Potlatch
Guillaume Mansart
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« Un membre appelle l'attention de l'Académie sur une brochure publiée au mois de juin dernier par le titulaire de la pension Suard, sous ce titre : Qu'est-ce que la propriété ? et dédiée par l'auteur à l'Académie. Il est d'avis que la compagnie doit à la justice, à l'exemple et à sa propre dignité, de repousser par un désaveu public la responsabilité des doctrines antisociales que renferme cette production. »
Lettre des Membres de l'Académie de Besançon en réponse au courrier de Pierre-Joseph Proudhon introduisant son mémoire Qu'est-ce que la propriété ?, 24 Août 1840
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Que le champ de l'art ait eu depuis toujours la faculté de produire une somme d'œuvres hétéroclites pénalement répréhensibles (et qu'un texte de 24 944 signes ne suffirait pas à énoncer à lui-seul) n'a qu'une importance relative dans la mise en perspective de la pratique artistique d'Hervé Paraponaris. Sur la photo de famille (grand angle) : Chris Burden devant Alain Declercq, pas loin de Philippe Meste, Robert Rauschenberg et Jake & Dinos Chapman, Piero Manzoni à côté de Wim Delvoye, Pierre Pinoncelli et Sam Rindy, Alberto Sorbelli, Santiago Sierra, Gianni Motti, au premier rang les plus jeunes, Cyprien Gaillard(1)... Sur le gradin débordant des repris de justice de l'art contemporain, Hervé Paraponaris pourrait évidemment avoir une place de choix. Oui mais voilà, c'est assurément à côté de la "Mariée" qu'il préfère prendre la pause.
Car le hold-up conceptuel opéré par Marcel Duchamp avec le ready-made est éminemment plus fondateur. C'est un braquage autrement plus périlleux qui s'attache à déconstruire un système plutôt qu'à bâtir une mythologie personnelle. Et c'est précisément là que se déploie l'art d'Hervé Paraponaris, à l'endroit même où la faillite d'une structure peut "se mettre en œuvre" et interroger l'ensemble d'une organisation. Tout contre Duchamp donc. Mais pas seulement.
L'article 311-1 du code pénal définit le vol comme « la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ». Tout comme la propriété, la condamnation de l'acte de vol semble édifier le socle d'un fonctionnement social. En 1993, alors qu'il commence à constituer une collection d'objets volés, Hervé Paraponaris prend un certain plaisir à occulter la loi. II souhaite avancer contre la concorde et inscrire farouchement son œuvre dans le champ économique et social. « La soustraction consiste dans le fait de déplacer matériellement la chose », précise le code pénal. Le simple mouvement d'une géographie à une autre devient alors pour l'artiste le moyen d'un questionnement, d'une mise en cause, d'un assaut théorique.
L'acte d'appropriation en tant que geste artistique tel que l'a pensé Marcel Duchamp a écrit quelques pages importantes d'une histoire récente de l'art. Que ce soit à travers le Pop art, le situationnisme, le Nouveau réalisme, ou dans la production d'un ensemble d'artistes américains qui pratiquaient, dès les années 1980, la "simulation", le rapt des objets ou des images liés à la société de consommation et au monde des médias, a suscité de nombreuses interprétations. « Aujourd'hui », écrit Robert Nickas en 1988, « la question n'est pas tant que de plus en plus d'artistes introduisent de nouveaux objets dans le monde, mais bien qu'ils se saisissent des choses déjà là dans le monde et revendiquent pour elles le statut artistique, soit au travers d'une re-présentation directe, soit par le biais de leur orchestration. »(2) Pour le critique d'art Hal Foster, les stratégies de récupérations mises en place par des artistes comme Martha Rosler, Sherrie Levine, Allan MacCollum, ou Louise Lawler, si elles s'inscrivent dans la lignée de la critique institutionnelle, parviennent à élargir le champ de la pensée à l'espace public, la représentation sociale ou le langage dans lequel l'artiste intervient. Leur production « n'enferme pas l'art dans des limites en vue d'expérimentations formelles ou perceptuelles, mais cherche plutôt ses affiliations avec d'autres pratiques (dans l'industrie culturelle et ailleurs) ; elle tend aussi à concevoir son sujet différemment. »(3) Le déplacement des objets ou des images préexistants ouvre les portes du champ social et politique à l'œuvre. Pour Hervé Paraponaris, ce mouvement signe l'introduction du réel dans l'art, il lui permet d'affirmer sa présence en dehors de la scène artistique, dans l'espace vital de la société. Il s'agit en effet pour lui de produire des zones de porosité, de frottements, voire de percussions. Tout comme le faisaient les artistes de la "simulation", il a accepté « le statut de l'art en tant que signe social étroitement lié à d'autres signes au sein de systèmes producteurs de valeur, de pouvoir et de prestige. »(4) Donner à voir une œuvre s'apparente alors à une prise de position dans le contexte de l'art tout autant que dans celui plus large de la société contemporaine.
Si à partir des années 1980, les questions liées à l'appropriation se voyaient principalement contenues par l'image ("théorie de l'image"), si c'était également « la mort de l'auteur »5, et donc la perte de la subjectivité, qui était débattue ; à partir du début des années 1990, Hervé Paraponaris choisit de qualifier le geste avant le signe et affirme ainsi l'autorité d'un point de vue. Pour les artistes de la "simulation", les images produites par la société (leur origine, leur langage, leur valeur d'usage, d'échange, sociale…) permettent de dire les structures de son discours. Chez Hervé Paraponaris c'est la désignation du geste lui-même qui produit la valeur politique de l'œuvre. Il redéfinit l'appropriation non plus comme le moyen d'un art sémantique qui dit l'efficience du simulacre, mais comme celui d'une analyse des forces qui s'attache à ce que le monde a encore de réel (l'expérience). Il met en place les termes d'un langage qui s'appuie sur la nature même du déplacement plutôt que sur la valeur ontologique des objets.
