain Gandolfe a imaginé un parcours sonore dans les jardins de La Vague. L'artiste propose un scénario original, entre ekphrasis (description précise et détaillée) et réalité augmentée, un jeu perceptif inédit est alors initié. Les lignes de faille et les interstices entre réel et imaginaire se révèlent, et deviennent alors comme autant de promesses, oscillant entre enchantement illusoire, utopie et dystopies contemporaines... |