Manuel RUIZ VIDA 

Sculpture 2006
Huile et laque sur toile, 195 x 130 cm
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Sculpture n°2 2006
Huile et laque sur toile, 150 x 110 cm
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Sculpture n°3 2006
Huile et laque sur toile 150 x 110 cm
Collection particulière, Bruxelles
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Sculpture n°4 2006
Huile et laque sur toile, 150 x 110 cm
Collection la pluie d'oiseaux, Crossing Museum, Musée des arts contemporains de Sulaimany, kurdistan d'Irak
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( … Manuel Ruiz Vida (Valenciennes, 1970) peint des pièces archéologiques. Ce sont des tombes antiques en pierre ou des auges pour bétail. Il les conçoit réalistes. Mais il va au-delà d’une simple restitution figurative. La matière picturale essentielle. La pâte, apposée en couches successives  possède une épaisseur, des proéminences qui accrochent la lumière. Les traces du pinceau créent du mouvement sur la surface de la toile. La luminosité, complétée par la présence d’une ombre traitée géométriquement, rappellent l’atmosphère de certaines compositions du surréaliste Giorgio de Chirico. D’autant que les couleurs, souvent cantonnées dans des gammes de gris et de noir, nimbent les objets d’imaginaire. Et le choix de traiter les sujets souvent en plongée contribue à accentuer une singularité onirique.

M.V.
Le courrier de l’Escaut. L’Avenir (extrait) Tournai, nov 2010.

 
 
Sculpture n°5 2009
Huile et laque sur toile, 86 x 146 cm
Collection particulière, Toulouse
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Sculpture n°7 2008-2009
Huile et laque sur toile, 90 x 152 cm
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Sculpture n°8 2009
Huile, laque et pigment sur toile, 66 x 158 cm
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Sculpture n°10 2008-2009
Huile et laque sur toile, 160 x 200 cm
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Sculpture n°10 2008-2009
Huile et laque sur toile, 77, 5 x 118,5 cm
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Sculpture n°14 2010
Huile et laque sur toile contre-collée sur bois, 90 x 178 cm
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L’attraction du vide
« Sculptures » (étude de sarcophages)

En 2009, Manuel Ruiz Vida nourrit ses recherches sur la masse et le poids visuel de l’objet par l’observation de sarcophages romains, à l’occasion de sa résidence d’artiste à Rome, dans l’Atelier Wicar (de la Ville de Lille).

La tombe antique est restituée dans une forme simplifiée. Il s’agit d’une image épurée du réel où le sarcophage est dessiné de manière allusive. Inversement, l’œuvre devient presque tactile et prend corps en fonction des résidus, des grumeaux de peinture qui apparaissent sous le lissé de laque et d’huile, recréant la surface râpeuse de la pierre et ses irrégularités naturelles. Cette confusion entre objet réel et objet peint, l’artiste la ressent lui-même. Mais plus qu’à l’aspect décoratif des frises et bas-reliefs, c’est à la béance que Manuel Ruiz Vida s’intéresse, la même béance qu’offrait à voir la bétonneuse ou le réservoir des années 2002-2005 !

La Sculpture n°5 représente une excavation rectangulaire noire qui ne devient visible que parce que des bords plus clairs en marquent les limites. Incliné à 90°, le sarcophage se dissocie par là des bords du tableau, lesquels autrement pourraient correspondre au format exact du tombeau qui se confondrait alors avec le rectangle peint de la toile elle-même. C’est ce qui se produit avec la Sculpture n°8 : le cénotaphe (tombeau vide) se confond exactement avec le cadre comme si la toile pouvait devenir le tombeau lui-même en raison de son format et de l’identité entre le rectangle funèbre et le rectangle pictural ! Etrange perspective par laquelle la peinture devient pierre tombale…

En apparence, rien de morbide dans tout ceci : il s’agit d’un rectangle de couleur qui dessine un objet vu d’au-dessus, en creux, sans fioritures. La réflexion de l’artiste s’apparente en ce cas à la recherche sur le cube de Donald Judd dont parle Georges Didi-Huberman dans Ce que nous voyons, ce qui nous regarde : «Imposer cette impérative spécificité de l’objet (…) Eliminer toute forme d’anthropomorphisme (…), redonner aux formes, aux volumes comme tels, leur puissance intrinsèque. »

