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Stables et branlantes à la fois, les sculptures de Lionel Scoccimaro, jeune artiste marseillais, n'en sont pas à une contradiction près. Leurs courbes parfaites et mastoques, fines et rondouillardes en font certes des objets de désir, puisqu'aussi bien elles sont la réplique inexacte et agrandie de la silhouette bien connu de jouets un peu vieillots : un culbutot mêlé à une quille. Mais cette drôle d'attraction, qu'elles exercent, un peu foraine, un peu régressive, vire autrement plus pop et plus méchamment raccoleuse dès lors que leurs couleurs sautent aux yeux. Directement empruntées à la palette des customs, du surf ou du rock, entre autres sections de la sous-culture américaine, ces jaunes brillantissimes, ces rouges flashants ou ces verts pomme teintent les vrais-faux culbuto d'un ton plus grinçant.
Voilà la nature particulière de cette oeuvre : hybride, elle hésite entre des univers ultravoyants, suragités et radicaux, ceux des sports ou des musiques undergrounds, volontiers contestaires des normes politiques et sociales établies, mais basule aussi en même temps dans d'autres histoires : douces et enfantines et plus encore esthétiques et plastique. Leur aspect lisse et brillant, résultat d'une peinture au pistolet et à l'aéro graphe, les ancre forcément du côté de la sculpture minimale, de celle qui soignant la surface plutôt que la profondeur, ôte à l'oeuvre tout geste par trop expressif ou toute épaisseur matiériste. De fait ici, aucun accroc ne vient hérisser le résine de pollyester dans laquelle elles sont soigneusement moulées.
Or, ce qu'on pouvait prendre pour un avatar contemporain du minimalisme n'en est pas un : un bruit peut émaner de l'intérieur. Dans le ventre de ces culbutos. Lionel Scoccimaro a en effet placé un carillon qui hocquette joyeusement lorsque ces massives scupltures sont effleurées par un spectateur audacieux. Un son qui fait d'un coup de cette oeuvre une surface habitée et une sculpture secrètement sonore.
Reste la nature à la fois quasi communautaire et irrémédiablement individuelle, de ces sculptures, dont chaque exemplaire possède ces propres couleurs, mais partagent avec les autres la même forme évasée. Sans régler, bien au contraire, l'ambiguïté de ce statut, entre la série et l'oeuvre unique, l'artiste marseillais la maintient nettement en déclinant deux types de présentation : ou bien les culbutos s'épaississent jusqu'à prendre une bonne taille monumentale, ou bien ils se font plus discrets et s'alignent alors en groupe, sur une étagère et parodient comiquement les modes de présentation institués par la société de consommation. Vrais objets de désirs, séduisants, intriguants, bardés des couleurs de la frime et de sous-groupes culturels, moulés dans les formes innocentes de l'enfance, ils s'imposent finalement comme des miroirs déformants des pulsions contemporaines : celles qui font basculer chacun vers les mondes enchantés de l'enfance, avant qu'un sauvage désir de transgression ne fasse pencher la balance du côté obscur et sauvage de chacun. Sculpture schizo.
Judicaël Lavrador, septembre 2003
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Stable and tottering at the same time, Lionel Scoccimaro's sculptures are full of contradictions. Their perfect and bulky curves, both delicate and well-rounded, clearly make them into objects of desire because they are also approximate, enlarged replicas of the familiar silhouette of slightly old-fashioned toys: a sort of chunky ninepin. But the strange attraction they hold, slightly fairground, slightly regressive, turns to full on eye-catching pop when their colors leap out at you. Directly borrowed from the palette of customized vehicles, from surf or rock among other sections of American sub-culture, the brilliant yellows, the flashy reds, or the apple greens color the real-fake ninepin with a more grating tone.
Herein lies the particular nature of this work. Hybrid, it hesitates between the hyper-gaudy, over-agitated and radical worlds of sport or underground music that cheerfully contest established political and social norms. Yet it also swings into other themes: gentle and childish and to an even greater extent, esthetic and plastic. Their slick and shiny aspect, resulting from airbrushed paint, inevitably anchors them in minimal sculpture; that which pays attention to surface not depth. It removes any overly expressive or painterly gesture. Here, there are no glitches in the polyester resin in which they are carefully cast.
Yet what we could take for a contemporary avatar of minimalism is not one at all: a sound comes from within. In the belly of these ninepins, Lionel Scoccimaro has placed a bell that chimes joyously when an audacious spectator brushes past one of these massive sculptures. The sound suddenly makes this piece an inhabited surface and a secretly musical sculpture.
What remains is the simultaneously communal and irremediably individual nature of these sculptures, each of which has its own colors while sharing the same bell-bottom form. Far from resolving the ambiguity of this status between series and oeuvre unique, the artist clearly maintains it in offering two types of presentation: either the nine-pins thicken until they reach monumental proportions or they are more discreet and line up in a group on a shelf, comically parodying the presentation modes instituted by consumer society. True objects of desire, seductive, intriguing, covered in the show-off colors of cultural sub-groups, cast in the innocent forms of childhood, they finally stand forward as distorting mirrors of contemporary impulses: those that draw us to the enchanted world of childhood until a wild desire for transgression tips the balance toward the dark side within. Schizo sculpture.
Judicaël Lavrador (July 2003)
Traduction Heidi Wood
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