Extrait du texte Plan de situation
(…) Là, plutôt que de centrer l'enquête sur un seul lieu ou sujet, je partirai dans toutes les directions à la fois, en prenant l’emplacement du Frac comme point zéro d’une carte mentale à tracer au gré des rencontres. Une exploration aussi systématique qu’aléatoire des environs, tachant au passage de discuter avec un ouvrier aux ateliers municipaux qui sont juste derrière, un membre du club de canoë-kayak adjacent, une caissière du magasin d’en face, le patron du café du coin, le tenant (turc ?) du kebab trois pas plus loin, le gardien du cimetière, un campeur, un client des restos du cœur…
À la fin il s’agira de réunir tous ces fragments de vies et de réalités hétérogènes dans une conférence et une publication, pour voir comment ils pourront s’entrechoquer ou se répondre… si tout se passe comme prévu (je reprends mes notes) « ce sera une cartographie à entrées multiples, une toile trouée, tissée avec les fils du hasard. Une coupe à travers les différentes zones d’habitation et de travail et les différentes couches sociales. Ce sera une recherche fiévreuse de correspondances et de raccourcis, entre les morts et les vivants, entre l’histoire et l’actualité, entre tel livre trouvé à la bibliothèque et telle parole recueillie au coin d’une rue…
Ce sera un documentaire sur la vie dans un endroit donné à un moment donné ; un documentaire ouvert de toutes parts sur l’imaginaire. Le rapport entre le récit et les images, entre une image et l’autre, entre une phrase et l’autre, sera donc très didactique à certains endroits. Et parfaitement flou à d’autres. L’humour y sera probablement présent, puisque la tentative de description du monde à laquelle je m’attelle par la présente ne fait aucun sens si elle n’est pas exhaustive, et elle ne sera jamais exhaustive, c’est à dire que l’infini de la tâche est proprement terrifiant, et face à la terreur de l’infini il n’y a que l’humour qui puisse nous sauver. »
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