Texte de Nadine Maurice, août 2000
ACTUEL CLUB salle de préparation, salon de l'après-bureau, extrait du catalogue La partie cachée de l'iceberg, Ateliers d'artistes, Office de la Culture, Marseille
ACTUEL CLUB s'annonce comme un lieu d'accueil ouvert, à l'intérieur duquel se croisent une diversité de petits espaces. L'artiste a utilisé les cloisons proposées par Marc Etienne pour construire leur articulation. Ces outils de monstration interviennent dans l'installation comme des zones à localiser, c'est-à-dire à habiter au rythme des contextes qu'ils évoquent (celui de l'art, des loisirs, du spectacle). Dans cet univers hétéroclite mais parfaitement élaboré, ce module caractéristique d'un espace médian (entre la cloison domestique et le châssis de théâtre) cerne et met en jeu des univers peuplés d'objets aux couleurs chatoyantes et aux formes identifiables. Même si parfois elles sont d'une facture approximative quant à l'objet de référence (impressionniste ou factice), chaque forme est signifiante par rapport à l'endroit qu'elle occupe. Leur mise en espace répertorie plusieurs registres d'exercice: un contexte naturaliste (pouf-rocher en papier crépon, feuillage en bolduc vert), une utopie décorative (échelle non respectée, profusion, couleurs artificielles), un regroupement de loisirs intégrant le design, la fête, le jeu, le sport (boules, putching-ball, guirlandes, costumes chapeaux, assiettes), enfin, un espace discursif (informations, révélations, conseils) qui mutuellement s'interpellent.
Autrement dit, Elodie Moirenc en appelle à la scène théâtrale, scène qui relève d'une expérience collective et "spectaculaire". La métaphore se réalise dans la présence de certains éléments fondamentaux du théâtre à l'italienne et de la scène moderne : châssis, décoration, perspective, illusion instaurant une rupture entre la scène et la salle ; aire de jeu à trois dimensions pour l'acteur créant un contact avec le spectateur. La même figure de style existe donc aussi dans la façon dont l'espace et les objets prennent ou pas en considération l'existence du spectateur, en terme de circulation, d'accessibilité, d'appel aux sensations. Ainsi certains lieux d'ACTUEL CLUB stimuleraient le potentiel de ce dernier à être actif dans sa visite du stand quand d'autres le conforteraient dans une attitude contemplative.
Pourtant malgré toute la féerie qui les entoure, les objets restent vides, fragiles, faux, ancrant le tout dans la sphère de l'illusion la plus totale. Ils renvoient ainsi directement le spectateur à lui-même et à ses interrogations sur sa perception du réel, ce qu'il a envie d'en savoir et d'en faire, la manière dont il travaillera son corps (corps glorieux ou corps glaneur ?) dans la virtuosité ou au contraire dans la désublimation.
A travers ACTUEL CLUB l'artiste use d'un subterfuge pour mettre en vue du public dans un lieu d'art contemporain des objets manufacturés à base de matériaux sans prétention, faciles d'usage et peu onéreux, provenant du quotidien, affirmant ainsi le paradoxe qui sous-tend leur statut. Activités banales ou créations artistiques ? Bien que l'ensemble soit installé dans le dispositif d'un stand de club multi-activités, que le caractère des objets soit de l'ordre de l'échantillon, du modèle, du commun, le tout conserve la valeur d'un travail d'artiste puisque "l'amateuse" qui l'a conçu et fabriqué ("celle qui aime, recherche et cultive") revendique avoir pour profession cette activité artistique.
En présentant comme professionnelle une activité que l'on ferait "pour s'occuper, ne pas s'ennuyer et se faire plaisir", le travail d'Elodie Moirenc excite ainsi des notions qu'elle-même relie aisément à l'art mais aussi à la vie quotidienne, aux loisirs mais aussi au travail, dans une recherche du bien-être relié à son propre corps et à son environnement. |