Electrolux place le spectateur en position de semi-acteur à l’intérieur d’une mise en scène minimaliste et hypnotique entre surveillance, espionnage, services secrets. Le passé et futur s’intervertissent, sans livrer de solution définitive.
L’exposition synthétise en un environnement unique l’univers de l’espionnage et du contre-espionnage et celui de Peter Behrens, conseiller artistique au sein de l’AEG, Générale d’Electricité Allemande (dont l’usine qu’il dessina se trouve non loin du lieu d’exposition).
Dans une nuit américaine (gélatine de correction lumineuse sur les vitres de la galerie), une torche-matraque US Maglite suspendue au plafond par un manche télescopique balaye lentement horizontalement et à 360° une bande blanche autoroute, sorte de ligne d’horizon. Lorsque le spectateur se trouve dans l’axe de diffusion de la torche (devant ou derrière), il peut voir, sous l’action de la rétroréflexion de la peinture routière dans le faisceau de la torche, les mots d’une phrase se détacher en plus foncé (peinture blanche standart). La bande blanche (incrustation de microbilles de verre) scintille alors, comme les termes d’un message d’annonce. Le contenu de la phrase qu’il lit en suivant la trajectoire de la torche décrit sensiblement l’expérience qu’il est en train de vivre.
La phrase, tirée d’un roman d’espionnage de John Le Carré, “L’Espion qui venait du froid” nous projette dans un univers qui pourrait être de science-fiction. Toutes références nominatives à Berlin-Est, à la guerre froide et au mur ont été effacées pour ne garder que la sensation de ces deux mondes parallèles à l’intérieur desquels les individus communiquaient par l’envoi de messages d’informations lumineux.
Suspendu contre le mur, le tondo Behrens Benz réagit aussi à la lumière par rétroréflflexion. La peinture routière et la résine incrustées de microbilles de verre amènent la matérialité de la route (bande de signalisation et bitume) dans un tableau - tondo- qui aurait pu se ranger dans la catégorie de l’abstraction géométrique si le dessin ne cherchait à provoquer l’illusion d’un flou photographique ou rétinien. Evoquant un logo, une cible, un panneau de signalisation routière, le dessin géométrique reprend en une version floue, comme si l’oeil ne parvenait pas à faire le point, un graphisme de Peter Behrens pour l’AEG représentant frontalement un projecteur. On pense à un projecteur ou à une lampe de cinéma regardée de face ou à un projecteur de tour de surveillance. Le graphisme de Behrens cherche à simplifier au maximum une expérience visuelle où, par définition, l’oeil ébloui ne distingue aucune forme qui ne puisse être hallucinée. Ici, en contrepoint de la matérialité du tableau, le fl ou peint contribue à effacer les limites entre l’image et sa percéption sans pour autant renoncer à la conscience que l’on a du dessin, de sa facture et de ses effets. Paradoxe d’une cible sur laquelle l’oeil ne parvient pas à faire le point.
L’architecte et designer devint en 1909 le designer d’entreprise (le premier de l’histoire) de l’AEG à Berlin dont il dessina la ligne graphique, l’architecture des usines (quartier de Wedding où se trouve la galerie) et les lampes.
De manière ironique, le titre de la pièce, Behrens Benz (accelerating AEG story), met en boucle l’histoire “artistique” et économique de l’AEG : Electrolux (titre de l’exposition) est la marque d’électroménager qui exploite désormais la marque AEG, rachetée récemment au groupe DaimlerChrysler. AEG a été pendant vingt ans une filiale de Daimler-Benz devenue DaimlerChrysler par fusion. A Berlin se trouve la fondation DaimlerChrysler, une collection d’art contemporain très riche en formes actuelles développées à partir de l’art minimal, en art concret et en abstraction géométrique. Le tableau Behrens Benz est un clin d’oeil ironique à celle-ci..
|
|
|
Behrens Benz (accelerating AEG story) 2006
Résine polyester, peinture pour signalisation routière, microbilles de verre, médium, 1,50 x 1,50 m
The Spion who came in from the Cold 2006
Torche Maglite, moteur, pied de micro, polystyrol, glycero, microbilles de verre pour signalisation routière, gélatine ND sur les vitres, dimensions variables
Vue de l'exposition Electrolux (proposée par SMP Marseille), Visite ma tente, Berlin, 2006
|
|
Behrens Benz (accelerating AEG story) 2006
Résine polyester, peinture pour signalisation routière, microbilles de verre, médium, 1,50 x 1,50 m
|
|
The Spion who came in from the Cold 2006
Torche Maglite, moteur, pied de micro, polystyrol, glycero, microbilles de verre pour signalisation routière, gélatine ND sur les vitres, dimensions variables
|
|
Le carton d’invitation fait partie intégrante de l’exposition Electrolux
Dessin : Julien Tibéri
Retour |
|
|
|