Laurent SEPTIER 

Des objets du monde 1986-2006
123 photographies noir et blanc argentiques, 60 x 60 cm

Su Shi – Su Dongpo – (1036-1101) disait : « Le vulgaire sait que l’homme possède l’esprit, mais il ignore que les choses le possèdent, elles aussi. » (Cité par Nicole Vandier-Nicolas in Esthétique et Peinture de Paysage en Chine, Klincksieck, Paris, 1982).
D'une autre manière, William Eggleston expliquait, alors qu'on lui faisait remarquer le peu de présence humaine dans ses images : « Les objets dans les photos sont naturellement pleins de la présence de l'homme ».
J'ai photographié en Chine plus de vingt ans en me laissant porter, ne cherchant rien et surtout pas un « sujet » dont j'aurais « témoigné ». Je n'ai pas cherché à éviter les hommes mais j'ai trouvé que le plus important se montre dans des choses peu visibles, des situations indécises, loin de l'idée qu'on a de la photographie : un os qu'on rejette, des poissons qui sèchent, un mur trop blanc, de l'eau qui coule, une montagne mal coiffée, un wagon inoccupé, des paniers à la vapeur fumants, une pince à linge, une table encombrée de plats, c’est la Chine que je donne à voir, celle-là même que je reçois.

Et autant qu’une histoire de Chine, c’est une histoire de photographies, de rencontres donc : cet « esprit des choses » dont parlait Su Shi, apparaît alors et nous touche, simplement – il fut une époque où l'on parlait à ce sujet d'épiphanie. Ce mot est juste dans l'idée, mais sa connotation religieuse me gêne un peu, pourtant c'est bien de cela qu'il s'agit : des choses qui apparaissent.

 
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