Josée SICARD 

Microbeing 1997-99
Extrait vidéo

Les années roses

Un 11 février 1997, elle a organisé son premier corso du Mimosa, Christophe qu’elle a connu adolescent accepte de dessiner les chars. Une troupe locale est chargée d’organiser un bal costumé pour les enfants de la ville. Sophie propose à Rafaelle une robe de princesse, elles vont choisir la couleur, elle préconise le rose. Rafaelle détestera le rose toute son enfance.
Ce week-end de mars a été très créatif. Sa mère vient enfin de lui envoyer le livre de Jeff Wall chez Phaidon. Rafaelle a fait le Saut de l’ange sur un air d’opéra baroque. Renée lui a offert un académique de danse bleu. Elle invente la danse des papiers comme un « Sudden Gust of Wind (after Hokusaï) 1983 Transparency in lightbox ». Fucky leur phoque blanc vient d’être propulsé à plus de deux mètres, il se rassure en reniflant le fauteuil de plastique rouge. Cette année 1997 va être très productive. La famille est prospère et heureuse. Failure est un des bons moments de microbeing. La pub d’Orangina sur un air de bouzouki fait tourner Rafaelle sur son vélo suivi de Joachim. Pour la première fois, ils évoquent la possibilité d’aller en Israël. Christian et Catherine sont venus les voir avec Thierry chez Raoul et Sophie. Ils arrivent sur un air de jazz dans leur Saab décapotable noire, Thierry fume un havane. Il a trouvé du boulot chez Jean Paul Goude. En juin, au marché, Rafaelle fait tourner la robe que Yaya lui a achetée à Saint-Tropez chez Sonia Rykiel Baby et se retrouve sur les fesses. Elle a une passion immodérée pour la petite danseuse de Degas. Elle a reçu dans sa boîte aux lettres une invitation pour une vente aux enchères. Un bronze est en vente. Gilles est d’accord ils revendront la voiture. Elle arrive dans le hall, elle tient la main de Rafaelle très fort, trop fort, elle se tortille et s’échappe. Elle prend Joachim dans ses bras, elle la laisse s’éloigner. Elle fait le tour, rien, elle s’avance vers les commissaires. Ils sont désolés, mais la vente aura lieu à Monaco, le week-end prochain. Rafaelle pleure dans le hall, elle est perdue, une dame qui travaille à la perception la ramène et lui lance : « je croyais que vous n’aimiez que l’art contemporain »...
C’est Noël, Sophie a fait une autre robe de princesse, Rafaelle a choisi la couleur, bleu. Grand Mamie est là, elle ne veut plus passer Noël chez sa fille, elle est trop fatiguée. En fait, Madeleine ne supporte plus l’ambiance depuis qu’ils invitent l’autre Madeleine. Elle sait qu’elle est un peu triste, mais Gilles est son petit fils préféré. Elle aime cette femme simple, elle ne sait rien, mais comprend tout. Elle aime sa présence chez eux, avec elle c’est vraiment Noël. Ils improvisent un petit train pour la faire rire. Pour le Premier de l’an, Gabriel joue un air d’harmonica, Alain se moque de sa première galette blanche au tlé, parsemée de perles de sucre doré et ornée d’un minuscule ruban noir.
Gilles lui achète un manteau de Cruella d’Enfer qui fait peur aux enfants.
En juin 1998, les gémeaux s’associent pour célébrer les 40 ans d’Isabelle et les 50 ans de Raoul, toute la bande est là au grand complet, on dirait une fête de famille. Léopold prend des photos des enfants jouant avec les cartons, elle sera publiée plus tard dans un livre sur la villa Noailles.
L’année est chargée avec la construction du Centre Culturel. Voilà Noël, Joachim trouve qu’il y a « des tonnes de cadeaux », il reçoit son premier ordinateur un Apple vert. Depuis l’âge de deux ans, il joue avec son ami virtuel qui ne le trahit jamais. Il sonne le choffar pour attirer l’attention, cela ne suffira pas, Grand mamie meurt en janvier 1999 d’un infarctus massif. Rafaelle reçoit une troisième robe de princesse jaune d’or. Le 14 février 1999, elle organise probablement le plus beau corso du Mimosa avec le Centre National des Arts de la Rue. Un ex-ministre de la Culture et voisin vient la féliciter, elle sent pourtant que les affaires se compliquent... L’année est très prolixe en séances microbeing, les enfants commencent