Phases 2021-2022
Huile et poussières sur toile marouflée sur bois 20 x 20 cm |
Manuel Ruiz Vida
“Écritures de silence“
Aux confins du visible, une fragile écriture de silence, arrimée aux secrets du monde, irradie sans fin l’étendue. Manuel Ruiz Vida montre peu. Dans sa maîtrise absolue de la distance, pour mieux saisir la totalité du visible, dit l’impérieuse nécessité du dépouillement pictural.
Chez lui, d’abord mental, l’espace oscille entre abstraction et figuration. Peinture-mystère, peinture-matière, somptueuse d’essentialité. Dans une absence d’échelle qui ose affronter le vide, microcosme et macrocosme
s’indistinguent. Le dehors et le dedans fusionnent, et l’œil s’abandonne aux insidieux miroirs de l’altérité. Dans cette peinture d’éveil, Manuel Ruiz Vida crée des tranches d’immensité, et se moque souverainement des séduisantes apparences pour mieux restituer les richesses infinies des textures du visible…
Au creux de cette ascèse créatrice, il ignore la provocation chromatique. L’opacité archaïque et diffuse convient parfaitement à son dépouillement pictural, et vidée de tout repère mondain, la plénitude s’étend sans limite. La peinture a toujours le dernier mot.
Contre la prolifération contagieuse du trop-plein matériel, l’artiste prend ses distances avec les excès de la modernité. Il invente ainsi des outils primordiaux, des récipients d’âme évidés. On dirait l’alphabet magique de toute entreprise humaine. Nés d’une lumière lointaine, pudique et ténue, ils portent la contemplation jusqu’au bord aigu de l’abîme.
Manuel Ruiz Vida immacule l’existence. Chez lui, l’union du vide et du calme pur sublime les affres du monde. L’essentiel est mis à nu dans un univers en apesanteur, où chaque peinture est un seuil. Aux marges de l’art occidental, l’œuvre de Manuel Ruiz Vida ouvre la voie mystique de la peinture, et s’oxygène d’absence. Absence nue, avide, et qui devient féconde en effaçant ce qui se désigne aveuglément dans toutes les illusions du monde.
Les lointains du cosmos et les poussières du présent aimantent sans fin ses peintures. « Peindre, c’est ouvrir l’espace » dit-il.
Christian Noorbergen |
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