SetTheRuins
SetTheRuins est une installation qui combine des matériaux artificiels à un dispositif multimédia. Le Set est constitué de trois écrans insérés dans trois reliefs taillés de mousse expansée bicolore, les écrans sont a peine dissimulés derrière des végétaux postiches. Cet îlot en médium échoué diffuse les déchirements propres aux renvois de balle au tennis, coup après coup, rythmé, exagéré, la partie est d’un enjeu inouï.
On croirait à une oeuvre tendance, de celles qui manifestent sans le savoir l’appropriation culturelle qui ne cesse de sévir par emprunt et par pillage de ce qui constitue les cultures au détriment de leurs histoires. De celles qui divertissent puisque l’écart entre le produit et l’origine est devenu plaisant, même, marrant, exotique, et qui prétendent suffire à faire exposition. Alors le leurre fonctionne, le regard est accroché par la familiarité, il ne reste plus que les écrans à regarder et de fait cette implication est évidente et immédiate.
Or il ne s’agit pas seulement d’un effort esthétique, d’un quelque chose à voir passif, d’ailleurs, les images ne simulent pas un évènement à venir, un concept ou un désir de plus. Elles sont volontairement exploitées pour revenir sur ce qui est supposé avoir été intégré à nos Humanités mais qui ne passe toujours pas : l’inégalité parmi les sociétés passées et modernes, les systèmes inconséquents de domination, jusqu’à l’incurable impunité occidentale.
En janvier 2018, l’artiste expose son ahurissement de la lacune comme universel et du mensonge historique. Sa sidération des civilisations sans mémoire, de l’arrangement moral, de la persistance du mépris. Enfin(?), son soucis de produire des oeuvres juste, de résister à l’escroquerie. S’engager non pas vers des territoires inconnus, exotiques et vendeurs mais sur le mal-connu, les tabous de notre suprématie blanche, et s’y attaquer avec une force humaniste encouragée par les fragilités révélées aujourd’hui de cette civilisation.
Des images d’archives nationale, de l’époque coloniale, conçues comme preuves d’exploration et de rencontre de terres et terriens inconnus, jusqu’aux lieux ruinés d’importance capitale à l’époque de leur construction. Ceux là même capitaux à l’heure de l’ethno-tourisme, sujet jusqu’à lors traité par l’artiste à plusieurs reprise.
L’installation réclame des réponses pour survivre dans l’environnement complexe et exige la réflexion de chacun pour sortir des mensonges et rétablir les vérités. Il s’adresse par l’écran, par le texte, séquencé, dynamique, donné à lire sans labeur, une manière épurée percutante, une occasion de partager avec nous les énigmes sur lesquelles notre siècle se construits, et contre lesquelles nous sommes en devoir de nous interroger. Ce n’est pas la première fois, c’est plutôt une récurrence à son travail, mais cette fois ci l’oeuvre porte l’interrogation dépouillée d’agrément. Sans la prétention de solution ni de vérité, est introduit un feed-back à propos de ce dont le commun nous détourne, accusé trop complexe pour être abordé, de qui demeure secret, sensible, souterrain, alors que notre présent s’y joue complètement.
SetTheRuins est une mine attestant que l’espace d’exposition est aussi un terrain de révélation, comme de retournement des idéologies où la création permet de charger de nouvelles séquences de réflexions, pour s’en sortir du réel factice et de l’histoire arrangeante. Il lui faudra en abattre beaucoup, des oeuvres, avant de débloquer l’écho de sa génération, mais il semble avoir repéré la forme sculpturale économique et impressive qui lui permette l’expédition courageuse. Son élan stimule nos désirs de re-connaissance, de précision, tout compte fait, de réalisme.
Marion Albert |