Olivier MILLAGOU 

Vues de l'exposition A Swingin' Summer, Galerie Sultana, Paris, 2019
Photographies Aurélien Mole
Courtesy Galerie Sultana
 
 
 
 
 
 
Peter 2018
Sculpture surfable en pain de mousse polystyrène latée, peinture acrylique,
fibre de verre, résine, bois, 290 x 60 x 20 cm
 
 
 
 
 
 
Post Cards Story 2019
Asia, Beaucours
Lena, La Kima

Crayon de couleur sur papier, 15 x 10 cm
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Le Langoustier 2019
Plâtre, sable, socle métal émaillé orange, 15 x 43 x 15 cm
 
 
 
 
 
Traffic Sign Painting (Brebis Janis Joplin) 2019
Peinture acrylique sur panneau de signalisation, 60 x 79,5 cm
 
 
 
 
 
 
 
 
Uluwatu 2019
Plâtre, sable, socle métal émaillé vert, 15 x 40 x 15 cm
 
 
 
 
Traffic Sign Painting (Lémurien Kurt Cobain) 2019
Peinture acrylique sur panneau de signalisation, 88 cm diamètre
 
 
 
 
Traffic Sign Painting (Cheval Lee Hazlewood) 2019
Peinture acrylique sur panneau de signalisation, 66 cm diamètre
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Micki 2018
Sculpture surfable en pain de mousse polystyrène latée, peinture acrylique,
fibre de verre, résine, bois, 179 x 53 x 20 cm
 
 
 
 
 
Rob 2018
Sculpture surfable en pain de mousse polystyrène latée, peinture acrylique,
fibre de verre, résine, bois, 122 x 54,5 x 20 cm
 
 
 
 
La Maison Du Jouir 2019
Métal empaillé violet et vernis phosphorescent, 84 x 81 x 3,3 cm
 
 
 