à participer, cette activité fait partie de leur quotidien maintenant, ils la réclament. Rafaelle a remis sa tenue d’Ange Noir(e) mais inspirée par Lars Van Trier c’est un démon qu’elle interprète. C’est une période très rire et très active, malgré les orages qui s’annoncent. Joachim a cinq ans, il refuse d’apprendre à lire parce qu’il ne veut pas grandir. Elle les inscrit au violon. Gilles a démissionné de son poste de directeur de la communication. Jean et elle ont été attaqués dans la PQR par le Front à propos d’une exposition d’art contemporain... Elle sait qu’il leur faudra désormais ne compter que sur eux, un goût d’exil lui revient dans la bouche.
Depuis qu’ils ont déménagé rue Félix Martin, Patricia, Alain et leur fils Thomas, leurs voisins sont rentrés dans leur vie. C’est la première fois qu’elle a une amie sur son palier, ils organisent une vie de tribu avec ses rites et convenances. Rafaelle, Joachim et Thomas s’inventent une tradition mosaïque très drôle. En mai petit saut dans la Nièvre, son beau père reçoit la Légion d’Honneur. Elles ont fait avec Sylvie, une commande photographique à Patrick [1]. Il séjournera plusieurs fois chez eux durant ces deux années, elle connaîtra sa femme, sa mère, et cherchera des noms pour son fils, il adoptera finalement Raphaël. Patrick l’a définitivement remise en confiance avec son travail. C’est une jeune maghrébine qui fera la couverture du Monde en 2000. « j’aime ma tribu ».
Le docteur R... lui apprend à comprendre son petit garçon à l’intelligence précoce.
Elle lui chuchote à l’oreille que tous les secrets du monde sont dans les livres. Cet été, son fils demande à Sophie de lui construire une kippa avec une hélice. Il sera « juif à moitié », lui dit-il, mais c’était sans compter avec sa romaine de soeur.
Durant l’été 99, microbeing dépasse le cadre familial, la séance Conversations et l’apparition des grands tirages numériques lui permettent de retrouver les murs des galeries. Cette série est restée comme une oeuvre fétiche dans sa production. Le miracle des gestes, leur justesse, la rapproche des grandes peintures de la Renaissance. 6 ans pour en arriver là. Elle souffle. Sophie commence à cette époque son chemin à travers le vêtement, le tissu, la double peau, celle qui nous montre ou qui nous cache. Il lui faudra aussi ce temps... Les enfants lui servent de garde du corps, ils sont devenus des « pros » de l’image. Jamais ils ne se laissent surprendre. Ils vont inventer un sophistiqué-naturel. Elle sait désormais que microbeing se fait avec eux. Gilles démarre sa carrière politique.
L’année s’achève, ils savent que tout va basculer. La famille tient bon malgré les menaces, les humiliations. Les amis sont impuissants. Un seul se dresse, André, il sera son avocat. Son frère revient dans sa vie avec sa famille. Elle est heureuse. Elle a obtenu une formation à Science Po Grenoble. Elle va s’anesthésier deux ans... La réalité s’efface... En cette fin d’année 1999, Microbeing et Rafaelle ont 6 ans, Joachim 5, Gilles 38 et elle en a 45. Elle part en stage au Canada.
Yayoi Cohen, Paris le 22/12/1999...


1. C’est sans doute en 1999 après sa rencontre avec Patrick Faigenbaum qu’elle se détache des conventions et convenances qui l’encombraient, et accepte son coeur juif, son goût immodéré de l’épique et du sublime.

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Microbeing, repères

Microbeing existe désormais sous  la forme de deux bandes de 90 minutes en vidéo 8, montrées en 1996 lors de l’opération, Horizons Extérieurs, à Toulon. Ce sont les premières tentatives microbeing. Daniel Fariolli, apprécie et me dit « c’est courageux, mais pas facile »...
En 1998 je réalise une vidéo « L’ange » sur une musique de Jean Michel, qui sera diffusée à la Galerie Macé à Cannes. En 1999 pour la première fois lors de l’exposition « Crédit photo » à la Maison des Comoni, je montre la série « Conversations ».
Cette même année, je commence le montage du film de Patrick lors de sa commande « Saint-Raphaël, première et deuxième visites 1998-2000 ».