Figures de l'absence, un projet de Marie Cantos
L’Inconnue de la Seine, un songe, La Tôlerie, Clermont-Ferrand, 2016
Avec Estèla Alliaud, Benjamin L. Aman, Guillaume Constantin,
Laurence De Leersnyder, Sophie Dubosc, Agnes Geoffray,
Karolina Krasouli, Arnaud Vasseux
Commissaire : Marie Cantos
L’année dernière, dans Réparer, à l’endroit de l’accroc, le tissu du temps, Arnaud Vasseux tirait déjà quelques fils possibles dans la réflexion sur le mythe de l’Inconnue de la Seine, en produisant des œuvres avec les Fontaines Pétrifiantes de Saint-Nectaire, que les Auvergnats connaissent bien. Dans cette entreprise bicentenaire, on exploite un phénomène de calcification fascinant : objets et moules y sont placés dans de grands escaliers sur lesquels ruisselle en continu une eau chargée en calcite qui va peu à peu les « pétrifier ». Comme le fleuve parisien a, quelque part, figé les traits de la mystérieuse noyée...
Pour ce second volet du diptyque d’expositions, l’artiste a, cette fois-ci, collaboré avec le légendaire atelier Lorenzi, fondé en 1871 et dont il est régulièrement fait mention dans la littérature. Aujourd’hui sis en banlieue parisienne, l’atelier continue de fournir moulages et statues à des musées, des collectivités ou des particuliers. Et surtout : il continue d’éditer en nombre le masque de l’Inconnue, pour la France et l’étranger ! Accueilli en son sein, Arnaud Vasseux a pu y travailler directement sur le tirage original à partir duquel sont réalisés les moules (qui, s’émoussant avec le temps, sont régulièrement refaits). Il a ainsi pris l’empreinte de ce visage, fragment par fragment, dans un geste paradoxal : mouler un portrait en creux et, qui plus est, éclaté comme un reflet dans un miroir brisé. De Séléné à l’Inconnue présente ces fragments dans une caisse en bois. Directement posée au sol, elle se donne simplement comme une boîte de transport. Presque en attente de quelque chose. Dans le même temps, la vitrine, ainsi que les mousses disposées sur le fond, veillent à la protection des petites pièces de plâtre qui n’en paraissent, dès lors, que plus fragiles. Le dispositif évoque doucement la collection auquel renvoie immanquablement le moulage (musées, gypsothèques, écoles des beaux-arts, etc.) ; de même que la référence à Séléné, déesse de la Lune dans la mythologie grecque, inscrit le sujet dans toute une généalogie de figures féminines, perdues dans les voiles ou les flots. Dans l’exposition, d’ailleurs, une Encre flottante (2014) réalisée selon le principe du suminagashi japonais, comme un autre portrait – abstrait – non pas d’un seul mais de plusieurs corps flottants, au sens physicochimique.
Enfin, Forme perdue (2013), qui enferme, dans sa simplicité minimale, le creux informe de quelque chose qui a été, a servi de forme à cette contre-forme, puis a disparu – ou pas : on pense à la phrase de Fédida…
Marie Cantos |
Vue d’atelier : détail à l’atelier Lorenzi, février 2016
Plâtre et filasse
Production : la Tôlerie |
Vue de l’exposition L’Inconnue de la Seine, un songe, La Tôlerie, Clermont-Ferrand, 2016
Au premier plan : Guillaume Constantin |
De Séléné à l’Inconnue 2016
Plâtre et filasse, 50 éléments
Production : la Tôlerie avec le soutien de l’Atelier Lorenzi (Paris) |
Sans titre (Encre flottante) 2014
Peinture à l’huile, ink jet paper, 30 x 24 cm
Forme perdue 2013
Résine acrylique, colorant, 14,5 x 10 x 12,5 (h) cm |