João VILHENA 

J’ai amorcé cette année une série de tableaux qui met en scène des figures de petites filles posant avec leur chien. Ces images à l’esthétique surannée proviennent de vieilles cartes postales des années 60. Je suppose que ce qui m’a intéressé dans ces clichés était le lien amoureux que l’on pouvait imaginer entre les deux personnages. Dans les peintures qui en sont nées, j’ai repris un certain nombre d’éléments appartenant au vocabulaire que j’ai mis en place depuis quelques années. La différence essentielle avec les travaux précédents est que, cette fois-ci, j’essaie de faire face à la peinture (un peu comme si je prenais le taureau par les cornes). Cette posture frontale à la toile n’est pas envisagée sans ironie si l’on considère que toutes les figures qui s’y trouvent sont légèrement anamorphosées induisant de la sorte une certaine obliquité du regard.
La figure du chien m’a intéressé pour plusieurs raisons : d’abord parce c’est un symbole de la fidélité dans la peinture classique, mais aussi parce que le caractère anxieux de l’animal en fait un avatar de la bile noire chez les anciens (cf. Patrick Dandrey, Anthologie de l’humeur noire, écrits sur la mélancolie d’Hippocrate à l’Encyclopédie, éd. Gallimard, 2005). On parle du chien comme de la créature la plus proche de l’Homme. On en parle aussi comme d’un être intelligent. On vente encore sa capacité à comprendre et à se faire comprendre tout en n’ayant pas le don de la parole. Dans ces travaux, j’essaie de faire du chien le symbole de la peinture même dans le rapport imaginaire que j’édifie entre langage canin et langage pictural.
Les petites filles, j’ai essayé de les traiter à la façon d’un Bouguereau ou d’un Millais (peintres pompiers du XIXe). Bien sûr, le résultat est plutôt raté, mais cela m’a permis de m’approcher d’un rendu de peau assez marbré et bleuté qui renvoie ces fillettes à un entre deux… J’ai essayé d’ailleurs de ne pas leur donner d’âge. Elles ont des traits de caractère à la fois d’enfant, de femme et de femme âgée à travers leurs vêtements, leur coiffure, la couleur de leurs cheveux.
Si cette série portait un nom, elle pourrait s’appeler « peinture habile ». Il s’agit ici, pour moi, de continuer à explorer la question de la mélancolie. Bien entendu, mon but n’est pas de faire une peinture « noire » mais, plus précisément, d’essayer de mettre en marche les mécanismes atrabilaires de la représentation.
JV

This new series, Peinture Habile [literally 'skillful painting' and also a French play on words meaning 'bilious painting'], incorporates some elements of the language that I have been developing over the past few years. The main difference between this and my previous work is that I have tried to confront painting (a bit like taking the bull by the horns). This frontal approach to the painting is not without irony, as the figures that are featured are anamorphosed and appear obliquely. It all started with a small collection of 1960's postcards that I bought in a charity shop which featured little girls with their dogs. What I found most interesting in those pictures was the emotional bond that one can imagine between the characters. On the theme of the dog: while classical painting depicts the dog as a symbol of loyalty, and while the Ancient Greeks considered it to be an incarnation of black bile because of its anxious nature, for me the dog symbolises painting itself. Indeed, dogs are considered the closest animal to man, capable of human behaviour and with similarities in appearance. Dogs are thought to be intelligent and to have the capacity to understand and to make themselves understood even without the faculty of speech. All this brought me to think that canine language is pictorial, as is the essence of the dog. As for the little girls, I tried to paint them in the style of Bouguereau or Millais (19th century academic artists). The result is less accomplished but the process enabled me to come near a rendering of the skin as rather marbled and bluish, which makes them look ageless: they have features of little girls, women and old women at the same time.
My aim is to carry on exploring the theme of melancholy. However, rather than producing dark paintings with skulls, I wanted, more precisely, to set in motion the atrabilious mechanisms of representation.
JV

Vue de l’exposition Fidalgo !, Maison Abandonnée - Villa Cameline, Nice, avril-mai 2009

Peinture habile 2009
Huile, acrylique et teinte spectro Zolpachrome glycéro sur toile à matelas, 150 x 110,5 cm

Peinture habile 2009
Huile, acrylique et minium de plomb sur toile à matelas, 125 x 116 cm
Collection privée

Peinture habile 2009
Huile, acrylique et minium de plomb et minium gris sur toile à matelas, 135 x 112 cm

Prestissimo 2008
Huile, acrylique et minium de plomb sur toile, 200 x 200 cm
Collection privée
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