La sculpture est ce qu'elle est et c'est de cette réalité que surgit sa poésie.
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C'est de la sculpture qu'on appréhende d'abord dans son ensemble. Mais. Les deux pièces majeures de Émilie Perotto sont, selon moi et pour le moment, Wood World, condensé de pratique (2006) et Un duel au soleil (Rejeu Revanche) (2007). La première, dont le titre est programmatif, questionne le surréel. Quant à la seconde, elle témoigne d'une maîtrise du médium qui permet un lâché prise - ce qui annonce de belles parties à jouer encore, côté sculpture. L'articulation de l'une à l'autre pourrait se situer dans un travail connexe, celui des montages d'images (soit la sculpture comme image, soit questionner la façon d'appréhender la sculpture par le regard). Mais. Ce n'est encore rien énoncer du travail de sculpture à proprement dit. Alors. Pour commencer il faut parler du matériau utilisé : le bois, l'aggloméré, le médium, le contreplaqué, le mélaminé. Et plus précisément encore du rapport au sentiment, précis, que Émilie Perotto induit quand elle choisit d'utiliser tel matériau plutôt que tel autre (très simplement une mise à distance avec le mélaminé, une douceur avec le bois médium poncé, etc.). C'est un rapport affectif, le même que celui entretenu vis-à-vis de l'outil adapté, nécessaire pour la mise en oeuvre. Car si, effectivement, la sculpture de Émilie Perotto s'aborde d'abord dans son ensemble, et si de cela il peut s'avérer en premier lieu une froideur formelle, chacune pourtant, en sous-jacence, a cette propriété de transmuer en surréel ce sentiment inénoncé de par la matière mise en forme. Mais. Creusons encore et scrutons plus précisément. Le surréel dans Wood World, condensé de pratique, c'est le cotoîment d'éléments hétérogènes (un cadenas, un éléphant, un fanion, un radeau, un bureau), comme dans la Black sculpture (2007) (un crâne, un meuble à disque), comme dans Montée des Accoules, rue du Refuge, place Fontaine de Caylus j'y suis (à Sarah) (2006) (une table, un escalier, un cendrier), comme dans Tout ce qu'il me reste de l'île d'Or (à Joseph) (2005 - 2007) (un échiquier, une île, une tour, une table), ou encore comme dans Otomobilbaum (2006) (un sapin, un cadenas de moto). Il s'agit bien de surréel et non de surréalisme, la différence est d'importance. De la même façon qu'un matériau agencé à tel autre produit une nouvelle disruption de sentiment, l'objet présenté, re-présenté, a cette volonté ambiguë d'adopter une formalité proche de ce qui a été observé, mais en ne jamais voulant faire paraître ce qui n'est pas. Et cela s'avère aussi grâce à sa mise en présence d'autres objets de nature différente - telles les chutes souvent réutilisées (voir Wood World, condensé de pratique, Chutes silence (2006), Imaginaire de carton, chutes véritables (2005), Le petit lapin de Playboy ronge mon crâne végétal (2007), voir elles-mêmes relues, c'est-à-dire là encore sculptées, selon ce même principe, avec par exemple la Black sculpture (2007)). Les objets mis en forme sont ainsi ceux que Émilie Perotto a vu être sculpture avant qu'ils ne le soient, c'est-à-dire sans désir de sur-intérpréter l'objet en regard d'un symbolisme. La sculpture est ce qu'elle est et c'est de cette réalité que surgit sa poésie. Dans Un duel au soleil (Rejeu Revanche), l'utilisation de la métaphore est explorée à tel point que la sculpture est tout à la fois : plateau de jeu, carte de champ de bataille, désert, abstraction. Sa structure métallique renvoie, comme le masque et le tuba, à la vacance du territoire conquis. La maîtrise advenue de cette question de la conquête du territoire et du matériau, le surréel joue encore plus sur le terrain mis à disposition du spectateur. Mais. En discuter ne suffit pas, il faut s'y confronter et ne plus seulement regarder de loin.
Anne Kawala, février 2008
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Sculpture is what it is and it is from such reality that its poetry emerges
One first apprehends sculpture in its entirety. But. The two major artworks by Emilie Perotto are, in my opinion and at the moment, Wood World, condensé de pratique (2006) (Wood World, condensed work practice) and Un duel au soleil (Rejeu Revanche) (2007) (A dual in the sun: Replay, Return fight). The first, whose title is programmatic, questions the surreal. Whereas the second bears witness to the mastery of a medium that enables almost all forms of constraint to be ignored ? which opens the way to many more interesting opportunities in sculpture. The articulation between the one and the other could be placed in a connected work, that of a mountain of images (either as sculpture as an image, or as a way of questioning how sculpture is perceived). But. This does not say anything about the work in sculpture itself. So, to begin with one must mention the material used : wood, chipboard, MDF, plywood, laminated. And even more precisely the relationship to feeling, specific, that Emilie Perotto induces when she chooses to use one material rather than another (quite simply a distancing from laminated, a certain affinity with sanded MDF, etc) It is an emotional relationship, the same as that held for a well-maintained tool, necessary for the work in hand. Because if, effectively, Emile Perotto's sculpture considers itself foremost as an ensemble, and if from that point of view it may seem quite distant and formal, each piece however, at the same time, has the ability to transform into a surreal world the feeling considered through the material employed being unrelated to the material used. But. Let us examine this further and in greater detail. The surreal in Wood World, condensé de pratique is the juxtaposition of heterogenous elements ( a padlock, an elephant, a flag, a raft, a desk) as in Black sculpture (2007) (a skull, a record cabinet), as in Montée des Accoules, rue du Refuge, place Fontaine de Caylus j'y suis (à Sarah) (2006) (a table, a staircase, an ashtray), as in Tout ce qu'il me reste de l'île d'Or (à Joseph) (2005 - 2007) (a chess board, an island, a tower, a table) and even in Otomobilbaum (2006) (a pine tree, a padlock for a motorbike). The question here is really the surreal and not surrealism, the difference is fundamental. In the same manner that one material placed next to another produces a new disruption in feeling, the object presented, re-presented, has an ambiguity to adopt a formality close to that which has been observed, yet never wanting to appear to be what it is not. And this is also true thanks to the use of other objects of a different nature ? such as the re-use of leftover materials (refer to Wood World, condensé de pratique, Chutes silence (2006), Imaginaire de carton, chutes véritables (2005), Le petit lapin de Playboy ronge mon crâne végétal (2007), re-invent themselves, that is to say sculpted further, according to this very same principle, as with for example, Black sculpture (2007)). The objects constructed are thus those that Emile Perotto has seen as being sculptures even before they were to become such, that is to say without the desire to over-interpret the object with regards to its symbolism. The sculpture is what it is and it is this reality from which its poetry emerges. In Un duel au soleil (Rejeu Revanche), the use of the metaphor is explored to such an extent that the sculpture is both a gameboard, a map of a battle scene, a desert, an abstraction. Its metallic structure refers, like the mask and the snorkel, to the emptiness of the conquered territory. The mastery that has arisen from this question of the conquest of territory and material, the surreal is even more present in the terrain set aside for the spectator. But. To talk about this is not sufficient, one has to confront it and not just look at it from a distance.
Anne Kawala, février 2008
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