Quant il choisit à partir de 1994 de présenter sa collection6, titrée Tout ce que je vous ai volé, les objets ne sont pas classés en regard de leur valeur d'usage ou d'un tout autre indice qui les désignerait dans leur nature d'objet. Ils le sont d'une part, en s'appuyant sur le déroulé chronologique de leur enlèvement, d'autre part, à travers le « lieu » de leur origine, c'est-à-dire à travers le statut de leur propriétaire initial (association, entreprise, individu, institution). Indiquer (à travers un code couleur) cette "topographie d'appartenance" souligne cette volonté de désigner le rapt avant la substance du rapt. Les différents éléments de la collection dans leur agencement même se donnent alors invariablement à voir comme des actes réifiés.
Lors de l'exposition, la présentation des objets dans l'espace muséal s'organise comme on "mettrait en forme" des informations, une donnée après l'autre, et avec divers documents relatifs aux victimes des vols :
Trois exemplaires de presse gratuite volés le 11.09.93 au préjudice de l'Oreille bien faite, association loi 1901, Marseille, table orange, étiquette de publipostage au nom de l'association.
Un short de coton bleu taille 48 volé le 01.10.93 au préjudice de 3615 Fanny, minitel rose à Marseille, table jaune, flyer promotionnel 3615 Fanny.
Un œuf en marbre blanc, un œil de bœuf, diapositive de cathédrale,... table jaune... carte de visite...
En tout, ce sont 42 objets qui s'arrangent avec mesure sur un ensemble de tables colorées qui indexent leurs origines : l'aplat orange pour l'association, le jaune pour l'individu, le vert pour l'entreprise, le bleu pour l'institution. S'appuyant sur le dépouillement visuel, la mise en espace générale semble néanmoins renvoyer directement aux dispositifs promotionnels, aux scénographies commerciales. C'est qu'il y a là ce qui pourrait être considéré comme un autre type d'appropriation. « Je trouve que la barre, la surface ou le plan d'une seule couleur est le code de séduction dominant de la société occidentale », analyse l'artiste Haim Steinbach lors d'une visite dans un magasin Sander (West Brodway, NY). « L'arrangement des couleurs et des objets côte à côte dans un ordre répétitif ou alterné est un dispositif typique du XXème siècle pour structurer l'espace visuel. Aujourd'hui une barre ou une configuration de barres est avant tout perçue comme un logo généralisé dans le système d'échanges des signes. »(7) En organisant ses surfaces colorées, Hervé Paraponaris réitère cet agencement commercial. Il repositionne dans le champ de l'art un motif dérobé par le marketing (qui a intégré de longue date les leçons des avant-gardes et a su fourvoyer les formes minimales(8). Tout en re-détournant les stratagèmes de la marchandisation de masse en direction du musée, l'artiste rejoue ce que Steinbach nomme le "logo généralisé" ; il inscrit son travail dans le contexte global des échanges et des produits (valeur symbolique de l'œuvre qui sera d'ailleurs réaffirmée avec la série Further Replica - After justice qui est réalisée à partir de sacs en plastique(9). Ce faisant, il disqualifie au passage l'espace institutionnel pour le redéfinir, au mieux, comme le lieu d'un recel, au pire, comme une sorte de surface marchande de l'industrie culturelle.
L'œuvre d'Hervé Paraponaris met également en question la notion muséale de collection et le pouvoir d'ankylose de l'institution. « La fonction du spectacle idéologique, artistique, culturel », écrit Raoul Vaneigem, « consiste à changer les loups de la spontanéité en bergers du savoir et de la beauté. Les anthologies sont pavées de textes d’agitation, les musées d’appels insurrectionnels ; l’histoire les conserve si bien dans le jus de leur durée qu’on en oublie de les voir ou de les entendre. »(10) Cette constatation faite, Hervé Paraponaris soumet son œuvre vivante à la tranquille anesthésie du musée, il teste jusqu'à l'excès sa capacité de résistance, jusqu'au rejet, jusqu'à sa disparition.
Car dans un monde qui fait de la propriété la pierre angulaire de sa construction, Tout ce que je vous ai volé apparaît comme une œuvre profondément anxiogène. Non seulement elle n'adhère pas au programme de production / consommation généralisée, mais elle en est la négation même, l'exacte opposée de la dynamique sociale des besoins qui attise le fonctionnement économique de la société occidentale. Ce contre-pied affirme de front le refus de signer le grand registre des valeurs du way of life capitaliste(11) : « Les besoins ne visent plus tellement des objets que des valeurs », écrit Jean Baudrillard, « et leur satisfaction a d'abord le sens d'une adhésion à ces valeurs. Le choix fondamental, inconscient, automatique, du consommateur est d'accepter le style de vie d'une société particulière (ce n'est donc plus un choix !). »(12) S'approprier des objets en dehors des protocoles marchands, c'est exprimer la conscience de cet état de fait, c'est soutenir la contestation à corps perdu. Tout ce que je vous ai volé est un système qui renverse l'ordre établi et menace les valeurs et idées reçues. Une subversion. Qui s'offre comme un moyen de conserver la possibilité de faire des choix. Et plus que les objets, ce sont les valeurs qui sont ici le nœud du problème.
Puisque penser sans ambages les termes d'une opposition aux dogmes moraux, économiques et politiques, c'est prendre le risque de se frotter à l'appareil du pouvoir, c'est la justice qui saisira, jusqu'à l'absorber dans les limbes de son système digestif, l'intégralité des objets de la collection. C'est que le modèle vit mal ses antagonismes et si c'est avant tout de symboles qu'il s'agit ici, c'est pourtant avec un pragmatisme redoutable que la procédure engloutit l'œuvre d'Hervé Paraponaris. D'un vol à un autre. Dématérialisation.
