Elvia TEOTSKI 

Une cosmologie entropique
Elvia Téotski fouille la matériologie organique. Les substances qu’elle travaille, le sucre, le papier azyme, l’agar-agar, la gélatine, oscillent entre le vivant de leur origine et une apparence synthétique. Ce sont des matières dont on tire, industriellement, des utilisations culinaires, et que tout un chacun a absorbées un jour. Parce qu’elles sont organiques, elles sont particulièrement sensibles aux changements atmosphériques, ce qui leur confère à la fois une certaine plasticité (on peut les mouler, les sculpter) et une fragilité extrême dans les cas où les conditions de température et d’hygrométrie deviennent incertaines. En cela, ces matières ont un rapport à la fois formel et conceptuel avec notre corps.
Issue d’os, la gélatine ressemble à de petites grilles de matière plastique transparente que l’artiste dresse, entre autres, en ballons brillants devenant cassants ou s’affaissant. L’agar-agar est un gélifiant végétal tiré d’une algue. Largement employé dans les desserts, il se présente en poudre qui gélifie à 40° et se dissout dans l’eau à 85°. Autrement dit, cette substance se métamorphose chimiquement dans un registre atmosphérique étroit. Dans l’installation Hauteurs limitées, par exemple, la matière a été chauffée, moulée en « tomes », les plus hautes possibles jusqu’au vacillement, dénonçant ainsi avec humour les limites physiques de l’ambition dominatrice. Ces tomes, déterminant leur aura spatiale en séchant, captent des bactéries qui les convertissent en cultures microbiennes, et forment bientôt une cosmogonie excrémentielle. Elles s’installent dans une entropie (notre avenir?) perceptible à l’œil nu, dans un retour aux bactéries et à la minéralité.

Sylvie Coëllier, 2015

An Entropic Cosmology
Elvia Teotski is an archaeologist of organic materiology. The substances she works with – sugar, wafer paper, agar-agar, gelatin – fluctuate between the living matter of their origins and a synthetic look. These are substances which industry turns into cooking products and which we have all ingested at one time or another. Being organic, they are particularly sensitive to changes in the weather: this endows them with a certain plasticity – they can be moulded and sculpted – as well as extreme fragility when temperature and humidity conditions get tricky. In this respect they have a relationship both formal and conceptual with our bodies.
A by-product of bones, gelatin looks like little grids of plastic which Teotski turns into, among other things, gleaming balloons that pop or deflate. Agar-agar is a vegetal thickener made from algae. Extensively used in desserts, it initially comes as a powder which gels at 40° and dissolves in water at 85°. In other words this substance changes chemically within a narrow temperature range. For the installation Spleen microbien agar-agar was heated and moulded into solid vertical cylinders that were made as high as possible until they started to wobble, in a witty put-down of the urge to physical dominance. As they dry out the cylinders change their spatial aura and attract bacteria which turn them into microbial cultures and, soon, an excremental cosmogony. The result is an entropic state – our future ? – visible to the naked eye: a return to bacteria and minerality.
Sylvie Coëllier

 
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