Delphine POITEVIN 

 
 
 
Passant, 2017
Triptyque
Photo-graphies, 80 x 120 cm
 

Le passant
Ces images ont été réalisées à partir d’architectures vides se situant dans l’espace public. Il s’agit ici de la Nouvelle galerie nationale de Mies Van Der Rohe à Berlin. Ce bâtiment emblématique de Mies Van Der Rohe est un grand espace vide de verre où s’interpénètrent l’intérieur et l’extérieur. Ses surfaces réfléchissantes et transparentes troublent la perception et ouvrent sur un espace autre, flottant et indéfini, en résonnance, mais légèrement en décalage avec ce que nous pouvons appréhender du réel. Et c’est dans cette petite échancrure où les repères vacillent que se dessine un monde poétique à la fois proche et lointain.
Cette atmosphère du lieu est soulignée graphiquement par les touches du dessin qui s’entremêlent au grain de l’image photographique. Le medium photographique et celui du dessin fusionnent si bien qu’il devient difficile de les distinguer l’un de l’autre.

Espace flottant
L’image fantomatique d’une brouette hante l’architecture : est-ce l’objet que nous voyons à travers une vitre ou son reflet ?

 
 
Espace flottant, 2017
Photo-graphies, 80 x 120 cm
 
Vue de l'exposition Les 100 papiers + ou -, Galerie 200RD10, Vauvenargues
 

Trouble

Le mot « trouble », par sa richesse polysémique, permet d’envisager plusieurs aspects de ma pratique artistique aussi bien matériels (les constituants plastiques et les techniques utilisées) que thématiques (le choix des sujets et l’apparition de motifs récurrents).

Le trouble joue entre les différents médiums, la photographie et le dessin, et leur spécificité supposée. La limite entre les mediums est remise en question : ils se superposent et s’entremêlent jusqu’à leur fusion.
Ce trouble crée une mise en doute de l’image, un l’état de flottement et d’incertitude, qui produit un vacillement et une perte de repères. 
Il participe aussi d’une certaine atmosphère. L’atmosphère, sans être matérielle et tangible, a une qualité sensible (brume, brouillard). Enveloppante, elle comprend et incorpore l’espace autour des objets, l’espace « entre » : l’espacement. La présence de cet espace vide est fondamentale dans mon processus créatif. 

Le trouble se matérialise dans mes dessins et mes photographies par l’entremise d’une couche translucide de calque ou de verre qui s’intercale entre nous et les choses. L’image est alors mise à distance, en retrait. Mais c’est à travers cette surface intermédiaire et médiane qu’une relation au monde sensible se dessine par une projection imaginaire. Du trouble et de l’effacement quelque chose transparaît comme dans la nuit les intérieurs illuminés s’entrouvrent sur des constellations et des bribes de récits.

Au travers une surface translucide ou réfléchissante, un autre espace se dessine, flottant et indéfini, aux contours incertains. L’interpénétration entre l’intérieur et l’extérieur brouille les limites entre les deux. Le jeu mouvant des interférences, des reflets et des images évanescentes, qui apparaissent et disparaissent, nous plonge dans une zone d’indécidabilité.

De même, l’acte de dessiner opère à l’intérieur de cet espace du trouble. Le trait s’affirme tout en se soustrayant à la définition graphique et à la figuration. Le dessin se fait tout en se défaisant au moyen de l’estompage ou de l’effacement dans une tension permanente.

Il en résulte un dessin lacunaire et particulaire : un dessin de poussière. L’image de la poussière (matière pulvérulente et légère) est présente dans le geste graphique qui se dépose par touches sur la surface (point après point, fibre après fibre). Elle s’accorde aussi avec la prédominance du gris : la couleur de la fusion des couleurs et des matières.

 
 
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