Les phases 2 et 3 peuvent alors débuter. Après l'appropriation : métamorphose et redistribution. Le programme global d'Hervé Paraponaris sonne comme une métaphore de l'acte de création lui-même, capter, transformer, redonner à voir. Car au moment même de sa disparition, Tout ce que je vous ai volé devient la matrice intarissable d'un travail de reconstruction, l'objet d'une stratégie ouverte de récidive : Further Replica.
L'artiste prend d'abord au pied de la lettre la notion de récidive. Une nouvelle collection donc, résurgence du geste, Further Replica The Collection. Ici, la répétition s'offre comme une nouvelle forme d'appropriation, une citation de Guy Debord en tête : « Tout peut servir. Il va de soi que l'on peut non seulement corriger une œuvre ou intégrer différents fragments d'œuvres périmées dans une nouvelle, mais encore changer le sens de ces fragments et truquer de toutes les manières que l'on jugera bonnes ce que les imbéciles s'obstinent à nommer des citations. »(13) Pour l'artiste, il s'agit de remettre en scène une réalité disparue et de donner à voir son geste comme la nouvelle possibilité d'un rapport au monde. Des objets disparaissent à nouveau, ils s'accumulent, se côtoient, puis se livrent sans faire d'histoire, exposés sur leur table monochrome, calés sous leur "faux plafond" et maculés d'une lumière de néon en couleur qui les fait briller cent fois plus qu'une quelconque tête de gondole. Le double pour poser sans détours la question de la perte de l'origine(14), de la survivance(15), de la fuite du référent(16), de la "simulation"(17), et la boucle est bouclée(18). Further Replica The Collection est une entropie, le mouvement d'un désordre grandissant qui dit la déliquescence du sujet. Elle est un réplicant comme les androïdes de la nouvelle de Philip K. Dick (Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? 1966) et du film de Ridley Scott (Blade Runner, 1982), une origine augmentée. Un modèle cannibale qui désigne la perte autant que le désir de remettre ça, car les mots sont toujours à dire. Alors il y a ce protocole qui précise les choses : à chacune de ses expositions, l'œuvre s'augmentera d'un nouvel objet. Et la dynamique kleptomane est lancée.
Further Replica The Collection peut être perçue comme la première étape d'une collection de collections (qui se poursuivra avec Further Replica The Puppet). C'est à partir de deux que commence l'accumulation et Hervé Paraponaris semble répondre aux sirènes de la consommation par l'addition de sa négation. Additionner des objets volés c'est répondre aux pulsions des besoins sans l'asservissement à la société de consommation. Et puisque plus largement, « les objets sont (…) profondément relatifs au sujet, non seulement un corps matériel qui résiste, mais une enceinte mentale où je règne, une chose dont je suis le sens, une propriété, une passion »(19), la "réplique récidiviste" pourrait être comprise comme le moyen de se construire une identité trouble. Dans le monde de la marchandisation « le système des objets » définit la personnalité du moi, et c'est alors une identité d'emprunt que s'octroie Hervé Paraponaris. Une identité bancale et générique, qui se fond dans les objets des autres comme Les Poulpes qu'il peignait à la rouille en 1991 se mêlaient à leur contexte pour se dissimuler et disparaître.
Tout ce que je vous ai volé évanouie, c'est donc un système rhizomatique que l'artiste échauffe. La restriction devient le moyen d'un exercice de survie esthétique de l'objet. Il élabore alors une sorte de base de données fixes qui permet, lorsqu'on la manipule, de produire un ensemble sans limite de métamorphoses. Il organise les informations, met en place des indices et des échelles qui lui permettront de réactiver le discours critique de l'œuvre. Une donnée après l'autre, il fabrique sa matrice.
Inventaire, date du vol, nom et statut du propriétaire, lieu, encombrement... tout s'articule pour construire la grammaire complexe d'un implacable langage formel.
Further Replica© est une œuvre de synthèse, on y trouve l'ensemble des renseignements nécessaires à la compréhension globale du projet. Sous la forme d'un banc test, de même nature que ceux que l'on trouve dans les brochures de comparaison de produits (notamment audiovisuels), Hervé Paraponaris « passe au crible » les différents objets qui constituaient sa collection : « 36 objets volés(20), saisis par la police, non restitués par la justice, 36 objets au banc d'essai au regard de leur qualité esthétique, du respect de l'identité de leur propriétaire, de leur encombrement, de la sensibilité, de la rapidité et de la pénibilité de l'acte indexé sur le risque encouru ». Les 36 diagrammes dessinent des formes plus ou moins ouvertes suivant leurs caractéristiques et leur pertinence sur les échelles mises en place. Une documentation du système de surveillance du Musée d'art contemporain de Marseille : encombrement 4, pénibilité 1, rapidité 3, qualité esthétique 3, respect de l'identité(21) 8, sensibilité 3 : une étoile. Un litre de Fernandez citron vert, encombrement 6, pénibilité 6, rapidité 7, qualité esthétique 8, respect de l'identité 8, sensibilité 7 : trois étoiles... L'inventaire se complexifie, il multiplie les critères pour contenir au mieux le sujet. Il s'ancre au réel avec une précision scientifique qui laisse néanmoins sa part à la subjectivité. Cette même subjectivité qui présidait initialement au choix des objets à voler.
