Julia Scalbert frôle tout de ses doigts. Son tact relève de la timidité des cimes, ce phénomène encore inexpliqué de branches qui ne se touchent pas, d'arbres qui dessinent dans la canopée des lignes de réserve. Il en résulte une délicatesse inouïe. Ainsi malgré la densité de la forêt, les différents houppiers respectent entre eux une infime distance de confort, laissant la place à chaque panache pour s'épanouir singulièrement, tout en formant ensemble une masse compact. D'autres essences reproduiraient ce principe de coexistence au niveau de leurs racines. Peinture et céramique partagent ces bonnes manières. Une telle humilité implique des contours graciles, bien qu'assurés de leur tracé. Et la pudeur parfois, aboutit à la frontalité la plus indécente. Sans commentaires ni explications, le corps s'offre en paysage. Le vocabulaire de l'artiste relève aujourd'hui des statuettes préhistoriques autant que de la poupée surréaliste. Elle nous livre des fruits mûrs, presque impatients. Pour les produire, sans esquisse, elle modèle la terre jusqu'à ce qu'une silhouette l'arrête et l'interroge, lorsque la sculpture esquive ses mains. La chose alors s'échappe. L'hameçonnage a pris son temps. C'est le moment de ferrer, de biscuiter la pièce avant d'appliquer des engobes ou jus d'oxyde sur le grès, que l'on peut laver pour troubler un peu plus encore les aspects, avant l'ultime cuisson haute température. Les œuvres en ressortent froides. La palette de ces viandes contribuent d'ailleurs au frisson, en complément de tant de caresses.
Joël Riff, 2023 |