Pourtant, le sujet choisi, celui du dernier lieu où repose le corps, ne se réduit pas à cette simple réflexion sur le volume, résumé à sa forme même. Les boîtes transparentes de Joseph Kosuth (Clear,  Empty, Glass, Box, Cube) ne sont effectivement rien d’autre que le nom qu’elles portent, des cubes de verre vides ! Mais avec le sarcophage, Manuel Ruiz Vida entre dans un autre questionnement. Bien sûr il se plaît à donner de la profondeur à l’objet comme s’il s’agissait d’une simple sculpture aux angles vifs mais, avec l’orientation souvent en diagonale de l’œuvre, et son ombre portée au sol, il amène le spectateur par son regard à pénétrer dans l’étroite fente noire. L’œil curieux cherche à voir, quelque chose qui n’existe plus, scrute les profondeurs du noir pour y déceler une quelconque présence. Là où fut contenu un corps, le spectateur ne trouve que le néant, trou vide qui, comme le précipice, appelle le regard, l’aspire. L’invitation à rejoindre ce lieu fait bien sûr penser à Montaigne, parce que « Philosopher, c’est apprendre à mourir », parce que peindre, c’est…Toutes les œuvres de Manuel Ruiz Vida, de l’usine désaffectée, de la porte de hangar définitivement fermée au sarcophage romain ouvert sur le rien, s’éloignent et se rapprochent de ce lieu où s’anéantissent les choses.

La peinture a toujours eu, comme une de ses missions, celle d’évoquer l’impensable fin : on songe aux descentes de croix et mises au tombeau. Devant le trou noir des  Sculptures, on se prend à penser aux bergers d’Arcadie de Poussin déchiffrant quelque chose sur un tombeau : « Et in Arcadia ego », cherchant à donner un sens à la mort. Il n’y a rien d’écrit, en revanche, dans la béance des Sculptures de Manuel Ruiz Vida, aucun sens immédiatement perceptible.

Aucun sens…Juste se dire peut-être, à la manière de Sartre, que, dans le faire de la peinture, dans le faire tout court, réside une partie du sens de la vie.

Laurence Boitel, septembre 2010

 
 
Sombra y Luz n°2 2014
Huile et laque sur toile marouflée sur bois, 120 x 210 cm
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Sculpture n° 11 2010
Huile, laque et pigment sur toile, 110 x 150 cm
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Sculpture n° 19 2016
Huile, laque et poussière sur toile, 100 x 150 cm
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Sculpture n° 19 2016
Huile, laque et poussière sur toile, 100 x 150 cm
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Sculpture n°11 2009
Huile et laque sur papier contre collée sur bois, 60 x 40 cm
Fonds municipal d’art contemporain-Ville de Lille
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Généralement liée à l’univers industriel et à son vieillissement, la peinture de Manuel Ruiz Vida est une ode à la matière et à sa lumière. Ses motifs (containers, récipients, puits, etc.) renvoient à ce monde, en particulier portuaire, de même que les matières et supports qu’il utilise (palissades, bois usés...) A mi-chemin entre figuration et abstraction, sa peinture s’organise autour de pleins et de vides. Aucune surface ne semble désinvestie car même les parties supposées vides sont pleinement comblées par les reliefs du support sur lequel la lumière naturelle vient proposer d’infinies variations. Sculpture n°9 est réalisée sur un support particulier, celui d’une grande feuille ayant préalablement servi de palette pour des mélanges de couleurs. Cette dernière a été utilisée à la réalisation d’autres œuvres. Elle présente des nuances de vert et de bleu qui se détachent sur un support partiellement recouvert d’une matière picturale épaisse et noire avant d’être marouflé sur une plaque de bois. La lumière prend ici une place centrale puisqu’elle agit comme révélateur : derrière ces aplats de blanc se dessine une forme inspirée des socles de la Rome antique. Entre forme, fond et profondeur optique, cet édifice semble déplacer les codes de la figuration. Ici, les pleins et les vides ainsi que la matière picturale prennent une place importante dans la perception de l’espace. Nous pensons observer un vide, pourtant pleinement comblé par un relief sur lequel la lumière, naturelle cette fois, vient imprimer ses variations. Faut-il vraiment suivre ce qu’Anne Giraud dit de l’artiste lorsqu’elle affirme qu’il « dépouille en partie l’objet de sa figuration » ? La question reste ouverte. On l’a dit, les travaux antérieurs de l’artiste s’articulaient majoritairement autour de l’univers industriel peu à peu délaissé, aux territoires abandonnés par la désindustrialisation. A Rome, c’est dans la continuité de ce thème de l’usure que l’artiste s’intéresse aux vestiges antiques, puisant son inspiration dans les anciens forums et sites archéologiques romains, dont il revendique le caractère romantique, une dimension que l’artiste déplore ne plus retrouver au sein des ruines récentes, souvent destinées à être démolies et reconstruites. La peinture de Manuel Ruiz Vida présente par ses motifs mais aussi par sa matière même- vibrante, usée- le travail inéluctable du temps.
Texte du catalogue raisonné des oeuvres des 10 ans du Fonds d’acquisition du Prix Wicar – Fonds municipal d’art contemporain, Lille.
 
Sombra y luz 2011
Huile et laque sur toile 155,5 x 176 cm
Cllection particulière, Bruxelles
 
Sombra y luz n°2 2010-2011
Huile et laque sur toile, 174 x 123 cm
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