Cette réalité chiffrée qui renvoie directement aux objets fantômes, sert à penser les termes de l'élaboration de sculptures, de peintures, de dessins, de documents, de récits. Hervé Paraponaris déploie des stratégies d'évocations permettant la résurgence d'une œuvre qui devient l'immuable jalon d'une pratique ouverte à l'expérimentation. Par des systèmes d'équivalences, l'ensemble des informations permet de structurer des formes, de les agencer dans l'espace, de penser leur accrochage en regard de l'indice de risque ou de tout autre élément approprié. Le théorème s'applique avec rigueur et autorise la transformation. Les œuvres s'offrent comme des passages à l'acte. Elle portent en elles la radicalité d'un geste qui se rapporte non pas à leur réalisation propre (pas de texture expressionniste ici) mais à une attitude originelle qui préexiste conceptuellement à leur exécution. C'est alors le champ des possibles qui s'ouvre à l'artiste, un terrain de connaissances à explorer jusqu'à n'en plus pouvoir, pour questionner avec une entêtante obstination la structure de toute chose. « En tant qu'artistes, on en est arrivé à vouloir créer un objet d'art qui est un objet situationniste, en lui-même et de lui-même, par la manière dont il est fabriqué », explique l'artiste Peter Halley. « Plutôt que d'aborder des questions d'actualité, je pense qu'une œuvre d'art doit aborder des questions critiques : les questions politiques du moment, si elles existent, concernent évidemment les gens en tant qu'individus, mais dans une œuvre d'art, ce sont les questions structurelles qui sont importantes. »(22) Et par la mise en place d'un langage plastique définitivement assujetti au monde, Hervé Paraponaris parvient à penser une esthétique socialement affectée. Une esthétique faite d'emprunt, de liberté, de rigueur et de justesse qui bâtit une œuvre profondément contestataire.
Il faut lutter contre les simplifications du discours polémique, moraliste, politique ou religieux pour embrasser cet art du refus du renoncement. Il faut laisser derrière soi les certitudes du monde pour entendre cette critique de l'organisation comme un manifeste dont le titre pourrait détourner un célèbre axiome à déclamer avec la voix résolue de la révolte : le vol c'est le don !
Guillaume Mansart
Nom : Chris Burden. Motif d'inculpation : usage d'une arme à feu sur un avion de ligne de marque Boeing. Titre de l'œuvre : 747. 1973.
Nom : Alain Declercq. Motif d'inculpation : usage d'une arme à feu sur un avion militaire de type B-52. Titre de l'œuvre : B-52. 2003.
Nom : Philippe Meste. Motif d'inculpation (entre autres) : attaque d'un porte-avion à l'aide d'un bateau équipé de lance-roquettes. Titre de l'œuvre : Attaque du port de Toulon, 13 novembre 1993.
Nom : Robert Rauschenberg. Motif d'inculpation : détérioration d'une œuvre de Willem de Kooning. Titre de l'œuvre : Erased de Kooning Drawing. 1953.
Nom : Jake et Dinos Chapman. Motif d'inculpation : détérioration de gravures de Goya et d'aquarelles d'Adolf Hitler. Titre des œuvres : Insult to injury. 2003. If Hitler Had Been a Hippie, How Happy Would We Be. 2008.
Nom : Piero Manzoni. Motif d'inculpation : escroquerie (vente de merde en boîte au prix de l'or). Titre de l'œuvre : Merda d' artista. 1961.
Nom : Wim Delvoye. Motif d'inculpation : escroquerie (vente de merde sous vide au prix de l'or). Titre de l'œuvre : Cloaca Faeces. 2002.
Nom : Pierre Pinoncelli. Motif d'inculpation : dégradations au marteau d'une œuvre majeure du XXème S. Titre : Sans titre. 1993 et 2002.
Nom : Sam Rindy. Motif d'inculpation : dégradation au rouge à lèvres d'une œuvre majeure du XXème S. Titre : Sans titre. 2007.
Nom : Alberto Sorbeli. Motif d'inculpation : prostitution en musée. Titre de l'œuvre : Au Louvre. 1994.
Nom : Santiago Sierra. Motif d'inculpation : possession de drogue dure et distribution à des personnes vulnérables. Titre de l'œuvre : 10 Inch Line Shaved on the Head of Two Junkies Who Received a Shot of Heroin as Payment. 2000.
Nom : Gianni Motti. Motif d'inculpation : usurpation d'identité à la 53ème session de la commission des droits de l'homme à l'ONU. Titre de l'œuvre : ONU. 1997.
Nom : Cyprien Gaillard. Motif d'inculpation : dégradation de matériel de sécurité incendie, et dégradation d'une œuvre majeure du XXème S. et de son environnement naturel. Titre de l'œuvre : Real Remnants of Fictive Wars VI. 2007.
Robert Nickas, « L'entropie et les nouveaux objets », dans El Paseante, n°10, 1988. Reproduit dans Robert Nickas, vivre libre ou mourir, Les Presses du réel, Dijon, 2000, p.42. Traduit en français par Vincent Pécoil.
Hal Foster, « Signes de subversion », dans Recodings: Art, Spectacle, Cultural Politics, Bay Press, Seattle, 1985. Reproduit en français dans Art en théorie 1900-1990, une anthologie par Charles Harrison et Paul Wood, Hazan, Paris, 1997, p.1155.
Hal Foster, Ibid.
Roland Barthes puis Michel Foucault ont eu une importance capitale dans le débat sur "l'autorité". Leurs textes « La mort de l'auteur » (publié par Barthes en 1968 dans la revue Manteia et reproduit dans un recueil posthume Le Bruissement de la langue, Seuil, Paris, 1984) et « Qu'est-ce qu'un auteur ? » (conférence donnée par Foucault en février 1969 à la Société française de Philosophie, reproduit dans un recueil également posthume, Dits et écrits, Gallimard, Paris, 1994) ont irrigué la pensée de nombreux artistes des années 1980 (qui s'appuyaient également largement sur les écrits de Jean Baudrillard, notamment Simulacre et simulation, Galilée, Paris, 1981).
Hervé Paraponaris présente la première fois sa collection à la FIAC sur le stand de la Galerie Nelson en 1994. Il la montre ensuite dans son atelier en 1995 puis au MAC de Marseille en 1996.
Haim Steinbach, « Shopping en compagnie d'Haim Steinbach », entretien avec Robert Nickas, in Flash Art, Milan, avril 1987. Reproduit dans Robert Nickas, vivre libre ou mourir, Les Presses du réel, Dijon, 2000, p.33. Traduit en français par Vincent Pécoil.
