Bettina SAMSON 

Two Transatlantic Paintings in one aluminium grid, pièce réalisée in situ, entretient un paradoxe, celui de s’imposer par sa dimension et de tendre simultanément à s’effacer : les profils d’aluminium se fondent dans le gris neutre de l’environnement (seul l’éclairage artificiel du soir la rend plus autonome, par simple réflection). Suspendue comme un mobile, elle se contredit comme sculpture en constituant un simple plan supplémentaire. Une grille de vision sans profondeur dans l’espace ouvert du Musée des Moulages, une ancienne usine conservant des centaines de moulages en plâtre de statues antiques. Elle nous confronte à un raccourci brutal de l’histoire de la sculpture.
Condensiation d’une série de déplacements, physiques, virtuels, passés et présents, c’est la rencontre métallique des squelettes de deux tableaux de Mondrian, dans un espace architectural industriel. Composition n°8 et Composition with red, blue and yellow ont ceci de commun qu’ils font partie d’une série de tableaux qui ont traversé l’Atlantique et que Mondrian a datés deux fois, respectivement 1939-1942 et 1937-1942, après reprise à New-York, où il a émigré en 1940. L’utilisation du métal convient à la traduction industrielle de tableaux qui ont pris le cargo.
Les lames d’aluminium semblent pouvoir coulisser les unes avec les autres, non contraintes par des limites de tableau. Elles ressemblent à des réglets métalliques propres à mesurer un ensemble de dimensions relatives, jamais stables.
L’assemblage décalé des trames des deux Mondrian ainsi que les variations visuelles de l’aluminium en fonction de l’éclairage animent la surface.
Dans une sorte de boucle, elle retraduit très littéralement le rôle de l’architecture industrielle sur les avant-gardes, et les recherches sur le dépassement de la peinture et de la sculpture dans l’architecture.
De manière assez ironique, la grille obtenue rappelle les façades et mur-rideaux de l’architecture de style international propre aux immeubles d’entreprise. Ce pourrait être en somme le dessin ou la trame d’une façade d’immeuble, isolé comme pan libre. L’abstraction linéaire que l’esthétique capitaliste a reprise à son compte.
La grille que Rosalind Krauss a décrite comme le mythe paradigmatique de la peinture moderniste, devient ici littéralement une grille métallique, qui redevient à son tour prétexte à une pièce artistique, et dont la séduction invite à une réinterprétation commerciale.

Two Transatlantic Paintings in one aluminium grid 2005
Profils aluminium, 4mX4m
Vue de l'exposition Bring into play, Musée des moulages, Lyon, 2005


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