Emilie PEROTTO 

Comme le chat n'est pas là, les formes glissent / épisode 2 : le désossage 2012
Sculpture en pièces détachées (bois aggloméré, aggloméré stratifié, mdf, contreplaqué, pied de lampe, juda, métal), dimensions variables
Collection FRAC Poitou-Charentes
Exposition Comme le chat n'est pas là, Espace culturel de l'École Prairial, Vitrolles, programmation du FRAC PACA hors les murs


En 2006, à l'occasion de l'exposition L'égosystème, qui célébrait les 10 ans de La Station au Confort Moderne à Poitiers, j'ai réalisé Comme le chat n'est pas, là les formes glissent.
J'avais reproduit à l'échelle 1 des « arbres à chat », en bois aggloméré et stratifié de couleur. Ces arbres à chat étaient compilés et assemblés entre eux par un certain nombre de planches de bois aggloméré stratifié. Ces planches formaient un rectangle au sol, évoquant une composition abstraite.
Au sein des arbres à chat j'avais apporté quelques anomalies qui ouvraient des champs d'interprétation divers et variés, créaient des ruptures d'échelles (représentations de gros gruyère, jouet souris, arbres minuscules, chaîne, boules, etc…).
Je me rappelle avoir dit à l'époque : « C'est comme si Mondrian et Giacometti-surréaliste s'était rencontré ».

5 ans ont passé, la sculpture est restée démontée et empaquetée. Elle ne convenait jamais aux différents projets qu'on me proposait, et je crois aussi que j'avais du mal à assumer comme seule pièce dans une exposition (faute à sa taille, il lui aurait été difficile d'être accompagnée) une sculpture si colorée, qui glissait vers un univers enfantin.

Pourtant, cette sculpture a toujours été pour moi une pièce importante, qui m'avait permis de choisir des directions décisives.

Il y a quelques mois, on m'a demandé de montrer Comme le chat n'est pas là, les formes glissent dans un contexte précis.
J'étais ravie, j'allais pouvoir retrouver ma sculpture, la déballer, la remonter.
C'était surtout ça qui m'importait, vivre ce moment de l'assemblage. Comme faire un grand puzzle dont il faut se projeter l'image finale. Avec pour tout indice les souvenirs de sa fabrication.
Installer cette sculpture allait être un moment quasi-méditatif de retour aux sources. Retrouver les fondements de mon travail. Les appréhender à la lumière de 5 années d'expériences nouvelles.

Une fois la sculpture montée, j'étais déçue. Pas par ce qu'elle me semblait moins réussie que dans mon souvenir, mais par ce que la forme que je voyais ne révélait en rien le puzzle qu'elle était en réalité, et l'enquête que j'avais menée pour retrouver la forme originelle.
Les projections mentales qu'on pouvait faire une fois la pièce assemblée me semblaient bien moins intéressantes que celles possibles à l'état de pièces détachées.

Je pense à ma sculpture morcelée et instantanément je l'associe à Anatomy of a murder, le film d'Otto Preminger. J'aime amener le spectateur à être actif. J'aime l'idée qu'il tente de retrouver d'où proviennent des éléments a priori abstraits et organisés, comme dans Le mur de chutes, par exemple.

Donc, depuis février 2012, Comme le chat n'est pas là, les formes glissent s'expose autrement, dans sa version ultime. C'est à dire en pièces détachées, organisées au sol, et adossées au mur.
Comme le déploiement des membres de la sculpture, une fois celle-ci désossée.

Émilie Perotto, juin 2012

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