« La réconciliation de l'art et de la vie s'est produite, mais selon les termes de l'industrie culturelle et non selon ceux de l'avant-garde » écrit Hal Forster dans son ouvrage Le retour du réel (chez La Lettre volée, Bruxelles, 2005, p.49, d’abord paru en anglais sous le titre The Return of the Real chez MIT Press, Cambridge, 1996).
Sur chacun des sacs en plastique blanc ordinaire, figurait l'énoncé du vol tel que la justice l'avait définit sur le procès verbal.
Raoul Vaneigem, Traité de savoir vivre à l'usage des jeunes générations, Gallimard, Paris, 1967. Reédition Folio actuel, Paris, 1992, p.147.
La série Lewis 501 (2008) s'inscrit directement dans cette problématique liée aux idéologies dont les images publicitaires se font les colporteurs. Elle met en contradiction les valeurs idéales de la société de consommation et son exact contraire, à savoir des vies non contrôlées, non normées, hors la loi.
Jean Baudrillard, La société de consommation, Denoël, Paris, 1970. Reédition Folio essais, Paris, 2003, p.95.
Guy Debord, « Mode d'emploi du détournement » (paru dans Les Lèvres nues, n°8, 1956, et cité par Nicolas Bourriaud, in Post-production, Les Presses du réel, Dijon, 2003, p.31).
Cf la perte d'un père dans l'interview de Paul Ardenne par Hervé Paraponaris.
Cf également la série de dessins réalisés avec son fils Hugo Paraponaris, 2005-2006.
Cf également la série de dessins Contrefacto, 2005.
Cf également Ruins of Mercy, 2007-2008.
Cf enfin Looping, 1988.
Jean Baudrillard, Le système des objets, éditions Gallimard, Paris, 1968. Reédition Tel Gallimard, 2004, p. 120.
Sur les 42 objets volés, 6 ont été légués par leurs propriétaires à la collection après sa saisie. Seuls 36 objets ont fait l'objet d'une procédure et ont donc disparu.
L'échelle de "respect de l'identité" correspond à l'indice d'adéquation de l'objet volé et de son propriétaire. Comme les objets sont « profondément relatifs au sujet », cette mesure tente de souligner la personnalité à travers la propriété.
Peter Halley, « De la critique à la complicité », débat avec Ashley Bickerton, Jeff Koons, Sherrie Levine, Haim Steinbach et Philip Taaffe, publié dans Flash Art, Milan, n°129, été 1986, reproduit en français dans Art en théorie 1900-1990, une anthologie par Charles Harrison et Paul Wood, Hazan, Paris, 1997, p.1174.
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Potlatch
« A member calls the attention of the Academy to a pamphlet, published last June by the titulary of the Suard pension, entitled, What is property? and dedicated by the author to the Academy. He is of the opinion that the society owes it to justice, to example, and to its own dignity, to publicly disavow all responsibility for the anti-social doctrines contained in this publication. »
Letter by the members of the Académie de Besançon in response to a letter by Pierre-Joseph Proudhon introducing his memoire What is property?, August 24, 1840
The fact that art has always had the faculty to produce a quantity of heterogeneous pieces legally reprehensible (and that a text with 24 944 signs would not be sufficiant to explain it by itself) has little importance in putting Hervé Paraponaris artistic work in perspective. In the family picture (wide angle): Chris Burden in front of Alain Declercq, not far from Philippe Meste, Robert Rauschenberg and Jake & Dinos Chapman, Piero Manzoni next to Wim Delvoye, Pierre Pinoncelli and Sam Rindy, Alberto Sorbelli, Santiago Sierra, Gianni Motti, in the front raw, the youngest, Cyprien Gaillard... On the stepped rows crowded with contemporary art's habitual criminals, Hervé Paraponaris could obviously have a prime position. However, it is next to the “bride” that he prefers to stand.
The conceptual hold up carried out by Marcel Duchamp, with the readymade, is indeed much more founding. It is a much more perilous hold up which makes a point at dismantling a system rather than building a personal mythology. It is precisely where Hervé Paraponaris applies his art, in the same place where the failure of a structure can operate and question the overall organisation. Very close to Duchamp then. But not only.
Article 311-1 of the French Penal Code defines theft as « the fraudulent appropriation of a thing belonging to another person. »
Just like property, the condamnation for theft seems to be the base of a social functionning. In 1993, as Hervé Paraponaris started to collect stolen objects, he derived a certain pleasure breaking the law. He wished to move forward against the common opinion, and place his work within the economic and social area. The penal code mentions that « the appropriation is the act of removing the object ». The simple move from one geographic point to another then becomes for the artist the means of questioning, of accusing, of a theoritical attack.
The act of appropriation as an artistic approach the way Marcel Duchamp conceived it, marked the pages of recent art history. The abduction of objects, or of the pictures associated to the society of consumption and to the world of media, through Pop art, situationnism, New Realism, or in the productions of a group of American artists who, as early as the years 1980, applied the « simulation » has led to many interpretations. « Today », Robert Nickas wrote in 1988, « the question is not as much that more and more artists introduce new objects in the world, but that they use things already present in the world and require artistic status for them, either through a direct re-presentation or through their orchestration. » For the art critic Hal Foster, the strategies of collecting set by artists such as Martha Rosler, Sherrie Levine, Allan MacCollum, or Louise Lawler, while they are keeping in line with the institutional criticism, manage to widen the scope of thought to the public space, the social representation or the language used by the artist. Their production « does not enclose art within limits in order to make formal or perceptual experimentations, but rather looks for its affiliations with other usage (in the cultural industry or elsewhere); it also tends to conceive its subject differently. » The removal of preexisting objects or images opens the doors of social and political fields to the work. For Hervé Paraponaris, this movement introduces real in art, it allows him to assert his presence outside the art scene, in the vital space of society. It is a matter of producing zones of porosity, frictions, even percussions. Like « simulation » artists used to do, he has accepted « the status of art as a social sign tightly linked to other signs within the systems which produce values, power and prestige. » Showing a work of art therefore relates to taking a position in the art context as well as to the vaster context of contemporary society.