Texte de Guillaume Mansart
 
Il faut s'imaginer que le mur sur lequel les surfs s'alignent sur une plage de Malibu ou d'ailleurs composent et recomposent un ensemble d'histoires et de formes à chaque nouvelle session de glisse. Il est de multiples récits possibles. Il est aussi des murs célèbres dans l'histoire du surf. Celui sur lequel Miki Dora, dit Da-Cat, signifiait dans les années 1960, son autorité en un tag, « Da-Cat Rules », en fait partie. Entre les planches de surf plantées dans le sable et les « Locals only » affichés sur les murs, il était question de territoires, d'une certaine forme de virilité outrageuse et d'exclusivité des paysages.
L'exposition A Swingin' Summer qui, comme toutes les expositions d'Olivier Millagou, emprunte son titre à un surf movie, prend pour origine ce plan vertical faisant face à la mer et qui porte contre lui l'expression de ce besoin vital d'horizon. Penser une exposition comme un mur de plage c'est placer le regardeur du côté de l'océan au milieu de la houle, les chevilles léchées par l'écume des vagues. C'est surtout signifier bien plus qu'un attachement ou qu'un engagement, une manière d'être et d'envisager le monde. La plage comme une omniprésence, comme un milieu naturel, un éco-système duquel peut s'extraire une production artistique. Alors chacune des œuvres exposées doit son origine à cette bande de littoral. Sculptures moulées directement dans le sable, dessins de plage, panneaux de signalisation peints et exposés au soleil, et bien sûr planches totémiques prêtes au voyage...
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Il faut s'imaginer que le mur sur lequel les surfs s'alignent sur une plage de Malibu ou d'ailleurs composent et recomposent un ensemble d'histoires et de formes à chaque nouvelle session de glisse. Il est de multiples récits possibles. Il est aussi des murs célèbres dans l'histoire du surf. Celui sur lequel Miki Dora, dit Da-Cat, signifiait dans les années 1960, son autorité en un tag, « Da-Cat Rules », en fait partie. Entre les planches de surf plantées dans le sable et les « Locals only » affichés sur les murs, il était question de territoires, d'une certaine forme de virilité outrageuse et d'exclusivité des paysages.
L'exposition A Swingin' Summer qui, comme toutes les expositions d'Olivier Millagou, emprunte son titre à un surf movie, prend pour origine ce plan vertical faisant face à la mer et qui porte contre lui l'expression de ce besoin vital d'horizon. Penser une exposition comme un mur de plage c'est placer le regardeur du côté de l'océan au milieu de la houle, les chevilles léchées par l'écume des vagues. C'est surtout signifier bien plus qu'un attachement ou qu'un engagement, une manière d'être et d'envisager le monde. La plage comme une omniprésence, comme un milieu naturel, un éco-système duquel peut s'extraire une production artistique. Alors chacune des œuvres exposées doit son origine à cette bande de littoral. Sculptures moulées directement dans le sable, dessins de plage, panneaux de signalisation peints et exposés au soleil, et bien sûr planches totémiques prêtes au voyage... tout s'extrait et s'aligne frontalement devant (ou sur) un mur peint.
A Swingin' Summer se parcourt du regard d'Est en Ouest. L'exposition est une séquence qui compose un arc-en-ciel. Une exposition née d'une pluie d'été. Les gammes chromatiques s'emboitent du rouge, orange, jaune, vert, bleu jusqu'au violet. Et le son d'un orchestre composé de la mer, de quelques planches, de vent et de sable, diffuse dans l'espace le souffle de ce qu'on pourrait prendre à juste titre pour la mère de toutes les surf music. Le décor est planté.
Peter est une grande sculpture rose et rouge, elle habite cet espace, elle est la plus imposante des trois sculptures surfables. Elle se distingue par sa taille, par la superposition de ses motifs de divinités polynésiennes, autant que par sa forme évocatrice qui semble avoir quelque-chose à prouver. S'il était possible que l'expression d'une virilité puisse encore transparaitre dans les codes du surf aujourd'hui, on se dit que Peter pourrait sans doute en témoigner. Mais c'est Peter Drouyn qu'Olivier Millagou convoque, un des surfers les plus respecté, le modèle d'une génération, et qui en 2012 changea de sexe pour devenir Westerly Windina à l'occasion d'un voyage en Thaïlande. Ici comme ailleurs il est donc des mondes qui s'érigent sur la chute d'anciens.
L'ensemble des sculptures surfables sont réalisées à partir des matériaux (bio-mousse, fibre de lin, résine bio sourcée...) et des techniques (channel, finless, rockers, tails...) issus du savoir-faire shaper1. Cependant leur nature est contrariée par l'envie de déplacer la question de leur performance du côté du rendu formel. Irrégulières, disproportionnées, voire asymétriques, elles se tiennent debout, font face et malgré leur handicap criant semblent attendre qu'on se décide enfin à se jeter à l'eau, ventre à plat.
Face au mur de A Swingin' Summer, une communauté est rassemblée. Peter (Drouyn), Miki (Dora) ou Rob (Machado), croisent d'étranges figures, mélange de tikis2 et de cartoon, épinglées comme on montre les statuettes ancestrales de cultures lointaines dans les musées. Moulées dans le sable d'une plage, elles auraient le pouvoir de faire advenir les bonnes vagues. Prier pour la possibilité d'un tube. Brebis Janis Joplin, lémurien Kurt Cobain, cheval Lee Hazlewood, sont aussi de la fête (et les tubes adviennent). Peints grossièrement sur des panneaux de signalisation, ils veillent à ce que rien ne devienne vraiment normal. Ils sont pour Olivier Millagou les apparitions hallucinées d'un monde sauvage, une vision hippie dans laquelle les postiches valent toutes les identités. On se situe sur un territoire de croyances, un terrain de jeu où énoncer les choses revient à les rendre réelles.
Au soleil couchant, une enseigne confirme ce qu'on avait ressenti dans l'instant, il est avant tout question ici de plaisir. Annonçant « La maison du jouir », l'enseigne évoque la dernière demeure de Gauguin dans les Îles Marquises. Sur ses soubassements le peintre n'avait pas éprouvé le besoin de tagger son autorité mais y avait inscrit la devise de ce qu'il considérait être un précepte de bonheur « Soyez amoureuses et vous serez heureuses ».
Penser une exposition comme un mur de plage permet de construire des histoires, de creuser des tunnels et de rassembler les siens. A Swingin' Summer, est la quatrième exposition monographique d'Olivier Millagou à la galerie Sultana, elle réunie une communauté hétérogène, hédoniste et solaire.

Guillaume Mansart
Janvier 2019

1 Le shaper est l'artisan qui fabrique les planches de surf.
2 Les tikis sont de petites sculptures polynésiennes représentant des personnages mi humains mi divins.

 
 
 
 
 
A Swingin' Summer 2023
16m41s
Réalisation Vincent Pajot
Production Documents d'artistes Paca
Avec le soutien du Ministère de la Culture, et la participation du Réseau documents d’artistes
 
Dans le film A Swingin' Summer, Olivier Millagou revient sur sa pratique artistique et, accompagné de Gibus de Soultrait (surfer, journaliste et écrivain), il active ses sculptures "surfables" dans l'océan Atlantique.
 
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