Arnaud VASSEUX 

Vue de l'exposition Faire et défaire
Julien Dubuisson et Arnaud Vasseux
BILD (bureau d’implantation des lignes digne), Digne-les-bains, 2016
Exposition réalisée par le BILD (bureau d’implantation des lignes digne) en partenariat avec le Fonds régional d’art contemporain Provence-Alpes-Côte d’Azur
 
Sans titre (BILD, Digne) 2015
4 éléments sur bandes transporteuses usagées
Caoutchouc armé, béton et plâtre allégés, 593 x 600 x 40 cm pour l'ensemble
- plâtre, cellulose, billes de verre expansé, 135 x 42 x 8 cm
- plâtre, cellulose, billes de verre expansé, 207 x 53 x 8 cm
- béton teinté, fibre de verre coupée, billes de verre expansé, 82 x 82 x 13,5 cm
- béton, fibre de verre coupée, billes de verre expansé, 98 x 70 x 15 cm

Vues de l'exposition Faire et défaire
Julien Dubuisson et Arnaud Vasseux
BILD (bureau d’implantation des lignes digne), Digne-les-bains, 2016
Exposition réalisée par le BILD (bureau d’implantation des lignes digne) en partenariat avec le Fonds régional d’art contemporain Provence-Alpes-Côte d’Azur
Courtesy galerie White Project

Voir aussi http://idbl.fr/bild/archives-2015-2016/


Faire et défaire
Il est de coutume de manière un peu manichéenne de classer les productions artistiques selon deux grandes catégories: les productions dites conceptuelles et celles qui relèveraient d’une approche sensible et intuitive autrement dit dans un cas, des productions dont les objets produits ne seraient que la résultante « objective » de l’idée qui les prédéterminerait et dans le second cas des productions où l’expérience du faire la déterminerait en grande partie.
Pour paraphraser Claude Simon : « des productions dont le sens serait passé d’un côté à l’autre de l’action de création, la précédant dans un premier temps, la suscitant pour en fin en résulter, action qui va donc plus exprimer du sens mais en produire» ce que Paul Valéry définissait ainsi : « je n’ai pas voulu dire mais faire et c’est l’intention de faire qui a voulu ce que j’ai dit ».
Autrement dit l’éternelle opposition entre la théorie et la pratique ou plus exactement entre la spéculation et les applications, l’une discursive (dans et par le langage) et l’autre sans discours, soit une opposition non pas entre deux savoirs hiérarchisés, l’un spéculatif et l’autre lié aux particularités, mais opposant les pratiques articulées par le discours et celles qui ne le sont pas encore.
Cette séparation, qui remonte au 16e siècle, est consécutive de l’idée de méthode qui a progressivement bouleversé les relations du connaître et du faire, réorganisé les manières de penser en manières de faire, autrement dit en geste rationnel de production. Dans la réalité les choses sont autrement plus complexes, ou comme l’énonçait Emmanuel Kant : « quand la théorie marche encore peu en pratique, ce n’est pas la faute à la théorie, c’est qu’il n’y a pas assez de théorie qu’on devrait avoir appris par la pratique».
Kant afin d’illustrer son propos évoquera la figure des danseurs de corde « danser sur une corde, c’est à chaque moment maintenir un équilibre en le recréant à chaque pas, grâce à de nouvelles interventions, c’est conserver un rapport qui n’est jamais acquis et qu’une incessante intervention renouvelle en ayant l’air de le garder ». L’art de faire est ici admirablement défini d’autant plus qu’en effet le pratiquant lui-même fait partie de cet équilibre qu’il modifie sans le compromettre par sa capacité de faire un ensemble nouveau à partir d’un accord préexistant et de maintenir un rapport formel malgré la variation des éléments, la création artistique participe également de cet équilibre et de ses savoir-faire, soit une inventivité incessante d’un goût dans une expérience pratique et un équilibre qui noue ensemble une liberté (morale) une création (esthétique) et un acte (pratique).
En effet, quelle que soit la nature des productions, il y a toujours des intentions qui prévalent à leur réalisation, même le fait de ne pas avoir d’intention est en soi une intention, comme il est tout aussi vrai que le faire de par son aventure et ses vicissitudes modifie nécessairement les intentions initiales et leur surajoute une plus-value esthétique, formelle, sensible, poétique voire conceptuelle. Durkheim dira en substance que l’art ne peut s’acquérir qu’en se mettant en rapport avec les choses sur lesquelles doit s’exercer l’action et en l’exerçant soi-même et il ajoute que «l’art est nécessairement éclairé par la réflexion, mais que la réflexion ne peut en être l’élément essentiel, puisqu’il peut exister sans elle et qu’il n’existe pas un seul art où tout soit réfléchi». Le travail d’Arnaud Vasseux et de Julien Dubuisson de manière très différente joue de cette tension.
Texte de Laurent Charbonnier
 
 
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