Starting in the 1980s, the questions related to appropriation appeared mainly through images (image theory), « the death of the author » and consequently the loss of subjectivity, were debated. At the beginning of the 1990s, Hervé Paraponaris chose to characterize the gest before the image, thus affirming the authority of a point of view. For the « simulation » artists, the images produced by society (their origins, their language, their values of use, of exchanges, their social value...) explain the structures of its expression. With Hervé Paraponaris, it is the designation of the gest itself which produces the political value of the piece. He redefines the appropriation not as the means of a semantic art which shows the efficiency of the pretense, but as the means to analyze the forces attached to what is still real in the world (experience). He establishes the terms of a language which is justified by the nature of the removal rather than the ontological value of the objects.
When he decided, in 1994 to present his collection called Tout ce que je vous ai volé (Everything I stole from you), the objects were not organised according to their value of usage or according to any other indication which would designate them by the nature of the object. They were organised, on the one hand, based on the chronological order of their removal, and on the other hand, based on their orignal « location », that is to say through the status given by the initial owner (association, company, person, institution). The indication (with a code of colors) of this « topography of ownership » underlines this desire to designate the abduction before the substance of abduction. The different elements of the collection and their organisation are shown as reified acts.
For the exhibition, the objects are organised in the space like a presentation of information, one piece of data after another along with various documents related to the victims of the thefts: Three copies of free news papers stolen on 09.11.93 from L'Oreille Bien Faite, an association under French 1901 law, Marseilles, orange table, mass mailing sticker under the name of the association.
A pair of blue cotton shorts, size 48, stolen on 01.10.93 to the prejudice of 3615 Fanny, Minitel Rose in Marseilles, yellow table, promotional flyer 3615 Fanny.
A white marble egg, an oeil-de-boeuf, slide of a cathedrale... yellow table... business card ...
All together, 42 objects are displayed with care on several colorful tables which indicate their origins: orange paint for associations, yellow for individuals, green for companies, blue for institutions.
Based on the visual emptiness, the organization of the general space seems to make an allusion to marketing devices, to commercial scenographies. One can find what could be considered another type of appropriation. « I find the one-color bar, surface, or plane to be the dominant code of seduction in Western society » the artist Haim Steinbach analyses when visiting a Sander store (West Broadway, NY). « The arrangement of colors and objects side by side in a repetitive and/or alternating order is a twentieth century device which structures visual space. Today, a bar or configuration of bars is mainly perceived as a generalized logo in a system of sign exchanges. » While organising his colored surfaces, Hervé Paraponaris again uses this commercial display. He repositions in the art area a theme taken by marketing industry (which has integrated long ago the lessons of the avant-garde artists and has been able to mislead minimal forms). While re-using all of the mass merchandizing schemes for museums, the artist replays what Steinbach calls the « generalised logo ». He places his work in the global context of exchanges and products (symbolic value of the work which will actually be confirmed with the series Further Replica After justice, which was realised from plastic bags). In doing so, he disqualifies the institutional space to redefine it, for the best as a space where stolen goods are exchanged, for the worst, as a kind of commercial space for the cultural industry.
Hervé Paraponaris' work also questions the museum notion for collections and the stiffness of the institution. « The function of the ideological, artistic, cultural show », Raoul Vaneigem writes, « consists in changing the wolves of spontaneity into shepherds of knowledge and beauty. Anthologies are full of texts of unrest, museums full of calls for insurrection; history preserves them so well in the juice of time that one forgets to see them or to listen to them. » This idea established, Hervé Paraponaris submits his living work to the quiet anesthesia of the museum, he tests its capacity to resist, up to being rejected, up to its disappearance.
In a world where the corner stone of its construction is property, Tout ce que je vous ai volé appears as a deeply disquiting work. Not only does it deviate from the generalised production/consumption program, it represents the negative, the precise opposite of the social dynamic for needs that fuel the economical system of the western society. This opposition states head-on the refusal to the grand registrary of the capitalist way of life values: « Needs concern values rather than objects » Jean Baudrillard writes, « and their satisfaction first of all means the acceptance to these values. The fundamental, subconscient, automatic choice of the consumer is to accept the life style of a particular society (it is then no longer a choice!). » To appropriate objects outside the trade protocols is a way to express the conscience of this situation, to support the protest until the end. Tout ce que je vous ai volé is a system which reverses the established order and threaten given values and preconscieved ideas. A subversion offered as a means to maintain the possibility to make choices. More than objects, the values are the core of problem.
Thinking frankly the terms of an opposition to the moral, economic, and political dogma, is taking the risk to come up against the machinery of power, see justice seize on, until it absorbs the entire collection of objects, in its endless digestive system. The model does not like its antagonists. Even so, this is above all about symbols, the procedure anyhow swallows Hervé Paraponaris' work with formidable pragmatism. From one theft to another one. Dematerialization. Phases 2 and 3 can then begin. After appropriation: metamorphosis and redistribution. Hervé Paraponaris' global program sounds like a metaphor of the act of creation itself, capture, transform, show again. At the very moment of its disapearing, Tout ce que je vous ai volé becomes the endless support for a work of reconstruction, the object of an open strategy for recidivism: Further Replica.
The artist literally applies the notion of recidivism. Consequently, a new collection with repetition of the gesture reappearing, Further Replica The Collection. Here, the repetition appears as a new form of appropriation, with in mind a quote by Guy Debord: « Everything can be used. It is obvious that one can modify a work or integrate different out dated pieces into a new ones, but also change the meaning of these pieces and fabricate in any way considered interesting what imbeciles continue calling quotes. » For the artist, this is about staging a lost reality and showing his gest as a new potential relationship to the world. Objects disappear again, they accumulate, are presented next to each other, showing themselves without any difficulty, exposed on their monochrome tables, stuck underneath their ceiling stained by colored neons which make them shine one hundred times more than any aisle end display. The double in order to ask, without being distracted, the question about the loss of the origin, of survival, of the referent running away, of the « simulation » and the loop is closed. Further Replica The Collection is an entropy, the movement of a growing disorder which shows the deliquescence of the subject. It is a replicate like the androids in Philip K. Dick's short story (Do androids dream of electric sheep? 1966) and in Ridley Scott's movie (Blade Runner, 1982), an augmented origin. A cannibal model which designates the loss as well as the desire to do it again, because the words always have to be said. Then, there is this protocol which specifies things: at each one of his exhibits, a new object added to the work. And the kleptomaniac dynamic is launched.
Further Replica The Collection can be perceived as the first step of a collection of collection (which will be followed with Further Replica The Puppet). The accumulation starts with two and Hervé Paraponaris seems to answer the sirens of consumption by the addition of its negation. Adding stolen objects answers the impulse of need without being enslaved to the society of consumption. Because more generally, « objects are (...) profoundly linked to the subject, not only a material body which resists, but a mental enclosure where I rule, a thing that I am the meaning of, a property, a passion », “further replica” could be understood as the means to build a confused identity. In the world of merchandising, « the system of objects » defines the personality of the ego, and Hervé Paraponaris borrows a personality. A lame and generic personality, which melts into the others' objects as Les Poulpes (The Octopuses) that he used to paint with rust in 1991, hid and disappeared in the background.
Tout ce que je vous ai volé vanished, the artist then activates a system branching out. The restriction becomes the means for an exercise of aesthetic survival for the object. So he elaborates a sort of fixed data base which allows to produce a limitless ensemble of metamorphosis when manipulated. He organizes the information, sets indications and scales which will unable him to reactivate the critic of the work. One piece of data after the other, he builds his matrix. Inventory, date of the theft, name and status of the owner, place, size,... everything articulates to build the complex grammar of implacable formal language.
Further Replica© is a synthesis with the ensemble of necessary information for the overall understanding of the project. Hervé Paraponaris sifts the different objects of his collection through a testing bench similar to the ones found in brochures comparing products (especially audiovisual ones): 36 stolen objects seized by the police, not returned by the justice, 36 objects through the testing bench with regard to their aesthetic quality, respect of their owners' identities, their size, sensibility, speed and difficulty of the act index-linked on the risk incurred ». The 36 diagrams draw shapes more or less open according to their characteristics and to their relevance on the established scales. A security system notice for the contemporary art museum in Marseilles: size 4, difficulty 1, speed 3, aesthetic quality 3, respect of the identity 8, sensibility 3: one star. One liter of Fernandez lime, size 6, difficulty 6, speed 7, aesthetic quality 8, respect of the identity 8, sensibility 7: three stars. The inventory gets complicated, it multiplies criteria to better grasp the subject. It settles in the real with a scientific accuracy which, however, leaves a part to subjectivity. This very subjectivity which initially presided over the selection of objects to be stolen.
This numbered reality referring directly to the phantom objects, is meant to think the terms of the elaboration of sculptures, paintings, drawings, documents, stories. Hervé Paraponaris displays strategies of evocations allowing the resurgence of a work which becomes the unchanging landmark of an open practice for experimentation. With a system of equivalence, the ensemble of information allows to structure forms, arrange them in the space, think about their hanging with regard to the risk index or any other appropriate element. The theorem rigorously applies and authorizes the transformation. The pieces present themselves like an acting out. They bear the radicalism of a gesture which does not refer to their very realization (here no expressionist texture) but to a primary attitude which pre-exists conceptually for their execution. Everything is then possible for the artist, a field of knowledge to explore until exhaustion, to question the structure of each thing with obstinacy. « As artists, we want to create an art piece which is a situationist object, in itself and by itself according to the way its made » the artist Peter Alley explains. « Rather than talking about current events, I think that a work of art must refer to critical questions: the political questions of the moment, if they exist, deal with people as individuals, but, in a work of art, the structural questions are important. » And, through putting into place a plastic language definitely subjected to the world, Hervé Paraponaris manages to think a socially affected aesthetic. An aesthetic made of borrowed elements, of freedom, of rigor and of exactness which builds a deeply contesting work.
We must fight against the simplifications of the polemic, moralist, political or religious speech to take up this art which refuses renouncement. We must leave behind us the certitudes of the world to hear this criticism of the organisation as a manifesto with a title that could misappropriate a famous axiom to declaim with the determined voice of the revolt: Stealing is giving!
Guillaume Mansart
1 Nom : Chris Burden. Motif d'inculpation : usage d'une arme à feu sur un avion de ligne de marque Boeing. Titre de l'œuvre : 747. 1973.
Nom : Alain Declercq. Motif d'inculpation : usage d'une arme à feu sur un avion militaire de type B-52. Titre de l'œuvre : B-52. 2003.
Nom : Philippe Meste. Motif d'inculpation (entre autres) : attaque d'un porte-avion à l'aide d'un bateau équipé de lance-roquettes. Titre de l'œuvre : Attaque du port de Toulon, 13 novembre 1993.
Nom : Robert Rauschenberg. Motif d'inculpation : détérioration d'une œuvre de Willem de Kooning. Titre de l'œuvre : Erased de Kooning Drawing. 1953.
Nom : Jake et Dinos Chapman. Motif d'inculpation : détérioration de gravures de Goya et d'aquarelles d'Adolf Hitler. Titre des œuvres : Insult to injury. 2003. If Hitler Had Been a Hippie, How Happy Would We Be. 2008.
Nom : Piero Manzoni. Motif d'inculpation : escroquerie (vente de merde en boîte au prix de l'or). Titre de l'œuvre : Merda d' artista. 1961.
Nom : Wim Delvoye. Motif d'inculpation : escroquerie (vente de merde sous vide au prix de l'or). Titre de l'œuvre : Cloaca Faeces. 2002.
Nom : Pierre Pinoncelli. Motif d'inculpation : dégradations au marteau d'une œuvre majeure du XXème S. Titre : Sans titre. 1993 et 2002.
Nom : Sam Rindy. Motif d'inculpation : dégradation au rouge à lèvres d'une œuvre majeure du XXème S. Titre : Sans titre. 2007.
Nom : Alberto Sorbeli. Motif d'inculpation : prostitution en musée. Titre de l'œuvre : Au Louvre. 1994.
Nom : Santiago Sierra. Motif d'inculpation : possession de drogue dure et distribution à des personnes vulnérables. Titre de l'œuvre : 10 Inch Line Shaved on the Head of Two Junkies Who Received a Shot of Heroin as Payment. 2000.
Nom : Gianni Motti. Motif d'inculpation : usurpation d'identité à la 53ème session de la commission des droits de l'homme à l'ONU. Titre de l'œuvre : ONU. 1997.
Nom : Cyprien Gaillard. Motif d'inculpation : dégradation de matériel de sécurité incendie, et dégradation d'une œuvre majeure du XXème S. et de son environnement naturel. Titre de l'œuvre : Real Remnants of Fictive Wars VI. 2007.
2 Robert Nickas, « L'entropie et les nouveaux objets », dans El Paseante, n°10, 1988. Reproduit dans Robert Nickas, vivre libre ou mourir, Les Presses du réel, Dijon, 2000, p.42. Traduit en français par Vincent Pécoil.
3 Hal Foster, « Signes de subversion », dans Recodings: Art, Spectacle, Cultural Politics, Bay Press, Seattle, 1985. Reproduit en français dans Art en théorie 1900-1990, une anthologie par Charles Harrison et Paul Wood, Hazan, Paris, 1997, p.1155.
4 Hal Foster, Ibid.
5 Roland Barthes puis Michel Foucault ont eu une importance capitale dans le débat sur "l'autorité". Leurs textes « La mort de l'auteur » (publié par Barthes en 1968 dans la revue Manteia et reproduit dans un recueil posthume Le Bruissement de la langue, Seuil, Paris, 1984) et « Qu'est-ce qu'un auteur ? » (conférence donnée par Foucault en février 1969 à la Société française de Philosophie, reproduit dans un recueil également posthume, Dits et écrits, Gallimard, Paris, 1994) ont irrigué la pensée de nombreux artistes des années 1980 (qui s'appuyaient également largement sur les écrits de Jean Baudrillard, notamment Simulacre et simulation, Galilée, Paris, 1981).
6 Hervé Paraponaris présente la première fois sa collection à la FIAC sur le stand de la Galerie Nelson en 1994. Il la montre ensuite dans son atelier en 1995 puis au MAC de Marseille en 1996.
7 Haim Steinbach, « Shopping en compagnie d'Haim Steinbach », entretien avec Robert Nickas, in Flash Art, Milan, avril 1987. Reproduit dans Robert Nickas, vivre libre ou mourir, Les Presses du réel, Dijon, 2000, p.33. Traduit en français par Vincent Pécoil.
8 « La réconciliation de l'art et de la vie s'est produite, mais selon les termes de l'industrie culturelle et non selon ceux de l'avant-garde » écrit Hal Forster dans son ouvrage Le retour du réel (chez La Lettre volée, Bruxelles, 2005, p.49, d’abord paru en anglais sous le titre The Return of the Real chez MIT Press, Cambridge, 1996).
9 Sur chacun des sacs en plastique blanc ordinaire, figurait l'énoncé du vol tel que la justice l'avait définit sur le procès verbal.
10 Raoul Vaneigem, Traité de savoir vivre à l'usage des jeunes générations, Gallimard, Paris, 1967. Reédition Folio actuel, Paris, 1992, p.147.
11 La série Lewis 501 (2008) s'inscrit directement dans cette problématique liée aux idéologies dont les images publicitaires se font les colporteurs. Elle met en contradiction les valeurs idéales de la société de consommation et son exact contraire, à savoir des vies non contrôlées, non normées, hors la loi.
12 Jean Baudrillard, La société de consommation, Denoël, Paris, 1970. Reédition Folio essais, Paris, 2003, p.95.
13 Guy Debord, « Mode d'emploi du détournement » (paru dans Les Lèvres nues, n°8, 1956, et cité par Nicolas Bourriaud, in Post-production, Les Presses du réel, Dijon, 2003, p.31).
14 Cf la perte d'un père dans l'interview de Paul Ardenne par Hervé Paraponaris.
15 Cf également la série de dessins réalisés avec son fils Hugo Paraponaris, 2005-2006.
16 Cf également la série de dessins Contrefacto, 2005.
17 Cf également Ruins of Mercy, 2007-2008.
18 Cf enfin Looping, 1988.
19 Jean Baudrillard, Le système des objets, éditions Gallimard, Paris, 1968. Reédition Tel Gallimard, 2004, p. 120.
20 Sur les 42 objets volés, 6 ont été légués par leurs propriétaires à la collection après sa saisie. Seuls 36 objets ont fait l'objet d'une procédure et ont donc disparu.
21 L'échelle de "respect de l'identité" correspond à l'indice d'adéquation de l'objet volé et de son propriétaire. Comme les objets sont « profondément relatifs au sujet », cette mesure tente de souligner la personnalité à travers la propriété.
22 Peter Halley, « De la critique à la complicité », débat avec Ashley Bickerton, Jeff Koons, Sherrie Levine, Haim Steinbach et Philip Taaffe, publié dans Flash Art, Milan, n°129, été 1986, reproduit en français dans Art en théorie 1900-1990, une anthologie par Charles Harrison et Paul Wood, Hazan, Paris, 1997, p.1174.
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